Compte-rendu de la journée détudes du groupe " Politique comparée " de lAFSP, tenue le 3 juillet 2003 à lIEP dAix-en-Provence sur le thème : " Les élections en 2002 2003 : lémergence dalternatives radicales dans le monde ? "
Olivier Dabène
Conformément à la méthodologie arrêtée pour le fonctionnement de ce groupe de travail, cette première réunion avait un caractère exploratoire. Il sagissait de mettre en perspective un certain nombre détudes de cas, afin de tenter de dégager des variables explicatives communes, ou à défaut des entrées, qui doivent ensuite être " retravaillées " lors de la deuxième réunion du groupe sur ce thème, programmée le 15 décembre au CERI.
Les cas étudiés étaient les suivants : Bénin, Brésil, Bolivie, Equateur, Maroc, Pakistan, Turquie, et lArgentine servant de contre-exemple (voir programme).
Outre les spécialistes de ces pays, trois discutants ont enrichi les débats, que je tiens à remercier chaleureusement : Annie Laurent, Michel Hastings et Christophe Traïni.
Les débats ont permis de dégager quatre grandes entrées :
1- La plupart des cas étudiés constituent des exemples délections qui se sont soldées par des résultats présentés par la presse et les observateurs internationaux comme inattendus. Les paysages politiques ont été plus ou moins profondément remodelés et de nouvelles forces politiques ont conquis des positions de pouvoir, sur la base de programmes plus ou moins radicaux.
La plupart des intervenants ont toutefois relativisé le caractère surprenant de ces résultats.
La première entrée commune aux différentes études relève dune interrogation sur la notion de surprise électorale.
Nos catégories danalyse ne sont-elles pas victimes des effets de loupe propres aux compte-rendus journalistiques des élections ?
La restitution de trajectoires historiques permet de se libérer de cette myopie et de prendre lexacte mesure de la portée dalternances politiques généralement observées sur un temps trop court. La victoire aux élections nationales a pu par exemple être précédée de victoires aux élections locales et de réussites dans la gestion des affaires publiques.
Il convient par ailleurs dêtre attentif aux effets de catégorisation à luvre dès lors quune force politique dopposition est qualifiée de " radicale ".
2- La deuxième entrée concerne les conditions institutionnelles et sociologiques de la victoire de forces politiques " nouvelles ".
Au chapitre des premières, les débats ont suggéré quil ne semblait pas opportun dentrer dans le détail des effets des modes de scrutin, dans la mesure où ceux-ci nont pas bloqué laccès au pouvoir de forces politiques rejetées aux marges des systèmes politiques. Lingéniérie électorale peut toutefois produire des effets pervers et des distorsions quil convient davoir à lesprit, car ils conduisent fréquemment à des situations de " cohabitation ".
Concernant les secondes, les cas étudiés ont montré quà lorigine des forces politiques émergentes se trouvent souvent des acteurs sociaux mobilisés, sur une base religieuse ou ethnique, qui sont " passés au politique " avec succès. Ils ont indiqué aussi que les caractéristiques démographiques et lancrage géographique des partisans de ces forces politiques ayant conquis le pouvoir méritaient dêtre creusés.
3- La troisième entrée porte sur la signification politique de la victoire doutsiders ou de forces politiques " radicales ". Faute de pouvoir disposer denquêtes fiables dans la plupart des pays étudiés, une approche compréhensive du comportement électoral permet de tester lexplication communément admise dun vote sanction destiné à écarter du pouvoir des forces politiques assimilées à la mise en uvre de politiques publiques sinspirant du " Consensus de Washington ". Les études de cas ont montré que les motivations du vote pouvaient être multiples et bien plus complexes que ne le suggère cette explication par le vote rationnel de sanction. Une analyse des logiques clientélistes ou dynastiques, et la prise en compte des parcours de certains outsiders et des candidats aux élections, permet davancer dans la compréhension de ce vote.
4- Lentrée " internationale ", en dernier lieu, est apparue en filigrane dans toutes les études de cas, parfois de façon très explicite. Il a paru utile de la mettre en avant, à plusieurs niveaux : détermination du comportement électoral par des enjeux internationaux, contenu programmatique des discours influencé par le temps mondial altermondialiste ou par des temps régionaux, intervention des bailleurs de fond ou autres acteurs internationaux dans les campagnes électorales, etc. A lévidence, peu délections se déroulent aujourdhui en dehors de toute contrainte extérieure.
Ces quatre entrées népuisent certes pas lanalyse électorale dans les pays ayant connu des alternances plus ou moins " radicales ", mais elles peuvent constituer une base pour une analyse comparative :
Entrées |
Catégories danalyse |
Notion de surprise politique |
Temporalité Effets de catégorisation |
Caractéristiques institutionnelles et sociologiques |
Ingéniérie électorale Acteurs ethniques et religieux mobilisés Démographie et géographie électorale |
Signification politique |
Vote sanction Clientélisme |
Internationale |
Détermination du vote Temps mondial ou régional Intervention dacteurs internationaux |
Les participants à la réunion ont décidé de revoir leur papier en fonction de ces entrées. Ils ont aussi souhaité que soient ajoutées dautres études de cas qui concernent les " vieilles " démocraties, comme la France et les Pays-Bas, par exemple.
Il est en effet indispensable que le groupe " Politique comparée " de lAFSP ne soit pas demblée confiné à létude de terrains exotiques, ce qui serait tout à fait contraire à sa raison dêtre.