La science politique et l’enseignement de sciences économiques et sociales (SES) au lycée. Eléments pour un débat raisonné
par Yves Déloye

Dans le cadre de la réforme des lycées qui se met en place à la rentrée scolaire 2010, l’ensemble des programmes de l’enseignement secondaire fait actuellement l’objet d’une refonte profonde. Il ne saurait être ici question de faire un point d’ensemble sur un processus complexe d’écriture des programmes scolaires ; plus encore du fait que ce processus est pour l’heure inachevé (si les programmes de la classe de Seconde s’applique dès la rentrée 2010, si ceux de la classe de 1ère ont été publiés au Journal Officiel du 28 août 2010, ceux de la classe de terminale sont encore en cours d’élaboration et de rédaction). Toutefois, il peut être utile au débat, souvent intense, de donner ici quelques informations objectives pouvant intéresser les politistes. Quelle est, en effet, la place de la science politique comme ensemble de savoirs disciplinaires dans l’enseignement des SES aujourd’hui ? Il convient d’abord de rappeler qu’à l’origine de l’enseignement des SES, né au milieu des années 1960, la science politique était très largement absente (euphémisme) de l’esprit des concepteurs de cette nouvelle discipline de l’enseignement scolaire, notamment de Fernand Braudel qui jouera ici un rôle considérable. Ce n’est que dans la décennie des années 1980 que la science politique fait une entrée limitée dans les programmes de cette discipline. Ce sentier de dépendance (étroit) doit être conservé à l’esprit pour comprendre l’enjeu des récents débats et éviter certaines lectures anachroniques. Le fait que le groupe d’experts chargés de réformer les programmes du cycle terminal comporte, pour la première fois, en 2010 un politiste, nommé en accord avec l’AFSP, atteste toutefois que la situation a évolué ces dernières années. Cette présence doit être mise en relation avec le fait que depuis une dizaine d’années la science politique (rattachée au droit public) est également au programme de l’agrégation de SES comme matière optionnelle à l’écrit au même titre que l’histoire, mais en retrait par rapport aux deux disciplines fondatrices que constituent la science économique et la sociologie pour ne rien dire ici des mathématiques. De fait, c’est en complémentarité à ces disciplines, parfois en concurrence avec elles, que la place de la science politique dans la formation et l’enseignement des SES doit être envisagée. Qu’en est-il de la place de la science politique dans les programmes aujourd’hui en vigueur ? Concernant la classe de 1ère dont le nouveau programme vient d’être publié au JO, la comparaison doit être faite avec l’ancien programme rédigé en 2001 (et portant le titre générique suivant : « L’organisation de la société : lien marchand, lien social, lien politique »). Dans ce dernier programme, la science politique occupait principalement le point 1.3. des programmes (« L’organisation politique ») et prévoyait l’acquisition par les élèves de trois catégories fondamentales : « Etat de droit », « Niveaux de pouvoir » et « Citoyenneté ». Dans la liste des notions complémentaires qui avait vocation à orienter l’enseignement effectivement dispensé, le nombre de notions est plus fourni : « Pouvoir, nation, légitimité, règles de droit », « Pouvoir central/local, supranational, subsidiarité » et « Contrat social, acculturation, sous-culture, conflits culturels ». La durée indicative prévue par les rédacteurs du programme est de 3 semaines (soit moins 8 % du temps d’enseignement). Dans le nouveau programme (qui sera mis en œuvre à la rentrée de septembre 2011), la place de la science politique est concentrée dans la 2ème partie du programme relative à « La sociologie générale et [à] la sociologie politique » qui représente un volume horaire indicatif de 60 heures (contre 90 heures pour la science économique et 20 heures pour les « Regards croisés » entre les trois disciplines). Plus précisément, la science politique occupe le point 4 de cette partie sociologique des programme sous le titre « Ordre politique et légitimation » qui se décompose lui-même en trois entrées pédagogiques : « 4.1. Pourquoi un ordre politique ? », « 4.2. Quelles sont les formes institutionnelles de l’ordre politique ? », « 4.3. Comment analyser la diversité des cultures politiques et des formes de citoyenneté ? ». Du point de vue des notions complémentaires énoncées, la liste est désormais plus précise et légèrement plus étoffée (elle doit désormais occuper 10 % du temps disponible). Au point 4.1. correspondent les notions d’ « Etat, d’Etat-Nation et de souveraineté ». Au point 4.2. correspondent les notions d’ « Etat de droit, d’Etat unitaire/fédéral, de démocratie représentative/participative ». Au point 4.3. correspondent les notions de « Citoyenneté et de droits civiques ». Précisons aussi que dans la dernière partie de ces nouveaux programmes, intitulée « Regards croisés », l’enseignement de science politique, au même titre que les deux autres disciplines, a vocation à nourrir notamment l’enseignement consacré au thème « Action publique et régulation » (10 heures sur les 20 heures prévues ici).

Pour une information plus complète, nous vous invitons à lire le programme de la classe de première tel qu’il a été publié par le JORF n°0199 du 28 août 2010 page 15651 texte n° 30 ARRETE du 21 juillet 2010 fixant le programme d'enseignement spécifique de sciences économiques et sociales en classe de première des séries ES.