Appel à contributions pour l’ATELIER : Temporalités électorales et temporalités décisionnelles. Longévité, action et carrières politiques

Vous trouverez ci-dessous la présentation de l'atelier que nous organiserons en septembre 2005 au 8e Congrès de l'AFSP à Lyon. Cet atelier est intitulé "Temporalités électorales et temporalités décisionnelles : longévité, action et carrières politiques".

Nous avons déjà réuni un certain nombre d'intervenants. Mais l'appel à propositions reste ouvert.

Merci de faire parvenir vos propositions (une à deux pages) avant le 31 janvier 2005 aux deux adresses suivantes :

g.marrel@wanadoo.fr
renaud.payre@wanadoo.fr

La plupart des démocraties représentatives contemporaines fonctionnent sur un mode très largement opposé au " modèle athénien " de la rotation du personnel politique . La rééligibilité indéfinie des représentants associée à la durée des mandats et à la rareté des clauses d'inéligibilité ou d'invalidation facilite la stabilisation des carrières électorales et donc une professionnalisation politique. Dès l'ouverture des arènes électorales concurrentielles, est apparue la figure noire de " l'élu inamovible ", celui qui vit durablement de la politique. Cette figure a alors été la cible de nombreux projets de limitation de la rééligibilité parlementaire.

Écartées en Europe, de telles mesures ont abouti dans certains pays d‚Amérique latine  et sont aujourd‚hui en application aux États-Unis. Dans le cadre des term limits états-uniens, le débat est né des propositions de réformes portées par des groupes réformateurs libertariens et anti-fiscalistes hostiles à l‚image largement reconstituée du " professionnel corrompu ". Ce thème a d'ailleurs nourri un renouvellement de l'analyse académique des carrières politiques et de la professionnalisation.

En France, le débat est d'actualité si l'on se reporte aux réflexions concernant la durée et la rééligibilité des mandats électifs. Si la révision du statut de la présidence de la République a donné lieu à une importante littérature, le silence a entouré les quelques propositions concernant les mandats locaux et parlementaires . Naturalisée, occultée et chargée d‚enjeux professionnels, la temporalité électorale demeure une sorte de " tabou politique ". La question de la rééligibilité est quant à elle systématiquement écartée de l'agenda parlementaire et ne dispose pour ainsi dire d‚aucune légitimité dans le champ académique . En science politique comme en histoire, l‚étude des temporalités électorales et décisionnelles est pratiquement inexistante. C'est à ce point aveugle que nous souhaitons consacrer cet atelier.

L'atelier se donne pour objectif de reconstituer et d‚analyser les enjeux pratiques, institutionnels et professionnels de la réglementation des cadences électorales. Il s'agit par-là d'explorer l'une des dimensions constitutives de la professionnalisation politique. Si en effet la professionnalisation et le métier politique ont été étudiés à travers divers indicateurs comme l'adoption de rôles, la diffusion de savoirs et savoir-faire propres aux élus, la question de la rémunération et des indemnités, le rapport au temps et l'inscription de l'activité politique dans le temps (vivre durablement de la politique comme on le ferait d'une autre activité professionnalisée) ont peu été interrogés jusqu'alors.

De fait, l'ambition est bien de s'interroger sur l'existence d‚un rapport au temps spécifique à ces professionnels pas tout à fait comme les autres que sont les élus. Si l‚on se réfère à Norbert Elias, le temps peut être défini comme " la relation qu‚un groupe humain établit entre deux ou plusieurs processus, dont l'un est normalisé pour servir aux autres de cadres de références et d'étalon de mesure " . On avance l'hypothèse selon laquelle les rythmes électoraux servent de cadre de référence à l'ensemble de l'action des élus. La singularité de ce rapport au temps résiderait dans l'incertitude inhérente au principe électif. Par-là, nous souhaitons ouvrir la " boite noire " de la temporalité politique afin de mesurer les effets de cette gestion du temps sur la prise de décision et l'action publique.

Les principaux questionnements que nous souhaitons soulever peuvent être ainsi formulés :

1. Réforme électorale et logiques de codification : Quels sont les mécanismes de la codification constitutionnelle ou parlementaire des règles du jeu électoral concernant la durée des mandats, la réélection ? Dans quelles conditions les législateurs parviennent-ils à allonger ou diminuer la durée de mandats locaux ou nationaux ? Comment une assemblée peut-elle légiférer sur sa propre non-rééligibilité ?

2. Stabilité et logiques de carrière : Comment évolue dans le temps le degré de stabilité du personnel politique ? De quelle manière la durée des mandats, les formes de la réélection et les conditions d'invalidation et d'inéligibilité affectent-elles les logiques de carrières ? Comment ont-elles progressivement structuré le fonctionnement des partis politiques en rendant les carrières des élus plus ou moins dépendantes des organisations partisanes ?

3. Temporalités électorales et politiques publiques : Quelles sont les contraintes électorales des temporalités décisionnelles ? De quelle manière la mise en oeuvre des politiques publiques est-elle dépendante des calendriers électoraux ? Comment, à l'inverse, les temporalités électorales sont-elles influencées par l‚inscription de l'action publique dans le temps (principe d'assurance, de prévoyance et de précaution, annualisation budgétaire, planification) ?

Un tel programme de recherche ne peut être que collectif. Les échanges devraient permettre d'abord des rapprochements sous-disciplinaires au sein de la science politique. Il s'agit notamment de favoriser le décloisonnement de l'analyse des politiques publiques et de la sociologie du personnel politique. Mais le projet vise également à promouvoir une recherche pluridisciplinaire en associant aux politistes, des spécialistes de l'histoire parlementaire du droit électoral et de l'économie politique.

L'atelier pourra s‚ouvrir sur une présentation de ce champ de recherche peu exploré en France et sur lequel on ne dispose d'aucune synthèse analytique. Pour chacun des trois questionnements présentés ci-dessus, nous envisageons deux communications, dont le contenu sera présenté par un rapporteur ouvrant la discussion.