La loi et le parlementarisme : peut-on fédérer les approches historique, juridique et philosophique ?

par Nicolas Roussellier

 

Travailler sur la confection des lois suppose à l’évidence de maîtriser des notions d’histoire, de droit et de philosophie politique. La loi est une règle juridique qui s’imposera à la hiérarchie administrative et judiciaire mais elle a été confectionnée dans un contexte politique et historique concret, contexte fait d’acteurs et de courants politiques qui agissent dans un certain environnement économique, social et religieux. Dans ce contexte et avec ces acteurs, la loi a été élaborée et a été discutée à travers un échange d’arguments dont certains sont de nature philosophique (il est rare voire impossible qu’un débat soit uniquement " technique ").

De là, on pourrait dire que les choses sont simples. Celui qui étudie la confection d’une loi (dans un contexte et une procédure parlementaire), doit étudier le contexte et la nature des forces politiques en présence ; il doit étudier les arguments philosophiques échangés par ces acteurs et il doit étudier le produit juridique qui découle de ces débats. Il y aurait là comme une séquence " naturelle " qui relie de manière complémentaire l’histoire, la philosophie et le droit.

Cette vision est cependant trop simpliste. Elle a tendance à réduire chacune des trois approches à une fonction prédéterminée et finalement limitée sur elle même. L’histoire est convoquée pour se contenter de planter un décor et de faire le gros œuvre, dans une position assez descriptive. La philosophie politique est limitée à un simple processus de décodage des arguments des acteurs et ces arguments risquent d’être simplement mis en relation avec les courants d’idées politiques d’une époque. Le droit est limité à un produit fini, en aval, ce qui laisse entendre qu’il n’est qu’une simple mise en forme langagière et qu’il ne joue aucun rôle contraignant dans la nature de la confection des lois.. Réduites ainsi à des techniques de commentaire des débats parlementaires, les trois disciplines, l’histoire, la philosophie politique et le droit n’en sortent pas grandies. Elles sont utiles mais sont-elles encore elles mêmes ?

En prenant trois exemples de lois, prises à des moments différents de l’histoire politique moderne (sous la monarchie parlementaire, sous le Second Empire et sous la Troisième République), nous voudrions montrer que seule une approche fédérative des trois disciplines peut être valable et vraiment éclairante, si l’on veut faire une histoire non pas de la confection d’une loi ou d’un ensemble ciblé de lois mais une histoire générale de la confection des lois dans un régime politique moderne. Que veut dire une approche fédérative ? Est-ce une simple pichenette rhétorique pour appeler à la sempiternelle interdisciplinarité que personne ne réussit à définir ? La communication tentera de montrer que l’approche fédérative récuse la différence de fonction entre histoire (le contexte), philosophie (l’argument) et droit (la loi et ses effets) pour dresser les lignes générales d’une évolution de la confection des lois. Autant la distinction du contexte, de l’argumentaire et du texte juridique doit servir au travail analytique pour chacune des lois étudiée, autant la mise en perspective qui inscrit la confection des lois dans sa durée historique et portée générale, vise à dégager un enseignement qui est de nature indissociablement historique, juridique et philosophique.