Responsables
:
Christian Le Bart, maître de conférences en science
politique (Rennes II, CRAP)
Rémi
Lefebvre, maître de conférences en science politique
(Lille 2, CRAPS)
Le
constat qui fonde notre d'atelier est le suivant : le terme de proximité
fait l'objet d'un véritable fétichisme dans le champ politique.
Son usage inflationniste ne peut que frapper. La proximité est
devenue un mot magique sans cesse mis en avant, invoquée, martelée
et déclinée sur tous les modes par des acteurs politiques
très divers. La locution "de proximité" donne lieu à
une véritable prolifération d'usages : démocratie
de proximité (qui a fait l'objet d'une récente loi), élus
de proximité, police de proximité, justice de proximité,
communication de proximité... Ce nouveau mot totem est ainsi
devenu un incontournable dans le lexique politique. Le contenu de ce
lieu commun politique demeure flou (ce qui constitue à lévidence
une condition de son succès social) et sa consistance fragile.
Son maniement relève de lincantation et la proximité
peut apparaître comme un artefact journalistique. Ses usages sociaux
ne sont pas pour autant dépourvus de sens. Autour de cette notion
aussi prégnante que sémantiquement indéterminée
et fuyante semblent en effet se cristalliser de nouvelles représentations
de la légitimité politique. Tout se passe comme si la
proximité était mobilisée comme une ressource de
légitimation de plus en plus centrale.
Cest
par la proximité érigée en impératif
catégorique que les liens sociaux et politiques sont appelés
à être refondés, que la démocratie représentative
est invitée à se ressourcer. Cest aussi par elle
que laction publique doit renouveler sa raison dêtre.
Le discours politique est actuellement fortement travaillé par
l'opposition entre "le proche" et "le lointain" qui s'impose comme un
principe de vision et de di-vision de l'espace politique. Alors que
"le proche" est paré de toutes les vertus le "lointain" fait
l'objet d'une délégitimation générale. Etre
en prise avec les français, au plus proche de leurs
préoccupations et de leurs attentes, renouer le contact
et l'écoute et ce faisant résorber le fossé
qui s'est creusé entre les citoyens et les élus, les mandants
et leurs mandataires... : ces mots dordre sont sans cesse
mis en avant. Cette valorisation symbolique de la proximité participe
du "retour du local" en lui confèrant une légitimité
renouvelée. C'est la construction symbolique du local comme le
lieu naturel et spontané de la rencontre avec le citoyen ou "l'usager"
et de lexpression des "besoins" et de "la demande sociale" qui
assure sa légitimation comme lieu pertinent de l'action publique.
Ce thème de la proximité est également inséparable
du discours sur "la crise du politique" qui fait actuellement florès.
La fortune de cette thématique paraît liée au déclin
des énoncés politiques abstraits, à la recomposition
des territoires et à la crise de médiation que traverse
le système politique perçu comme de plus en plus opaque
et complexe. Mais elle n'est pas réductible à ces dimensions.
La récurrence de la proximité est inséparable de
"la crise de la représentation" telle quelle sest
accréditée comme représentation sociale dominante
dans lespace public. La proximité ne fait donc sens que
par rapport à un univers politique jugé "distant".
Nous
souhaitons développer une réflexion sur cette question
dans le cadre de latelier qui constitue un prélude à
l'organisation d'une journée d'études ou à la mise
en place d'un groupe de recherche. L'objectif est de croiser les regards
(ceux des spécialistes du discours politique, du métier
politique, des politiques publiques
), de multiplier les focales
d'analyse et de diversifier les terrains de recherche. La question de
la proximité doit être à notre sens appréhendée
à la fois sous l'angle de la rhétorique (quels
sont les constituants de cette topique de la proximité?quels
acteurs la constituent en saillance discursive ? à quels fins?
quel univers de sens la "proximité" contribue-elle à objectiver?
)
et au prisme des pratiques (analyse concrète des pratiques relevant
de ce que les élus labellisent comme "proximité", mise
en uvre opérationnelle de cette catégorie dans les
processus d'action publique
).
L'atelier se déroulera en trois temps
1. Une introduction sur le thème et la problématique générale de la réflexion (Christian le Bart et Rémi Lefebvre)
2. Une série de courtes interventions à partir de divers terrains de recherche
3. Débat