Atelier 1

Un renouveau des parlements en Europe ? Comportement parlementaire et contraintes d'action

Olivier COSTA, CNRS/CERVL — IEP de Bordeaux
Eric KERROUCHE, CNRS/CERVL — IEP de Bordeaux

 

Cet atelier se situe dans une réflexion globale sur le renouveau du parlementarisme et les transformations des parlements en Europe. L'évolution des systèmes politiques de l'Europe occidentale et de l'Europe centrale et orientale montre que le régime parlementaire, qui fut un temps concurrencé par d'autres modèles (notamment le système "semi-présidentiel" français), redevient la norme. Dans le même temps, les parlements, dont on a annoncé le déclin depuis les années vingt jusqu'à la fin des années quatre-vingt, s'affirment à nouveau comme des acteurs incontournables de la vie politique. Ces institutions ont connu de profondes réformes et se sont ajustées à un environnement politique mouvant, caractérisé par la complexité croissante des politiques, l’émergence d’une gouvernance à niveaux multiples, l’effacement de la frontière entre sphères publique et privée, et une crise de la représentation politique. Ces éléments sont autant de défis auxquels les parlements, incarnations historiques de la souveraineté, ont réagi avec un certain succès. La littérature contemporaine souligne en effet un " renouveau " des parlements en Europe, produit de leurs stratégies d’adaptation. Diverses hypothèses sont régulièrement avancées à ce titre: l’organisation des parlements tendrait vers plus d’efficacité formelle ; ces institutions se focaliseraient davantage sur leurs activités de contrôle ; les parlementaires seraient toujours plus spécialisés ; ils auraient des contacts plus étroits avec les groupes d’intérêts ; ils feraient un usage croissant des médias…

L'atelier se propose d'analyser ces mutations dans une perspective dynamique, non pas sous l'angle des rapports et arrangements institutionnels, mais sous celui des interactions entre acteurs (les parlementaires) et institutions (les parlements). Les nombreuses études qui ont été consacrées ces dernières années au comportement des parlementaires et des groupes politiques, à la professionnalisation des élus, aux parlements en tant qu’institutions ou encore à l’analyse de leurs adaptations aux évolutions des démocraties, envisagent peu cette question. L'atelier, tout en se plaçant dans la continuité de ces recherches, veut donc promouvoir ce point de vue alternatif et complémentaire. L’ambition est d’étudier l’effet des processus de socialisation des parlementaires dans divers lieux et institutions (assemblée, groupe politique, commission, circonscription…) sur leurs représentations, leurs pratiques, leur conception de leur mandat et de leur missions, leur vision de la place du parlement dans le système politique, les solutions qu’ils avancent pour pallier son " déclin ", la manière dont ils conçoivent son articulation avec les niveaux de gouvernement infra et supra étatiques, etc. Il s’agit aussi de renverser la perspective pour analyser l’impact de ces représentations sur les pratiques institutionnelles : l’élection d’une nouvelle génération de parlementaires modifie-t-elle les pratiques et les stratégies des institutions ?

Autrement dit, l’atelier vise à étudier le comportement des parlementaires en accordant une attention particulière aux contraintes institutionnelles, et en privilégiant les approches diachroniques. Les règles institutionnelles et leur impact sur le comportement des parlementaires sont en effet souvent négligés par les travaux de science politique. C’est le cas de beaucoup de travaux menés en France, en raison de la volonté délibérée de certains auteurs de se démarquer du droit constitutionnel. C'est également le cas des travaux inspirés du choix rationnel, qui se focalisent à l'excès sur les intérêts supposés des acteurs, qu'il s'agisse de la réélection, de l'ascension dans la hiérarchie de l'institution ou de la défense de politiques précises.

Il nous semble important d’étudier la structuration des opportunités dans les assemblées parlementaires à la lumière de ces variables institutionnelles, et d’intégrer à l’analyse des comportements les conditions juridiques (constitution, loi, règlement intérieur), les stratégies et les règles de fonctionnement des groupes politiques, les contraintes politiques et les rigidités institutionnelles (traditions, protocole). Cet atelier veut aussi être, grâce à la confrontation de différents travaux, le lieu d’une réflexion sur la manière dont ces contraintes institutionnelles interagissent avec d’autres : celles propres à chaque parlementaire (représentations, valeurs, engagements, identité, attachement à un territoire…) et à chaque groupe politique.

L’atelier a vocation à accueillir des chercheurs qui ont déjà une expérience de travail en commun sur ce sujet, mais aussi tous ceux qui abordent ces questions dans le cadre de leurs recherches. L’ambition est, à terme, de constituer un réseau de chercheurs intéressés par l’étude des parlements et des parlementaires, à une heure où le sujet est désaffecté par les politistes français.

 

PROGRAMME DE L'ATELIER

L'atelier se déroulera en trois temps:

1. Une première phase (30 minutes) donnera lieu à la présentation de la problématique générale de l'atelier et à deux exposés:

- Olivier Costa fera un compte-rendu du workshop consacré au comportement parlementaire lors du dernier congrès de l'ECPR (Turin, mars 2002), et dressera un bilan de l'état des études parlementaires en Europe;

- Eric Kerrouche présentera un projet de recherche relatif au comportement comparé des membres de l'Assemblée nationale et des élus français du Parlement européen, en insistant sur les vertus du recours au concept d'éligibilité.

2. Un second temps (45 minutes) sera consacré à de brefs exposés (5-10 minutes) de recherches en cours sur les parlements. Cinq contributions sont inscrites au programme:

  1. Willy Beauvalet (GSPE - IEP Strasbourg)
    "Entre contrainte et opportunité, la construction d'un espace européen de représentation politique".

  2. Laurent Chambon (Amsterdam, UvA)
    "L'accès des minorités au parlement en France et aux Pays-Bas. Analyse des présences physiques et politiques."

  3. Jean-Pascal Daloz (CNRS/CERVL - IEP Bordeaux)
    "Représentation politique et modestie ostentatoire : de quelques codes contraignants au sein des parlements scandinaves".

  4. Julien Navarro (CERVL - IEP Bordeaux)
    "La faiblesse institutionnelle comme contrainte d'action: le cas du Parlement européen".

  5. Olivier Rozenberg (CERI - IEP Paris)
    "La projection des parlementaires nationaux dans l'espace européen".

3. Ces exposés seront suivis d'une discussion générale (45 minutes) sur les objectifs et les méthodes d'une étude du comportement parlementaire. Toutes les contributions seront les bienvenues.