Premier salon des thèses, 9 Novembre 2001

Intervention de Nonna Mayer

Nous avions deux objectifs en organisant ce salon, l'un à usage interne au monde académique, l'autre à usage externe.

Il s’agissait d'abord pour nous, universitaires, chercheur(e)s, étudiant(e)s, de disposer d’un miroir de nos centres d'intérêts, faire apparaître quels étaient les sujets jugés suffisamment intéressants pour y consacrer une thèse, soit de 3 à 6 années de travail. Miroir décalé certes, puisque ces sujets de thèse ont été choisis quelques années plus tôt, mais néanmoins révélateur. Que nous apprennent en effet ces 55 thèses, qui, soulignons-le, représentent la quasi totalité des thèses soutenues dans l’année portant sur l’objet politique défini au sens large (environ 75) ?

Elles révèlent d’abord une grande ouverture sur le monde, dans un pays pourtant volontiers décrit replié sur lui même, puisque 26 portent sur autre pays ou comparent la France à un autre pays, et 8 ont une dimension européenne. Sion croise ces deux rubriques, qui se recoupent en partie, c’est 30 thèses sur 55 qui nous emmènent hors de l’Hexagone, nous immergent souvent dans une autre culture, en Europe ou plus loin encore, au Brésil, en Iran, aux Etats-Unis, en Chine ou à Taiwan. Deuxième enseignement, on note la prédominance des sujets qui touchent de près ou de loin aux politiques et à l’action publiques : emploi, logement, amiante, cinéma, environnement, lutte contre la discrimination raciale, politique de la ville, et bien d’autres encore.

A contrario, et les absences sont tout aussi révélatrices, il n’y a que 5 thèses de pensée politique, et aucune en sociologie électorale. Rien sur les mouvements sociaux et l’action collective. Rien sur le lien associatif et le "capital social" qu’il est censé générer, sur ses éventuelles retombées civiques et politiques. Rien non plus sur le genre, sur le rapport si différent pourtant des hommes et des femmes à la sphère publique et à la politique. Rien enfin sur les modèles du choix rationnel. La France apparaît ainsi totalement décalée, par le choix de ses thèmes de recherche, par rapport à ses voisins européens ou américains. Et il faudrait s’interroger sur cette "exception" française, si elle persiste l’an prochain.

Deuxième objectif de ce salon, tout aussi important, faire connaître ces travaux en dehors du monde académique. Entreprises, administrations, presse, édition, autant de publics que nous voulions atteindre. Il s’agissait de leur présenter ce gisement inexploité de connaissances et de compétences que constituent ces 55 docteurs et docteures. Les thèses ne révèlent pas seulement une expertise parfois très pointue, mais au delà, des aptitudes intellectuelles et une expérience applicable dans le champ professionnel hors universitaire. On ne travaille pas impunément tant d’années sur son sujet de thèse. C’est un exercice solitaire, périlleux, difficile mais ô combien formateur. Il consiste à défendre une idée, une intuition originale, et s’entêter à la démontrer. Affronter des terrains parfois difficiles, se frotter à différentes méthodes — archives, entretiens, statistiques, observation participante —, présenter les résultats devant un jury exigeant et critique. Soutenir une thèse n’est pas seulement un rite de passage, une épreuve initiatique formant de futur(e)s agrégés ou chargé(e)s de recherche. Autant, sinon mieux que bien des concours, elle peut préparer, par la recherche, à des professions hors de la recherche. Tel était le message que ce premier salon voudrait faire passer, au delà du monde universitaire.

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