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Voter en Afrique : différenciations et comparaisons7-8 mars 2002Colloque
organisé par lAFSP Institut détudes politiques de Bordeaux 11,
avenue Ausone
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Comment les politologues travaillant sur lAfrique peuvent-ils contribuer aux débats de la science politique "générale" ? Cette dernière, science politique de référence, parce quelle définit le cadre dune discipline, est aussi perçue comme "centrale" puisquelle se consacre dabord et surtout aux sociétés occidentales par opposition aux études d"aires" situées à la périphérie du monde.
Les recherches sur le politique en Afrique peuvent-elles se tenir à lécart des discussions sur les théories et les méthodes autour desquelles sest construite et évolue la science politique "centrale" ? Doivent-elles se désintéresser des thèmes plus classiques que sont les objets politiques déjà identifiés : partis, bureaucratie, institutions, politiques publiques, mobilisation, participation, élites, élections, etc. ?
Il sagit, au cours de ce colloque de lAssociation française de science politique, de poser ces questions. Le thème des élections a été retenu car il offre des possibilités de convergence entre "africanistes", comparatistes et, bien sûr, "électoralistes". Il propose dobserver les différences et de formuler un comparatisme qui nirait pas du centre vers la périphérie, qui ninterrogerait pas lautre en fonction de soi mais au contraire tirerait profit du regard éloigné et se libérerait des pesanteurs de lexotisme.
A première vue, la différence entre les scrutins africains, organisés dans des sociétés en développement aux systèmes politiques instables, et ceux des démocraties occidentales relève de lévidence. Pourtant, cette distinction appelle un retour sur les conditions scientifiques qui ont présidé à la coupure entre systèmes politiques occidentaux et africains. En effet, si elle a souvent rendu compte des événements électoraux, la recherche africaniste sur le politique sest peu intéressée à lélaboration dune problématique générale visant à expliquer ce que voter veut dire ou encore ce quest une consultation électorale dans les sociétés africaines contemporaines.
Pourtant, les présupposés qui fondent la séparation entre élections "occidentales" et élections africaines sont discutables. Certes, les critères de compétitivité définissent tendanciellement une distinction, mais tous les systèmes européens ne sont pas concurrentiels (ou pour le moins ne lont pas toujours été) tandis que lAfrique a connu des expériences délections libres à différentes périodes. Ces critères sont insuffisants pour justifier une coupure.
Comme ailleurs dans le monde, pour comprendre les électeurs africains (et lacte de vote), il faut comprendre les élections (comme cadre variable de laction) ; et pour comprendre les élections compétitives, il faut auparavant sinterroger et expliquer les mécanismes des élections classées non-compétitives, situations dans lesquelles la lutte pour le pouvoir se joue ailleurs que dans les urnes. La dimension historique a ici son importance : elle affaiblit la thèse dune importation de la démocratie et de ses procédures. Elle nuance lhypothèse du mimétisme. Le problème de comparaison qui est posé intéresse non seulement les sociétés au sud du Sahara mais aussi la problématique générale de la démocratie.
On a tendance à nécrire aujourdhui sur les élections en Afrique que pour en démasquer les imperfections et dénoncer les inadaptations. Pourtant, il ne suffit pas de déplorer que la voie électorale nest pas une pente naturelle des systèmes politiques africains et il est extrêmement aisé de trouver des arguments pour montrer quelle engendre autant de problèmes immédiats quelle peut en résoudre.
Pour disposer dune série dobservations suffisamment variées, effectuées dans la durée, il convient de se référer à lhistoire des expériences électorales de ces cinquante dernières années en Afrique et non pas seulement aux seuls scrutins des années 1990. Cette perspective met en évidence des décalages et des dysfonctionnements par rapport aux résultats attendus. Ces apparentes "anomalies" peuvent être regroupées en trois grandes catégories. Dabord, celles qui décèlent labsence de discipline ou dintériorisation des normes de "bonne conduite" et qui posent le problème en termes de non-institutionnalisation de la loyauté politique. Ensuite, celles qui touchent aux difficultés de lorganisation de la mobilisation partisane et qui déplorent labsence dune scène politique autonome. Enfin, il est nécessaire de distinguer les caractéristiques touchant plus précisément la production des représentations et des choix. Cest loccasion de souligner combien le vote est lié à lindividualisation des préférences, ce qui nexclue pas nécessairement des dimensions communautaires dans la construction des préférences.
Sagirait-il délections structurellement et définitivement "pas comme les autres" ? Un nouvel examen porte la critique à deux niveaux bien différents.
Dabord, les systèmes politiques qui - hors dAfrique - recourent aujourdhui avec succès à la démocratie électorale présentaient un tableau tout aussi incertain durant la phase dinstitutionnalisation de ce modèle. Avant de parvenir à réguler à la fois la circulation des élites politiques et la communication entre ces élites et le reste de la population, ils ont traversé de longues périodes durant lesquelles ni les structures, ni les acteurs nétaient adaptés au fonctionnement délections pluralistes, "libres et honnêtes" organisées régulièrement.
Ensuite, il convient de dépasser ce nécessaire rappel pour se dégager dune approche développementaliste. En effet, ce nest pas seulement limperfection des pratiques électorales dans la genèse des régimes démocratiques pluralistes quil convient de mettre en avant pour saisir lincertitude des trajectoires africaines contemporaines. Il est aussi très important de montrer, ou de rappeler, que ces imperfections sont des éléments constitutifs permanents du fonctionnement des démocraties électorales occidentales et des régimes apparentés. Aucune de ces expériences, en commençant par les plus souvent citées en exemple - anglaise, américaine ou française - ne fonctionne aujourdhui sans équivoque, sans atteintes aux normes de la loyauté politique, sans flottement dans la mobilisation partisane et sans interférence identitaire remettant en cause lindividualisation du vote. En un mot, linstitutionnalisation incertaine de la démocratie électorale en Afrique doit être lue à la lumière des échecs et des hésitations des expériences confirmées dans les sociétés porteuses du modèle afin de relativiser les diagnostics. Cette lecture peut sorganiser autour de la discussion dhypothèses qui remettent en question la particularité structurelle du vote dans les sociétés africaines sans pour autant négliger la singularité des trajectoires politiques de chacune.
Face à la (re)démocratisation en Afrique, la recherche universitaire semble avoir été prise au dépourvu par les plans élaborés dans les circuits de la politique internationale. La Banque Mondiale a lancé le mot dordre de la "good governance" dans son rapport annuel de 1989, la France a renchéri par le discours de La Baule de 1990 liant laide à la réforme politique et les Etats-Unis comme la Communauté Européenne ont rivalisé de sévérité dans lapplication de critères de "conditionnalité démocratique" des systèmes politiques africains. Même si par la suite, la pression a quelque peu diminué, laissant de nouveau le pragmatisme sexprimer, il est encore difficile daborder dun point de vue non normatif le problème des élections en Afrique. Or, lenjeu scientifique actuel est dinterpréter les processus mis en jeu dans le passage à la démocratie électorale, autant ceux qui facilitent ce passage que ceux qui le contrarient car ils fournissent des indications sur les capacités de changement des systèmes politiques. Ceci suppose la mise en place dun dispositif - théorique et pratique - adapté à lobservation du vote et à lensemble des mécanismes sociaux qui le déterminent. Cette carence est patente comparée aux moyens affectés à cette tâche dans des sociétés où la démocratie est stabilisée et où les études électorales disposent dun luxe de raffinements. La différence entre le vote en Afrique et en Occident est autant dans le regard qui est porté par les chercheurs que dans la culture politique des électeurs.
Ces quelques orientations indiquent que la problématique de la comparaison des élections africaines, aussi bien entre elles quavec celles qui ont lieu ailleurs dans le monde, doit rejeter le programme du "commentaire politique" qui reste centré sur les résultats. Elle doit au contraire proposer des approches qui contournent le comptage de voix pour mettre au jour les mécanismes dun phénomène social total. La grille présentée ici sattache à ce programme.
09.00 09.30 : Accueil
09.30 10.00 : Ouverture :
Président : P. SADRAN (IEP Bordeaux)
Discutant : D.L. SEILER (IEP, Bordeaux), Alice SINDZINGRE (CNRS Paris)
QUANTIN, Patrick (CEAN, Bordeaux)
Un objet politique déjà identifié : le vote en Afrique
Télécharger le texte (format pdf 53 Kb)BAKARY, Tessi (Université Laval)
Élections et démocratisation en Afrique : tentative de bilanVAN de WALLE, Nicolas (Michigan State University)
Presidentialism and Clientelism in Africas Emerging Party Systems
Télécharger le texte (format pdf 55 Kb)SINDJOUN, Luc (Université de Yaoundé II)
Quest quune élection "libre et honnête" au Cameroun ?
Président : F. CONSTANTIN (CREPAO, Pau et pays de lAdour)
Discutant : Nonna MAYER (CEVIPOF, Paris), OTAYEK, René (CEAN, IEP Bordeaux)
GAZIBO, Mamoudou (Université de Montréal)
La vertu des procédures : vote et transformation des comportements politiques au Niger
Télécharger le texte (format pdf 165 Kb)TONDA, Joseph (Université O. Bongo, Libreville)
Le paradoxe du "leader esclave" en Afrique centrale
Télécharger le texte (format pdf 55 Kb)MAYRARGUE, Cédric (CEAN, IEP Bordeaux)
Les représentations et les comportements des acteurs politiques en campagne électorale. Une étude des tracts et des meetings au Bénin.
Télécharger le texte (format pdf 70 Kb)TOULABOR, Comi (CEAN, IEP Bordeaux)
Les élections des années 1950 au Togo, mobilisation partisane et apprentissage du vote
Télécharger le texte (format pdf 38 Kb)
Président : Jean-François BAYART (CERI)
discutant : Ch. COULON (IEP Bordeaux)
COMPAGNON, Daniel (CEAN, IEP Bordeaux)
La pertinence de la phase préparatoire des opérations de vote dans lanalyse de la signification du processus électoral en Afrique (Zimbabwe, Botswana)
Télécharger le texte (format pdf 37 Kb)PEROUSE de MONTCLOS, Marc-Antoine (IRD, Paris) :
Mais où sont passés les syndicats ? des déficiences structurelles à lépreuve de la démocratisation en Afrique
Télécharger le texte (format pdf 48 Kb)MAINDO, Alphonse (Paris I)
Kisangani/RDCongo en 1997 : de l'appropriation du processus électoral par "le bas" à la revanche populaire
Télécharger le texte (format pdf 72 Kb)ATLAN, Catherine (Aix)
Fraudes et violences électorales (1900-1940) : genèse d'une tradition politique à l'époque coloniale
Président: Pierre Muller
Discutants : Richard BALME (IEP Paris- CEVIPOF), Christophe JAFFRELOT (CERI)
MESSIANT, Christine (CEA, EHESS, Paris)
Angola "mobilisations électorales, mobilisations guerrières (1992 et 2002)"THIRIOT, Céline, (CEAN, IEP Bordeaux)
Les enjeux matériels de lélectionBANEGAS, Richard (Paris I)
Vote et marchandisation (Bénin)ENGUELEGUELE, Maurice (Université dAmiens)
Le paradigme de lanalyse économique du vote en Afrique: le cas du Cameroun
Télécharger le texte (format pdf 105 Kb)OULD AHMED, Zekeria (Nouakchott)*
Gouverner les élections : lObservatoire National des Elections (ONEL) au Sénégal
Télécharger le texte (format pdf 103 Kb)
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