Dumoulin David, Histoire et politique de la construction des réserves naturelles comme un bien public mondial

Depuis sa naissance à la fin du XIXème siècle, le modèle moderne des réserves naturelles s’est progressivement diffusé dans le monde entier. Depuis une vingtaine d’années, le phénomène a totalement changé d’ampleur car la création et gestion des réserves naturelles est devenu partie intégrante, voire un de secteurs pionniers, de l’application de politiques "globales". Aujourd’hui, le personnel travaillant dans ce domaine constitue un véritable secteur "global", dans le sens ou ce mélange d’acteurs internationaux et transnationaux connectés à des acteurs nationaux ou locaux sont bien articulés verticalement, et partagent un paradigme d’action mondial, une vision partagée des problèmes et de solutions à ce niveau. Il s’agit d’un secteur de forte innovation institutionnelle, entre acteurs privés et publics, acteurs locaux, nationaux et transnationaux, c’est à dire un vrai laboratoire pour la nouvelle "gouvernance multi-niveaux". Une gouvernance des ressources naturelles ainsi que des ressources humaines et politiques, mais dont le véritable objet est justement de définir et de négocier cette relation entre les deux type de ressources. Les sciences naturelles qui dominaient ce champ jusqu’il y a peu sont totalement dépassées par l’ampleur des problèmes auxquels est confronté le "dispositif Aires Naturelles Protégées", celui-ci devenant de toute évidence un objet nouveau pour les sciences sociales, et la sociologie des relations internationales en particulier.

Dans ce texte, est discutée l’application des référents globalistes qui justifient sans cesse ces politiques et en particulier celle de la notion de "bien public mondial" à ce nouveau secteur. Il est présenté l’historique des justifications de la politique des ANP, afin de montrer comment la problématique des biens publics mondiaux vient infléchir une trajectoire déjà longue de discours sur la conservation de la "nature", de tonalité élitiste. On discute également de l’application de la notion avec comme axe directeur, l’idée de souligner les dynamiques politiques qui sous-tendent la construction d’un nouveau "bien public", afin de ne pas rester à une analyse des dilemmes de la coopération. Sont particulièrement soulignés les conflits politiques qui surgissent autour de la définition de la communauté légitime à laquelle appartiendrait ce "bien public", autour de la nécessaire articulation entre les communautés politiques du local jusqu’au "global", chaque étape historique correspondant à une communauté politique dominante.

La première partie évoque donc l’histoire de cette construction d’un nouveau "bien public mondial" à travers une époque "un siècle de conservation" jusqu’en 1982, puis une seconde période qui concerne les 20 dernières années. Dans une seconde partie, on tente d’analyser directement comment la constitution de ce bien public mondial s’oppose aux intérêts d’autres communautés politiques, puis on discute des significations et de l’application possibles de différentes justifications "globales" en concurrence : "patrimoine naturel de l’humanité", "bien public mondial", et "common pool ressources".

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