Atelier 19

Les mouvements de désobéissance civile en démocratie : répertoire d’actions et réponses politiques

Elise Féron (Docteur en science politique, Chargée de Recherches au CIR, Chargée d’enseignement à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille), e.feron@iccr-international.org

Mario Pedretti (Docteur en science politique, Chargé d’enseignement à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille), mario.pedretti@free.fr

 

Présentation de l’atelier

La question de la désobéissance à la loi demeure, d’une manière générale, mal connue de la science politique, malgré le développement actuel d’actions comme celle des " sans-papiers ", de " droit au logement " ou des " anti-mondialisation ". Il est vrai que désobéir peut renvoyer à des modalités d’actions très diverses : l’acte peut être violent ou non-violent, organisé ou spontané, idéologique à des degrés divers, etc. Cette hétérogénéité des pratiques constitue incontestablement une difficulté. Il est donc nécessaire, à partir de la notion de désobéissance civile, de retenir un certain nombre de critères qui permettent de circonscrire des pratiques présentant un degré minimal d'homogénéité. La désobéissance civile peut se définir, sur un plan sociologique autour de quatre critères : Elle est d’abord du ressort de l'action collective. Ce premier critère implique que nous avons affaire à des minorités actives - des mouvements - lesquels apparaissent publiquement et entrent dans le champ politique. La désobéissance civile s'accompagne ensuite d'une utilisation explicite de modes d'actions visant à éviter toute violence. Bien entendu, cette volonté n'implique pas forcément l'absence de troubles violents dans la réalité. De plus, la transgression de la loi est un objectif majeur de ces minorités afin d'aboutir à un changement de politique. Ce point est essentiel. En effet, il implique que la violation de la loi n'est pas une pratique annexe à d'autres formes d'actions et, a fortiori, une situation qui résulte du hasard ou d'un simple état de fait. Au contraire, la transgression est revendiquée en tant que telle. Elle devient une action qui, en quelque sorte, se suffit à elle-même car elle est supposée interroger fondamentalement les responsables politiques. La désobéissance civile suppose enfin la mobilisation de notions évoquant l'intériorité de l'acteur. La conscience, le for intérieur, l'éthique individuelle, autant de termes qui placent au centre de l'action publique des règles renvoyant à l'espace privé. Cette définition ne suppose pas que la désobéissance civile soit, dans sa logique interne, radicalement différente des autres formes d’actions de désobéissance — on pense à l’action violente - mais simplement qu’il existe un travail émanant de différentes minorités afin de proposer des modes d’actions originaux.

Or, dès que ces minorités transgressent la loi, elles se heurtent au travail mené par des acteurs politiques dominants, " entrepreneurs de morale " qui cherchent à empêcher le développement des pratiques et thématiques liées à la désobéissance. Dans le champ politique, les " entrepreneurs de morale " renvoient à des acteurs précis comme le gouvernement, le Parlement, le Président de la République, les administrations publiques. Cependant, d'autres acteurs sont également concernés comme les partis politiques dominants ou le " milieu décisionnel " en matière de politiques publiques. Enfin, il ne faut pas négliger le rôle joué par les magistrats dans le champ juridique puisque ces derniers disposent d'un pouvoir direct de répression par l'intermédiaire du droit. Les " entrepreneurs de morale " disposent de différents outils pour mener à bien leur travail. Outre la contrainte physique, ils mobilisent certaines croyances propres à la culture politique. 

Il s’agira donc dans cet atelier, à partir de l’étude de différentes mobilisations désobéissantes comme celles des " anti-mondialisation ", de " Droit au logement " mais aussi d’actions internationales, de comprendre la grammaire qui structure le traitement politique d’actes de désobéissance civile. Plus précisément, il apparaît nécessaire de distinguer trois champs d’interrogations :

1) quelles sont les différentes stratégies de gestion de la désobéissance ? Autrement dit, quels sont les acteurs en présence, quels objectifs poursuivent-ils et de quelles ressources disposent-ils pour y parvenir ? Entre autres, peut-on identifier, dans le traitement de la désobéissance, des " rhétoriques-types ", avec leurs imaginaires spécifiques ?

2) dans quelle mesure les demandes désobéissantes sont-elles prises en compte dans le champ politique ? En d’autres termes, comment sont reçus, dans le débat public, les thèmes désobéissants ? Les demandes désobéissantes peuvent-elles parfois conduire à des modifications dans les politiques publiques ?

3) quel est l’impact du traitement politique de la désobéissance sur les désobéissants ? Plus précisément, quelles sont les transformations qu’il entraîne dans le discours et les pratiques des désobéissants ? Ces derniers sont-ils marginalisés ou amenés à participer à la vie politique et sociale ?

 

Organisation de l’atelier