Atelier 34 : La science politique peut-elle ignorer la bio-politique ?

Hélène THOMAS

La " polémique " qui a suivi le VIe congrès de l’AFSP a de nouveau attiré l’attention sur les problématiques de la bio-politique développées par Michel Foucault et sur les travaux récents qui s’inscrivent dans cette perspective. La question de l’opérationnalité scientifique de ces approches en science politique se pose avec d’autant plus d’acuité qu’elles sont déjà mobilisées dans le champ des sciences humaines par certains anthropologues, historiens, juristes et sociologues. La question de leur portée heuristique dans la discipline reste donc ouverte.

Le présent atelier envisagera dans quelle mesure ces concepts pourraient constituer une boîte à outils permettant de revisiter certains des objets " traditionnels " de la science politique.

Le débat déclenché à l’automne 1999 par l’article de Nicolas Weil dans Le Monde à la suite du VIe congrès de l’AFSP à Rennes a eu un triple mérite.

Il a d’abord éclairé les pré-requisits théoriques et méthodologiques de la science politique française contemporaine. Ensuite il attiré notre attention sur la possibilité de rendre ces concepts opératoires pour des recherches empiriques dans le champ de la science politique, en en respectant rigoureusement les méthodes. Enfin il a remis en lumière des objets centraux de notre discipline mais abandonnés aux juristes, philosophes, éthiciens ou aux acteurs politiques eux-mêmes, comme

Ces objets restent aujourd’hui peu étudiés, même à l’aune des modèles interprétatifs dominants, en termes d’analyse cognitive des politiques publiques et de sociologie de l’expertise et de l’action collective ou de sociologie politique de l’Etat. La littérature scientifique concernant ces objets relève du champ juridique (droit administratif, science administrative, théorie du droit) ou de la sociologie des sciences et de l’épistémologie, pas de la science politique.

Le présent atelier déterminera dans quelle mesure ces concepts pourraient constituer une boîte à outils permettant de revisiter certains objets traditionnels de la science politique, comme la sélection des élites ou les politiques publiques, de construire de nouveaux objets et d’en déconstruire d’autres.

L’atelier se déploiera selon trois orientations :

1. Il s’agira de faire retour sur les notions mêmes de biopolitique et de biopouvoir progressivement élaborées par Michel Foucault dans ses ouvrages, ses cours au Collège de France de 1975 à 1983 et ses conférences.

2. On examinera également la manière dont ces concepts ont été repris et redéfinis par Giorgio Agamben (la "vie nue ", " la vie qualifiée ", la " zoopolitique ", le " ban ", le " camp comme nomos de la modernité ", etc.) et par Peter Sloterdijk (l’" anthropotechnique ", l’" élevage ", la " domestication ", la " mobilisation "). Ces travaux se limitent-ils à reprendre le paradigme de la domination avec une nouvelle terminologie ou proposent-ils une nouvelle perspective analytique ?

3. On envisagera enfin leur possible utilisation par les chercheurs en science politique dans les domaines précédemment cités. On se demandera ce que de tels concepts apportent à l’analyse des transformations de l’Etat contemporain par rapport aux approches en termes de " gouvernance ", de " gouvernabilité " ou de " différenciation des forums et des arènes ". Quel est l’intérêt de ces concepts pour l’analyse des politiques publiques - notamment de leur mise en forme et de leurs effets sur les statuts des ressortissants auxquels elles s’adressent ? A quelles conditions une telle entrée constitue-t-elle une alternative aux approches dominantes de type cognitif ou en termes de configurations ? De même, dans quelle mesure les thèses d’Agamben éclairent-elles enjeux de la politique de production et de normalisation du vivant ? Et celles de Sloterdijk les formes de sélection et de dressage des élites ou les nouvelles formes de l’innovation scientifique et technique.

L’atelier réunira différentes sensibilités de la science politique, mais aussi des chercheurs venant d’autres disciplines (philosophes, sociologues, théoriciens du droit). L’enjeu est de confronter les points de vue d’utilisateurs et de lecteurs critiques de ces travaux. Nous poserons la question de leur éventuelle fécondité, mais nous chercherons aussi à mettre en évidence les limites, les ambiguïtés et les flottements éventuels des démarches qu’ils proposent.

Cinq intervenants sont prévus.

Marc Bernardot, Laurent Godmer, Martine Leibovici, Sophie Papaephtimioux, Thomas Ribemont

 

Atelier 34 : La science politique peut-elle ignorer la bio-politique ?

Déroulement

11H Introduction par Hélène Thomas, maître de conférence en science politique, université Paris XIII/Nord.

Les usages théoriques des concepts et modèles foucaldiens

11H10 Des usages de la méthode généalogique et du concept de gouvernabilité en théorie du droit, Sophie Papaeftimioux, maître de conférences en droit public université ParisX-Nanterre

11H30 Usages scientifiques et usages militants de Foucault, Thomas Ribemont, doctorant en science politique, A.T.E.R, université Paris XIII/Nord.

Du bio-pouvoir à la bio-politique :la mobilisation des travaux d’Agamben et Sloterdjik dans les recherches théoriques et empiriques  est-elle possible?

11H 50 Etat des controverses scientifiques et militantes autour de l’apport et des limites des œuvres d’Agamben et Sloterdijk sur la question biopolitique, Laurent Godmer, doctorant en science politique, ATER, Martine Leibovici, et Hélène Thomas, maîtres de conférence en science politique, université Paris XIII/Nord

12H10 Apports et limites du concept de " camp, comme nomos de la modernité " chez Agamben dans le cas des camps français, Marc Bernardot, maître de conférences en sociologie, université de Lille I.

12H 30 Discussion générale et débat.

Samedi 21 septembre — 11h-13h è 2ère série d’ATELIER

Lieu : Institut d’études politiques