Appel à contributions pour l’ATELIER " Les transformations managériales des activités politiques "

Organisateurs : Sylvain Lefèvre et Jérémie Nollet
Allocataires de recherche, Lille 2, CERAPS

Discutant : Frédéric Sawicki (Université Lille 2, CERAPS)

Le vocable du management devient omniprésent en politique, tant chez les acteurs que dans les sous champs disciplinaires de la science politique (sociologie du militantisme, du métier politique, de l'action publique). L'objectif de cet atelier est d'initier une réflexion collective sur l‚importation du management dans les activités politiques.

Le constat qui est l'origine de cet atelier est celui du décalage entre l'évocation assez fréquente du management dans les travaux de science politique, et la rareté des travaux de notre discipline le prenant véritablement pour objet. De ce point de vue, la science politique se distingue de disciplines telles les sciences de gestion, la sociologie des organisations (M. Crozier) ou la sociologie du travail (D. Linhart, A. Hochschild, M. Villette), qui ont intégré depuis longtemps le management dans leur agenda de recherche.

Cet atelier vise donc à poser les jalons d'une construction du management comme objet de science politique, notamment comme révélateur et comme moteur de transformations du champ politique.

Les activités politiques investies par le management

On situe fréquemment l'origine de la discipline " management " au début du XX siècle, autour des travaux du français H. Fayol et de l'américain F.W Taylor. Par management, on entend ainsi " la systématisation de pratiques forgées au sein des entreprises dans des règles de conduite à caractère général [·], accompagnées de théories les justifiant, ainsi que d‚outils et dispositifs permettant leur mise en þuvre " (Chiapello). Du taylorisme au management revendiqué toujours plus " humain ", en passant par le toyotisme, de la rationalisation des activités sur le modèle de la machine à la mise en avant d‚un accomplissement passant par l‚autonomie et la créativité, l‚espace des savoirs et pratiques managériales va évoluer au cours du siècle en cristallisant et amalgamant les acquis de la sociologie des organisations, de la gestion et de la psychologie sociale, parfois sous la forme de produits syncrétiques (PNL, analyse transactionnelle, analyse systémique) circulant de manière

indifférenciée dans et hors de l‚entreprise.

Dans un mouvement inverse à cette irrigation d'une " science managériale " par des territoires extérieurs à l'entreprise, on observe depuis la fin des années 70 l'exportation de modèles d'accomplissement (manières de faire, d'évaluer et de rétribuer) propres à la sphère entrepreneuriale : l'action publique est de plus en plus formellement organisée selon les règles du New Public Management (Bezès), des associations empruntent aux entreprises savoirs et savoir-faire (importance de l'expertise et de la compétence comme ressource militante, impératifs de l'accountability et de l'évaluation pour les ONG, externalisation du fundraising) (Dauvin, Siméant et CAHIER ; Collovald), le métier politique est toujours davantage influencé par le marketing et la communication (Champagne).

Le management comme objet de science politique

Pour éviter d'une part les écueils du " toujours ainsi " et du " jamais vu ", de l'autre le nominalisme qui réifie et essentialise " le management ", occultant les différences des pratiques qu'il recouvre, on prendra soin d'étudier le processus de diffusion des principes managériaux à l'aune des enjeux portés par le travail de labellisation. En effet, la dénomination " management " ne doit pas être tenue pour évidente car elle est l'objet de multiples stratégies. Donner une définition opératoire, précise et rigoureuse du management est donc une tâche ardue, tant les pratiques et les discours qui s'en réclament sont diverses et concurrentielles. La datation de la genèse du management, telle qu'elle se donne à lire dans les publications professionnelles, est un des enjeux de ces luttes de classement : inscription légitimante dans une histoire longue (anoblissement par la création d'une généalogie pouvant remonter aux philosophes de la Grèce antique) versus récurrence des " révolutions " managériales du moins proclamées comme telles par leurs promoteurs. Autre dimension de ces luttes de définition, certains acteurs insistent davantage sur les pratiques (le management comme art de diriger), d'autres sur leur théorisation (le management comme science : institutionnalisation de disciplines académiques, de formations). Ceci doit mettre en garde le chercheur contre le risque intellectualiste de confusion des discours et des pratiques effectives.

L'objectif de l'atelier n'est pas de trancher dans ces luttes classificatoires. Son ambition est de contribuer à une étude des transformations actuelles du champ politique, à travers le prisme des effets de la managérialisation récente des pratiques et des représentations qui y circulent. L'approche choisie pour cet atelier est délibérément transversale, interrogeant les principaux objets de la science politique (métier politique, militantisme et action publique) : il s'agit d'examiner si, par delà l'unité du terme " management ", il existe des aspects pratiques et cognitifs invariants dans les différents ordres de la réalité politique. L'objectif est de comprendre ce que le management fait à la politique (sous toutes ses formes), c'est-à-dire comment il transforme les produits qui circulent dans le champ politique (discours, actions, politiques publiques) et les façons de les produire. Dans une perspective de sociologie historique du politique, il s'agit de saisir les transformations récentes du champ politique, et de caractériser les effets de la managérialisation des activités politiques sur les questions canoniques de la science politique : Comment le management travaille-t-il les mécanismes de représentation politique, de légitimation, d'autonomisation (ou hétéronomisation) du champ politique, de structuration des rapports de force entre acteurs politiques, etc. ?

Problématique de l'atelier : sociologie des promoteurs du management et conditions de possibilité de leurs stratégies

A travers des études de cas empiriquement informées et théoriquement éclairées sur la genèse de dispositifs managériaux dans le champ politique, on s'intéressera donc à l'incorporation dans les activités politiques des formes récentes de management reposant sur des instruments forgés dans le monde de " l'entreprise privée ", c'est-à-dire répondant à une rationalité économique ou à tout le moins instrumentale (Padioleau), y compris à travers le recyclage performatif d'injonctions à l'autonomie, à la créativité, à l'authenticité... (Boltanski et Chiapello).

Comprendre l'imposition de dispositifs managériaux implique de s'intéresser aux promoteurs des innovations managériales et leurs stratégies. On sollicitera donc des études qui accordent une large place aux trajectoires de ces acteurs, aux circonstances de leur acquisition des catégories de pensée " managériales ", de la formation de leurs intérêts à imposer les pratiques et représentations managériales, ainsi qu'à l'accumulation des ressources nécessaires pour ce faire.

Pour comprendre la réussite (ou l'échec) des stratégies de ces innovateurs, il sera également nécessaire de rendre compte des configurations dans lesquels ils interviennent et qu'ils contribuent à transformer : rapports de forces entre acteurs ; nature des pratiques (répertoires d'action, organisation du travail, etc.) ; évolution des représentations, croyances et enjeux.

Références citées

L'atelier sera organisé en trois temps :

1. Une introduction sur le thème et la problématique générale de la réflexion par les organisateurs de l'atelier (15 minutes)

2. Trois interventions, d'une durée de 15 minutes chacune.

3. Discussion générale ouverte à d'autres intervenants (une heure)

 

Modalités de l'appel à communication.

Pour respecter le format propre aux ateliers du congrès de l'AFSP, nous ne pourrons retenir que trois contributions. Nous présentons par avance nos excuses aux personnes à qui nous ne pourrions offrir ces quinze minutes d'intervention. Nous faisons le choix de restreindre le nombre de contributions pour privilégier un débat d'une heure.

Les propositions de contribution sont à envoyer avant le 29 novembre 2004 à :

slefevre@univ-lille2.fr et jnollet@univ-lille2.fr