La construction judiciaire de l’Union sans législateur, Jacqueline Domenach (Université Paris 10 Nanterre)

La construction de l'Union européenne a eu et a une influence considérable sur l'approche de la politique de "sécurité intérieure". La construction d'un nouvel espace territorial fondé sur la libre circulation et sur la suppression des frontières intérieures est à l'origine d'une réflexion sur les conditions de la sécurité en Europe qui englobe dans un premier temps à la fois la question de l'immigration et celle de la lutte contre les différentes formes de criminalité. Ce processus est au cœur des revendications des souverainetés étatiques et des solutions supranationales. Si depuis les accords de Schengen, la logique intergouvernementale l'emporte largement, les pratiques de coopération ouvrent des voies nouvelles opposant les partisans d'une solution d'intégration comme l'Allemagne auxquels s'opposent les Etats qui revendiquent la protection de leur souveraineté comme le Royaume-Uni. Au cœur de la polémique de coopération, le point le plus important concerne à la fois le rôle des instances communautaires et la protection des droits de l'homme face aux pratiques nouvelles de coopération qui assurent un développement sans précédent du pouvoir d'information et de contrôle des autorités de sécurité, ainsi qu'une action concrète qui semble échapper au pouvoir politique. Les enjeux des négociations au sein du traité de Maastricht et d'Amsterdam visent à réintroduire non seulement la place du pouvoir politique dans la définition de la politique de sécurité intérieure, mais aussi le respect des droits de l'homme par l'instauration d'un contrôle juridictionnel de la Cour de Justice des Communautés européennes, ainsi que la question de l'immigration ou encore celle de la création d'une véritable police européenne capable de transcender les polices nationales au nom de la définition d'une politique de sécurité intérieure. Ce mouvement actuellement en marche pose non seulement des problèmes du point de vue de la logique traditionnelle résultant des souverainetés étatiques, mais renvoient aussi aux délicates questions des relations entre justice et police et aux conditions de l'exercice démocratique du pouvoir politique au sein de l'Union européenne. Les négociations actuelles démontrent tout l'intérêt du débat entre une conception nationale et une vision transnationale et la référence à des modèles tels que le modèle fédéral peut contribuer à enrichir la réflexion sur les conséquences de la coopération dans les domaines de la police et de la justice en matière de définition d'une politique de sécurité européenne.