Emiliano
Grossman
ATER
à lUniversité de Cergy Pontoise
Doctorant
au Centre européen de Sciences Po (FNSP)
emiliano.grossman@thema.sciences-po.fr
Tél. :
01.43.64.67.10./06.08.81.29.33.
Sabine
Saurugger
ATER
à lIEP de Lille
Docteur
en Science politique (CERI/FNSP)
amadisdudu@infonie.fr
Tél. :
01.45.49.28.93./06.66.99.08.20.
Cet atelier répond à un double objectif : dune part, il sagit de faire face à labsence de travaux empiriques contemporains sur le lobbying et, de manière générale, les groupes dintérêt économiques en France ; dautre part, il vise à relancer les travaux dans ce domaine avant tout pour remettre en question certains " acquis " sur les relations entre les groupes dintérêt économiques et les acteurs politico-administratifs en France. Ainsi, la thèse du dirigisme français a longtemps fait partie des acquis de la science politique comparative (Hall, 1986 ; Hayward, 1982, 1995, 1996 ; Cohen, 1992). Il désigne, dabord, une certaine conception de lintervention de lEtat dans léconomie : une politique industrielle interventionniste passant par la surveillance de certains secteurs économiques jugés cruciaux, voire par une politique de nationalisation. Il désigne également une certaine relation ou porosité entre les milieux daffaires et les milieux politiques. Cest ce second aspect qui sera au centre de cet atelier : lobjectif est de générer des papiers sur lévolution de ces rapports et, plus précisément, dévaluer lhypothèse dun développement du " lobbying " de type anglo-saxon en France. Les défis posés aux groupes dintérêt en France sont aujourdhui nombreux. Les grands changements intervenus sur le plan européen mise en uvre du marché unique, le projet et la mise en uvre de lUnion économique et monétaire prêtent à penser quil y a eu nombre doccasions de rééquilibrage des relations en faveur des acteurs économiques. De même, le développement de structures de gouvernance supranationale " extra-européennes " comme lOMC ou les travaux du Comité de Bâle ne manqueront pas remettre en question certains caractéristiques actuelles du " système français de représentation des intérêts ". Sur le plan intérieur, le projet de " refondation sociale " du Medef montre que la nature des relations entre Etat et acteurs économiques y est également contestée. De même, la réforme de lEtat et la création dautorités administratives indépendantes met à lépreuve les rapports historiques existant entre acteurs économiques et autorités publiques. Or, les travaux restent peu nombreux ; ces rapports sont étudiés, tout au plus, en annexe à des travaux sur la démocratie ou le système politique français. Le débat en France était plus important dans les années 1950 et 1960 avec les travaux de Jean Meynaud (1958, 1962), notamment, dans lesquels il révélait surtout une méfiance culturelle profonde à légard des activités soupçonnées de perturber la démocratie (Mény, 1986). Depuis, très peu de travaux se sont intéressés aux groupes dintérêt en France. Les travaux de référence en la matière sont le plus souvent le fait de chercheurs étrangers comme Ezra Suleiman (1987) ou Frank Lee Wilson, auteur de la dernière étude générale des groupes dintérêt en France (1987). En plus de deux petits ouvrages de référence (Basso, 1983 ; Offerlé, 1998) et un numéro spécial de la revue Pouvoirs (1996), les travaux existants sont en langue anglaise, comme le très bon numéro de la revue Modern and Contemporary France de 1997 qui fournissait une revue très complète des rapports entre les milieux daffaires et autorités publiques en France, rapport décrit comme " dirigiste ". Dans cette même perspective, les travaux dElie Cohen (1992, Cohen et Bauer 1985) restent pourtant une référence centrale, mais sintéressent davantage à la politique industrielle quaux groupes dintérêt eux-mêmes. Schmidt (1996a, 1996b, 1999) a fourni les travaux les plus récents en matière dévolution des groupes dintérêt en France, en attendant la parution dune étude de Quittkat (2002), qui évalue lhypothèse de lEuropéisation de " lintermédiation des intérêts " en France. Très récemment seulement louvrage important de Richard Balme, Didier Chabanet et Vincent Wright (2002) a souhaité contribuer à lanalyse des caractéristiques et des transformations du système dintérêts européen. Lobjectif de cet atelier est à la fois de commencer à apporter des réflexions et des contributions empiriques sur la réévaluation de la thèse du dirigisme à la française et de lancer un débat plus large sur cette question et, au-delà, sur limportance des rapports entre léconomique et le politique en France. A ce stade, il sagit surtout didentifier des axes de réflexion et de recherche pouvant être poursuivis collectivement, en nexcluant aucune tendance et aucune explication demblée. Plusieurs hypothèses doivent être évaluées. De plus en plus, soutenons-nous, les rapports deviennent formels et distants. On passe progressivement de rapports informels, fondés sur des connaissances personnels et " esprit de corps ", aux cabinets de conseil en lobbying et relations publiques, tandis que les associations existantes se restructurent Quels sont les axes de cette transformation ? Lune des thèses les plus populaires est sans doute celle de lEuropéisation ou Européanisation des structures nationales (cf. Risse, Green Cowles & Caporaso, 2001 ; Hix & Goetz, 2000). Nombre de travaux récents essaient dévaluer cette hypothèse pour les groupes dintérêt (Green Cowles, 2001 ; Schmidt, 1999 ; Politique européenne, 2002). Y aurait-il une convergence progressive vers un modèle communautaire de représentation des intérêts, ou, comme concluent certains de ces travaux, les changements et adaptations ont ils lieu dans la continuité et la dépendance au sentier ? Une explication alternative, nullement contradictoire avec la précédente, est celle de " langlosaxonisation " des rapports entre acteurs économiques et Etat et lévolution vers un système " pluraliste " de type américain ou britannique. Une question étroitement liée concerne les mécanismes de diffusion de nouvelles normes et de transformation. Est-ce simplement en réponse aux exigences spécifiques du niveau communautaire, autrement dit à la " logique dinfluence " européenne (Streeck & Schmitter, 1991) ? Dautres explications pourraient consister à identifier lorigine " idéologique " de certains des changement en cours (cf. par exemple, Jobert, 1994). Enfin, il faudra réfléchir aux agents de ces transformations. Est-ce les groupes dintérêt eux-mêmes qui mettent en uvre ce changement, comme peut le laisser penser le cas du MEDEF ? Ou est-ce contraire lEtat qui, dans un effort de transparence et de réforme, veut formaliser les rapports aux acteurs économique ? Ces pistes ne sont, bien sûr, nullement exhaustives. Elles sont, en partie le fruit de nos propres recherches et demandent à être enrichies et questionnées, ce qui sera lune des principales tâches de cet atelier. Cet atelier vise à réunir à la fois des jeunes chercheurs et thésards travaillant sur ces sujets et des chercheurs confirmés. Pour ce qui est des premiers, lun des objectifs est bien sûr de faire rencontrer des jeunes chercheurs dans la perspective dune collaboration au-delà du Congrès de lAFSP. Pour ce qui est des seconds, nous croyons quil est fondamental de solliciter des chercheurs confirmés parmi ceux cités plus haut. Ainsi, Vivien Schmidt, actuellement en France, serait une cible idéale ; peut-être Suzanne Berger, Elie Cohen ou Ezra Suleiman, qui est en train de rédiger un ouvrage sur la réforme de lEtat en France. Bibliographie
"La fin du dirigisme", Modern and Contemporary France, sous la direction de Vincent Wright, 5(2), 1997, p.151-241
"La représentation des intérêts en Europe ", Politique européenne, n°7, printemps 2002
Balme Richard, Chabanet Didier et Vincent Wright (dirs), Laction collective en Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2002
Basso Jacques, Les groupes de pression, Paris, PUF, 1983
Berger Suzanne (dir), Organizing Interests in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1981
Cohen Elie et Michel Bauer, Les grands manuvres industrielles, Paris, Belford, 1985
Cohen Elie, "Dirigisme, politique industrielle et rhétorique industrialiste, RFSP, 42(2), 1992, p.197-218
Green Cowles Maria, " The Transatlantic Business Dialogue and Domestic Business-Government Relations ", dans Thomas Risse, Maria Green Cowles et James Caporaso (dirs), Transforming Europe: Europeanization and Domestic Change, Ithaca, Cornell University Press, 2001, p.159-179
Hall Peter, Governing the Economy. The Politics of State Intervention in Britain and France, New York, Oxford University Press, 1986
Hayward Jack (dir), Industrial Enterprise and European Integration. From National to International Champions in Western Europe, Oxford, Oxford University Press, 1995
Hayward Jack, "Mobilising Private Interests in the Service of Public Ambitions: The Salient Element in the Dual French Policy Style?", in Jeremy J. Richardson (dir), Policy Styles in Western Europe, London, Allan &Unwin, 1982
Hayward Jack, " Groupes dintérêt, pluralisme et démocratie ", Pouvoirs, 1996, n°79, p. 5-19
Hix Simon et Klaus H. Goetz, " Introduction : European Integration and National Political Systems ", West European Politics, 23(4), 2000, p. 1-26
Jobert Bruno (dir), Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, LHarmattan, 1994
Mény Yves, " La légitimation des groupes dintérêt par ladministration française ", Revue française de ladministration publique, 1986, n°39
Meynaud Jean, Les groupes de pression en France, Paris, Presses de la FNSP, 1958
Meynaud Jean, Nouvelles études sur les groupes de pression, Paris, Presses de la FNSP, 1962
Offerlé Michel, Sociologie des groupes dintérêt, Paris, Montchrestien 1998
Quittkat Christine, " Les organisations professionnelles françaises : leuropéeanisation de lintermédiation des intérêts ? ", Politique européenne, n°7, printemps 2002
Risse Thomas, Maria Green Cowles et James Caporaso (dirs), Transforming Europe. Europeanization and Domestic Change, Ithaca, Cornell University Press, 2001
Schmidt Vivian, "The Decline of Traditional State Dirigisme in France : the Transformation of Political economic policies and policy-making processes", Governance, 9(4), 1996a, p.375-405
Schmidt Vivien A, From State to market? The transformation of French business and government. Cambridge, Cambridge University Press, 1996b
Schmidt Vivien A., "La France entre lEurope et le monde. Le cas des politiques économiques nationales", Revue française de science politique, 1999, 49(1), p.51-78
Streeck Wolfgang et Schmitter Philippe C, "From national corporatism to transnational pluralism: organized interests in the Single European Market" in Politics & Society 1991 19(2), p. 133-165
Suleiman Ezra, Les notaires, Paris, Seuil 1987
Wilson Frank L., Interest Group Politics in France, Cambridge, Cambridge University Press, 1987