ATELIER 11 : Le renouvellement de la vie politique locale, facteur de structuration ou de fractionnement de jeunes démocraties  ? Réflexions comparées à partir des cas latino-américains

Organisateurs :
Hélène Combes,
Université de Lille 2
David Garibay, Université de Versailles Saint-Quentin

Dans la réflexion sur l’évolution des régimes politiques vers la démocratie, l’accent a été mis sur le changement au niveau central. La dimension locale a été abordée pour montrer combien cet échelon pouvait être à la fois, selon les contextes, soit un de lieux de plus forte résistance au changement, par la persistance des règles autoritaires et des mécanismes de contrôle social, soit au contraire un lieu d’innovation et d’approfondissement de la démocratie. Néanmoins la question de l’articulation entre l’un et l’autre demeure un chantier à explorer, d’autant qu’elle apparaît comme une des variables importantes à prendre en compte dans la stabilité des jeunes démocraties issues de ces transitions, pour lesquelles l’autonomie des échelons locaux et régionaux est conçue aujourd’hui comme un élément indispensable de la pratique démocratique. C’est ainsi que de nombreux travaux ont approfondi cette question dans les démocraties occidentales pour montrer le degré d’articulation entre réformes permettant une plus grande autonomie pour les échelons locaux de gouvernement, investissement par les acteurs locaux de ces espaces et effet en retour sur l’architecture et les équilibres institutionnels.

Les pays d’Amérique latine s’inscrivent dans cette dynamique mondiale. Les transitions démocratiques se sont accompagnées d’une affirmation des échelons locaux, par la mise en place d’une décentralisation ou d’une déconcentration, ou par un rééquilibrage des compétences en faveur des niveaux fédérés et locaux. Cette décentralisation a signifié un transfert important de ressources vers les autorités régionales et locales

Vingt ans après le début des transitions, le bilan qui en est fait au niveau national demeure mitigé. Si le recours à des coups de force est devenu moins fréquent, il n’en a pas pour autant disparu. La récurrence des alternances, la fréquence des formes de cohabitation entre exécutif et législatif, l’éclatement des paysages partisans, la permanence d’un haut niveau de violence et de corruption, conduisent à conférer à la pratique électorale un effet beaucoup moins vertueux qu’espéré.

Au contraire, à certains échelons du niveau local, la décentralisation, sous ses différentes formes, a été l’occasion d’une forme de renouvellement à la fois des cadres et des pratiques politiques. C’est ainsi que de nombreuses expériences de gouvernement municipal, et dans une moindre mesure au niveau régional, ont été le lieu d’importantes innovations. Cette situation est d’autant plus significative que le transfert de compétences vers les niveaux locaux de gouvernement s’est réalisé dans des conditions très rapides, avec des contraintes fiscales fortes. Des partis politiques ont ainsi mis en place, des nouvelles pratiques, comme la démocratie participative. L’échelon local a été également celui à travers lequel de nouveaux acteurs politiques se sont affirmés, souvent avec succès. Des partis politiques d’opposition ont fait de leur gestion municipale une vitrine de leur capacité de gouverner, à l’instar de nombreux partis de gauche dans les grandes métropoles. Par ailleurs, de nouveaux professionnels de la politique se sont imposés, à partir d’un discours construit à la fois sur la valorisation du local et le rejet de la politique " traditionnelle ". Enfin, c’est également au niveau local que des mobilisations identitaires ont franchi le pas de la politique institutionnelle, en s’imposant aux élections locales et/ou en réussissant à faire reconnaître légalement leurs pratiques coutumières. Dans d’autres cas, en particulier dans des situations de crise sociale et économique majeure, la constitution de formes de socialisation et de décision collective au niveau local hors des structures institutionnelles a pu constituer une forme temporelle palliative à la faiblesse de l’État, sans pour autant que ces formes d’organisation trouvent un débouché institutionnel.

Cette émergence et cette vitalité de la politique au niveau local constituent indéniablement un des facteurs d’approfondissement des pratiques démocratiques. Néanmoins elles contribuent également à alimenter des effets déstabilisateurs, voire déstructurants. La pluralité et la diversité des expériences locales se trouvent en effet faiblement articulées aux dynamiques nationales. Même dans les pays où il existe des partis politiques structurés, à dimension nationale, les liens entre les structures centrales et les cadres locaux demeurent souvent distants. Là où les expériences locales, par-delà leur caractère innovateur, se sont construites à partir de mobilisations sociales pré-existantes, elles ont rencontré des difficultés sérieuses à se structurer comme une alternative politique nationale. Enfin, le succès des figures locales ou d’" outsiders " repose sur des dynamiques localisées, qui ne cherchent pas à s’articuler au niveau national. De ce fait, le renouvellement de la politique par le local en Amérique latine semble contribuer à la fois à la consolidation des pratiques démocratiques et à la faible structuration de la construction d’une scène politique nationale. C’est à l’exploration de ce lien paradoxal, à partir d’une réflexion comparée sur différents cas, et en se servant de réflexions théoriques existantes sur d’autres régimes démocratiques, que sera consacré cet atelier.

Organisation de l’atelier

Les coordinateurs de l’atelier feront circuler au premier trimestre 2005 un premier texte de discussion, qui portera essentiellement sur les dimensions théoriques de la problématique générale de l’atelier. Ce texte sera discuté dans un premier temps par mail, et enrichi par des communications écrites sur des cas particuliers.

L’atelier commencera par une brève présentation du texte de discussion ainsi que des communications. L’essentiel du temps sera consacré à la discussion, à partir du texte général et des communications, en l’abordant selon trois axes thématiques comparés :

1) Les métropoles latino-américaines : des laboratoires de nouvelles expériences démocratiques ? (discutant : Olivier Dabène)

2) Entre enclaves autoritaires et affirmation de nouveaux acteurs politiques : l’échelon régional (discutante : Camille Goirand)

3) Acteurs locaux et identités spécifiques sur la scène politique nationale : fragmentation du marché politique ? (discutant David Recondo)

Enfin, un temps sera consacré à des réflexions comparées sur les cas d’Europe centrale et orientale (Catherine Perron)

Participants

Carlos Agudelo (Paris 3), Olivier Dabène (IEP d’Aix), Julie Devineau (IEP de Paris), Camille Goirand (IEP de Lille), Magali Modoux (IEP de Paris), Stéphane Monclaire (Paris 1), Catherine Perron (CERI-FNSP), David Recondo (CERI-FNSP), Sébastien Velut (ENS).

Contacts

Hélène Combes (Lille 2), combeshvc@yahoo.com

David Garibay (Versailles Saint-Quentin), david.garibay@wanadoo.fr