Yohann
Aucante (IEP de Paris/CERI/Princeton University)
Alexandre
Dézé (IEP de Paris/Université de Tours)
Nicolas
Sauger (IEP de Paris/CEVIPOF)
Texte de présentation et liste des participants
En 1995, dans un article désormais classique, Richard S. Katz et Peter Mair proposent un nouveau modèle théorique pour appréhender le changement organisationnel des partis et des systèmes de partis, le parti-cartel. Sinscrivant dans une longue tradition dessai de typologie des formes partisanes, le travail de R.S. Katz et P. Mair présente également lintérêt de lier ces transformations organisationnelles à un changement plus global du système de la démocratie représentative, qui intégrerait désormais de plus en plus les partis dans lEtat, aux dépens directs de leur enracinement social.
Etant donné son caractère fortement polémique, cette théorie a fait lobjet d'un grand nombre de commentaires et de critiques, qui sont cependant restées largement confinées au monde anglo-saxon. La science politique française a en effet globalement ignoré ces débats, confirmant par là son désintérêt traditionnel pour la chose partisane, en dehors de sa dimension sociologique et électorale. Il est assez évident que le modèle du parti-cartel présente un biais anglo-américain, dans la mesure où lon reconnaît certains traits marquants du système de partis américain : faiblesse des appareils en dehors des périodes électorales et ancrage stable des grands partis dans un système de dépouilles et de positions publiques, mise en échec systématique des oppositions et bipolarité. L'approche de la démocratie qui prévaut chez R.S. Katz et P. Mair est également très typique d'un courant pragmatique ancien dont on trouve l'illustration majeure, dès les années 1940, chez Elmer E. Schattschneider. Néanmoins, ces questions ne sont pas complètement étrangères à l'Europe, et même à la France où les partis, selon Otto Kircheimer, "sont dotés dune théorie ultra-démocratique de vigilance éternelle à exercer sur leurs intermédiaires parlementaires".
L'atelier proposé aura pour objet de prolonger la discussion des hypothèses de R.S. Katz et P. Mair sur les transformations contemporaines des systèmes partisans dans une tribune plus spécifiquement française. L'axe de ce projet sera lopérationnalisation de la notion de cartel et ses problèmes dans les systèmes de multipartisme, dominants en Europe. Si des effets institutionnels et la tendance à l'imbrication croissante des partis et de la sphère publique sont aussi repérables (la France s'est dotée, de façon symptomatique et très tardivement, d'un financement public des partis digne de ce nom), les rapports entre un groupe de forces établies et des nouvelles oppositions sont plus compliqués que dans les cas américain et même britannique. L'intégration parlementaire et gouvernementale de certains partis de la gauche écologiste (France, Allemagne) mais aussi de la droite " populiste " (Autriche, Italie, Norvège) ou la progression importante de ces partis ont considérablement modifié la scène politique, et ce en dépit de barrières institutionnelles mises en place par les dits "partis établis".
Cet atelier portera sur trois questions fondamentales. La première concerne les modes selon lesquels sopèrent lintégration et l'institutionnalisation des nouveaux partis. La seconde se penche sur la question inverse, de la tendance au déclin, voire à la disparition, de certains partis anciens. En dehors de la reconfiguration catastrophique de la scène politique italienne dans les années 1990, on trouve de nombreux autres cas, de la marginalisation progressive des partis libéral et agrarien en Suède aux scissions de lUDF en France. Enfin, le troisième axe sattache au positionnement des partis dans le modèle classique Etat/société civile dont R.S. Katz et P. Mair postulent quil a évolué en direction dune plus grande intégration des partis à la sphère publique.
Le rapport des partis avec la démocratie représentative se négocie toujours, de façon latente, dans un répertoire de tension et de crise. En cela, les développements de R.S. Katz et P. Mair semblent avoir visé juste, même en simplifiant, et ouvrent un grand nombre de portes à la recherche, tant sur les fronts de la théorie que de la sociologie politique.
Liste des participants :
Daniel-Louis Seiler (IEP de Bordeaux)
Pascal Delwit (Université Libre de Bruxelles)
Christine Putz (Université de Mannheim)
Dominique Andolfatto (Université de Nancy II)
Julien Fretel (Université de Paris I Sorbonne)
Cécile Leconte (IEP de Paris)
Antoine Roger (IEP de Bordeaux)
Philippe Secondy (Université de Montpellier III)