Soumettre la notion de santé à lapproche par les biens publics mondiaux ne va pas sans poser de problèmes, alors même que la santé apparaît a priori comme un bien universellement à conquérir. Cette approche tend en effet à réduire la notion de santé, alors que celle-ci est particulièrement complexe, intimement liée à la nature humaine, et historiquement, culturellement et socialement construite. Une définition de la santé ici nest donc pas nécessairement valable ailleurs. Par ailleurs, cette approche ne prend pas en compte la difficulté à imposer un ordre sanitaire pour lutter contre les maladies, tant du point de vue des individus, peu enclins à se voir imposer des mesures qui affectent leur corps privé, que du point de vue des pouvoirs publics qui, malgré les progrès constants des technologies sanitaires ne parviennent guère à imposer un véritable bio-pouvoir aux populations. Ce sont de plus les populations les plus fragiles, souvent les plus vulnérables, qui échappent le plus volontiers au contrôle sanitaire. Enfin, lapproche par les BPM occulte les rapports dinégalité politique qui se sont établis dans la gestion de la santé internationale entre le Nord et le Sud, dès lorigine de la coopération dans ce domaine. Cette inégalité politique vient se superposer à une inégalité des états de santé qui ne cesse de se creuser entre nations industrialisées et monde en développement.
Bien que la gestion internationale de la santé publique ait été confiée à lOMS, cest désormais la Banque Mondiale, flanquée dune équipe duniversitaires et de consultants spécialistes déconomie de la santé, qui sest imposée pour conduire en partenariat les réformes des systèmes de santé des pays en développement. Ce type de partenariat, où se reproduit un schéma dinégalité politique entre le Nord et le Sud, est appelé à définir des politiques publiques qui relevaient jusqualors essentiellement de la sphère nationale. En découlent dune part de fortes oppositions politiques dans les pays concernés, et dautre part un encombrement des systèmes de décision, incapables encore de gérer ce type dinnovation où sexprime une multitude dintérêts divergents. En semparant très récemmement de la notion de BPM, les agences internationales sen sont servi pour réorienter leur approche de la santé dans un sens plus restrictif, limité à la lutte contre les principales maladies transmissibles. Lapproche par les BPM, faute doffrir une grille pertinente pour aborder la vaste notion de santé, peut permettre éventuellement, en ciblant plus étroitement les visées de laction collective, certes dans un sens sécuritaire, de clarifier les termes de la négociation internationale, transposée désormais au sein même des systèmes de décision nationaux