Atelier organisé par Sandrine LEFRANC (Chargée de recherche au CNRS-LASP) et Daniel MOUCHARD (ATER à lUniversité de Paris I).
Problématique générale
Lobjectif de cet atelier est de permettre une discussion entre différentes approches qui, au sein de la science politique, sinscrivent dans la théorie politique. Ces approches ont en commun de prendre leurs distances par rapport à lhistoire des idées " classique ", qui considère les textes comme des corpus autarciques, détachés des contextes (des usages qui en sont faits mais aussi de leur production et de leur interprétation) et répondant à des questions " pérennes ". La théorie politique " normative " sera aussi prise en compte, pour deux raisons. Elle se distingue, dune part, de lhistoire des idées telle quelle est généralement pratiquée en France. Elle permet, dautre part, de travailler sur les grands modèles constitués par certaines théories contemporaines (celles de J. Habermas ou de J. Rawls, par exemple).
Le point de départ de cet atelier est donc la question suivante : quel est le statut des textes (" grands " et " petits ") de théorie politique en science politique, du point de vue de certains des usages qui peuvent en être faits dans certaines approches et dans certains " débats dacteurs ".
Il nous a semblé intéressant de prendre en compte des approches très variées dans leurs perspectives. Latelier consistera donc en une réflexion sur des textes écrits, brièvement présentés à loral (environ 10 minutes) ; la discussion portera sur les points de convergence et de divergence de ces approches.
Ont dores et déjà accepté de participer à la discussion :
Philippe Corcuff (maître de conférences en science politique à lInstitut dEtudes Politiques de Lyon)
Thème : Les rapports entre sociologie politique et philosophie politique.
Bertrand Guillarme (maître de conférences en science politique à lUniversité de Paris VIII-Saint-Denis)
Thème : La théorie politique normative. Le concept déquilibre réfléchi chez Rawls.
Pascale Laborier (professeure de science politique à lUniversité dAmiens)
Thème : Science du gouvernement et histoire des idées. Le statut des textes de théorie politique dans la socio-histoire de laction publique.
Frédérique Matonti (professeure de science politique à lUniversité de Nantes)
Thème : Une approche critique de la méthode de Quentin Skinner.
Sylvain Meyet (doctorant en science politique à lInstitut dEtudes Politiques de Paris)
Thème : La réception de luvre de Michel Foucault aux Etats-Unis.
Daniel Sabbagh (chargé de recherche au CERI, Paris)
Thème : Lenrôlement de la philosophie politique dans les débats contemporains aux Etats-Unis.
Présentation
Le but de cet atelier de faire le point sur des travaux, plus ou moins récents, qui ont pour point commun de sinscrire dans le champ disciplinaire de la théorie politique, mais qui visent à rompre avec une acception " désincarnée " de celle-ci, cest-à-dire avec la vision classique de lhistoire des idées politiques qui envisageait le texte comme une entité autosuffisante, " dialoguant " avec dautres entités du même statut discursif. Dans ce cadre, la question privilégiée est le lien entre létude des productions discursives de la théorie politique et le contexte des évolutions de la vie politique. Mais ce lien peut lui-même être envisagé de différentes manières : on retiendra ici deux grandes directions, qui correspondent à deux " sens " du lien entre théorie politique et contexte.
Dans un premier sens, il sagit dune contextualisation accrue de létude des développements de la pensée politique et de la théorie politique. A ce titre, les travaux de l" école de Cambridge " (Skinner, Pocock) apparaissent comme précurseurs. Ils prennent en effet en compte (dune manière approfondie) le contexte dénonciation des " grands textes " de la théorie politique, et tentent de reconstituer la pluralité des visées de ces textes. On peut aussi évoquer dans cette perspective les travaux de Michel Foucault, notamment ceux qui portent sur une analyse historique de la " gouvernementalité ". Mais ce type de démarche peut aussi être retrouvé dans des travaux qui sintéressent à lévolution contemporaine des controverses qui agitent la philosophie politique (les Etats-Unis fournissant ici un terrain exemplaire), et à leurs usages socio-politiques. Ici, en un sens, la prise en compte du contexte " éclaire " létude de la théorie politique.
Mais, dans un deuxième sens, la théorie politique peut à son tour " éclairer " le contexte. Dans cette perspective, les instruments conceptuels de la théorie politique sont utilisés pour lanalyse de situations dinteractions concrètes, afin de formaliser les répertoires de justification ou les visées normatives des acteurs. Les travaux de Boltanski et Thévenot ont, en ce sens, représenté une avancée (récemment étendue à une dimension comparative par Thévenot et Lamont), avec une ambition formalisatrice assez poussée. Le même type de projet peut être retrouvé dans dautres travaux, pour lesquels lusage des modèles proposés par la théorie politique permet danalyser de manière plus claire et systématisée certains enjeux du débat public contemporain (ce qui peut dailleurs permettre en retour un retour critique sur les modèles de théorie politique).
Si elles dessinent des pistes différentes, ces directions de recherche ont ceci en commun quelles cherchent à contribuer à un désenclavement de la théorie politique par rapport aux autres sciences sociales : enjeu qui sera aussi un objet de discussion au sein de cet atelier.