Atelier 21

La "proximité" dans le champ politique : usages, rhétoriques, pratiques

Christian Le Bart, maître de conférences en science politique (Rennes II, CRAP)
Rémi Lefebvre, maître de conférences en science politique (Lille 2, CRAPS)

 

Le constat qui fonde notre projet d'atelier est le suivant : le terme de proximité fait l'objet d'un véritable fétichisme dans le champ politique. Son usage inflationniste ne peut que frapper. La proximité est devenue un mot magique sans cesse mis en avant, invoquée, martelée et déclinée sur tous les modes par des acteurs politiques très divers. La France d'en "bas" ne cesse d'être célébrée (cf la dernière campagne) et avec elle une certaine perception et qualification des problèmes s'imposent. La locution "de proximité' fait l'objet d'une prolifération d'usages : démocratie de proximité (qui a fait l'objet d'une récente loi), élus de proximité, police de proximité, justice de proximité, communication de proximité... Ce nouveau mot totem est ainsi devenu un incontournable dans le lexique politique. Le contenu de ce lieu commun politique demeure flou (ce qui constitue à l’évidence une condition de son succès social) et sa consistance fragile. Son maniement relève de l’incantation et la proximité peut apparaître comme un artefact journalistique. Ses usages sociaux ne sont pas pour autant dépourvus de sens. Autour de cette notion aussi prégnante que sémantiquement indéterminée et fuyante semblent en effet se cristalliser de nouvelles représentations de la légitimité politique et de nouvelles formes d'institutionnalisation du politique. Tout se passe comme si la proximité était mobilisée comme une ressource de légitimation de plus en plus centrale.

C’est par la proximité érigée en impératif catégorique que les liens sociaux et politiques sont appelés à être refondés, que la démocratie représentative est invitée à se ressourcer. C’est aussi par elle que l’action publique doit renouveler sa raison d’être. Le discours politique est actuellement fortement travaillé par l'opposition entre "le proche" et "le lointain" qui s'impose comme un principe de vision et de di-vision de l'espace politique. Alors que "le proche" est paré de toutes les vertus le "lointain" fait l'objet d'une délégitimation générale. Etre en prise avec les français, au plus proche de leurs préoccupations et de leurs attentes, renouer le contact et l'écoute et ce faisant résorber le fossé qui s'est creusé entre les citoyens et les élus, les mandants et leurs mandataires... : ces mots d’ordre sont sans cesse mis en avant. Cette valorisation symbolique de la proximité participe du " retour du local " en lui confèrant une légitimité renouvelée. C'est la construction symbolique du local comme le lieu naturel et spontané de la rencontre avec le citoyen ou " l'usager " et de l’expression des " besoins " et de " la demande sociale " qui assure sa légitimation comme lieu pertinent de l'action publique. Ce thème de la proximité est également inséparable du discours sur " la crise du politique " qui fait actuellement florès. La fortune de cette thématique paraît liée au déclin des énoncés politiques abstraits, à la recomposition des territoires et à la crise de médiation que traverse le système politique perçu comme de plus en plus opaque et complexe. Mais elle n'est pas réductible à ces dimensions. La récurrence de la proximité est inséparable de " la crise de la représentation " telle qu’elle s’est accréditée comme représentation sociale dominante dans l’espace public. La proximité ne fait donc sens que par rapport à un univers politique jugé " distant ".

Nous souhaiterions développer une réflexion sur cette question dans le cadre d'un atelier qui pourrait constituer un prélude à l'organisation d'une journée d'études ou à la mise en place d'un groupe de recherche. L'objectif de cet atelier est de croiser les regards (ceux des spécialistes du discours politique, du métier politique, des politiques publiques, des médias…), de multiplier les focales d'analyse et de diversifier les terrains de recherche. La question de la proximité doit être à notre sens appréhendée à la fois sous l'angle de la rhétorique (quels sont les constituants de cette topique de la proximité?quels acteurs la constituent en saillance discursive ? à quels fins? quel univers de sens la "proximité" contribue-elle à objectiver?…) et au prisme des pratiques (analyse concrète des pratiques relevant de ce que les élus labellisent comme "proximité", mise en œuvre opérationnelle de cette catégorie dans les processus d'action publique…).

L'atelier se déroulera en trois temps

Introduction sur le thème et problématique générale de la réflexion (Christian le Bart et Rémi Lefebvre)

Une série de courtes interventions à partir de divers terrains de recherche

3) débat