Hélène THOMAS
La " polémique " qui a suivi le VIe congrès de lAFSP a de nouveau attiré lattention sur les problématiques de la bio-politique développées par Michel Foucault et sur les travaux récents qui sinscrivent dans cette perspective. La question de lopérationnalité scientifique de ces approches en science politique se pose avec dautant plus dacuité quelles sont déjà mobilisées dans le champ des sciences humaines par certains anthropologues, historiens, juristes et sociologues. La question de leur portée heuristique dans la discipline reste donc ouverte.
Le présent atelier envisagera dans quelle mesure ces concepts pourraient constituer une boîte à outils permettant de revisiter certains des objets " traditionnels " de la science politique.
Le débat déclenché à lautomne 1999 par larticle de Nicolas Weil dans Le Monde à la suite du VIe congrès de lAFSP à Rennes a eu un triple mérite.
Il a dabord éclairé les pré-requisits théoriques et méthodologiques de la science politique française contemporaine. Ensuite il attiré notre attention sur la possibilité de rendre ces concepts opératoires pour des recherches empiriques dans le champ de la science politique, en en respectant rigoureusement les méthodes. Enfin il a remis en lumière des objets centraux de notre discipline mais abandonnés aux juristes, philosophes, éthiciens ou aux acteurs politiques eux-mêmes, comme
les enjeux politiques de la recherche génétique, de la responsabilité médicale, des aléas thérapeutiques
la redéfinition du statut du patient ou celui du vivant
la production de normes autour de ces questions de santé publique mais aussi dadministration générale ou de police des populations.
Ces objets restent aujourdhui peu étudiés, même à laune des modèles interprétatifs dominants, en termes danalyse cognitive des politiques publiques et de sociologie de lexpertise et de laction collective ou de sociologie politique de lEtat. La littérature scientifique concernant ces objets relève du champ juridique (droit administratif, science administrative, théorie du droit) ou de la sociologie des sciences et de lépistémologie, pas de la science politique.
Le présent atelier déterminera dans quelle mesure ces concepts pourraient constituer une boîte à outils permettant de revisiter certains objets traditionnels de la science politique, comme la sélection des élites ou les politiques publiques, de construire de nouveaux objets et den déconstruire dautres.
Latelier se déploiera selon trois orientations :
1. Il sagira de faire retour sur les notions mêmes de biopolitique et de biopouvoir progressivement élaborées par Michel Foucault dans ses ouvrages, ses cours au Collège de France de 1975 à 1983 et ses conférences.
2. On examinera également la manière dont ces concepts ont été repris et redéfinis par Giorgio Agamben (la "vie nue ", " la vie qualifiée ", la " zoopolitique ", le " ban ", le " camp comme nomos de la modernité ", etc.) et par Peter Sloterdijk (l" anthropotechnique ", l" élevage ", la " domestication ", la " mobilisation "). Ces travaux se limitent-ils à reprendre le paradigme de la domination avec une nouvelle terminologie ou proposent-ils une nouvelle perspective analytique ?
3. On envisagera enfin leur possible utilisation par les chercheurs en science politique dans les domaines précédemment cités. On se demandera ce que de tels concepts apportent à lanalyse des transformations de lEtat contemporain par rapport aux approches en termes de " gouvernance ", de " gouvernabilité " ou de " différenciation des forums et des arènes ". Quel est lintérêt de ces concepts pour lanalyse des politiques publiques - notamment de leur mise en forme et de leurs effets sur les statuts des ressortissants auxquels elles sadressent ? A quelles conditions une telle entrée constitue-t-elle une alternative aux approches dominantes de type cognitif ou en termes de configurations ? De même, dans quelle mesure les thèses dAgamben éclairent-elles enjeux de la politique de production et de normalisation du vivant ? Et celles de Sloterdijk les formes de sélection et de dressage des élites ou les nouvelles formes de linnovation scientifique et technique.
Latelier réunira différentes sensibilités de la science politique, mais aussi des chercheurs venant dautres disciplines (philosophes, sociologues, théoriciens du droit). Lenjeu est de confronter les points de vue dutilisateurs et de lecteurs critiques de ces travaux. Nous poserons la question de leur éventuelle fécondité, mais nous chercherons aussi à mettre en évidence les limites, les ambiguïtés et les flottements éventuels des démarches quils proposent.
Cinq intervenants sont prévus.
Marc Bernardot, Laurent Godmer, Martine Leibovici, Sophie Papaephtimioux, Thomas Ribemont
Atelier 34 : La science politique peut-elle ignorer la bio-politique ?
Déroulement
11H Introduction par Hélène Thomas, maître de conférence en science politique, université Paris XIII/Nord.
Les usages théoriques des concepts et modèles foucaldiens
11H10 Des usages de la méthode généalogique et du concept de gouvernabilité en théorie du droit, Sophie Papaeftimioux, maître de conférences en droit public université ParisX-Nanterre
11H30 Usages scientifiques et usages militants de Foucault, Thomas Ribemont, doctorant en science politique, A.T.E.R, université Paris XIII/Nord.
Du bio-pouvoir à la bio-politique :la mobilisation des travaux dAgamben et Sloterdjik dans les recherches théoriques et empiriques est-elle possible?
11H 50 Etat des controverses scientifiques et militantes autour de lapport et des limites des uvres dAgamben et Sloterdijk sur la question biopolitique, Laurent Godmer, doctorant en science politique, ATER, Martine Leibovici, et Hélène Thomas, maîtres de conférence en science politique, université Paris XIII/Nord
12H10 Apports et limites du concept de " camp, comme nomos de la modernité " chez Agamben dans le cas des camps français, Marc Bernardot, maître de conférences en sociologie, université de Lille I.
12H 30 Discussion générale et débat.
Samedi 21 septembre 11h-13h è 2ère série dATELIER
Lieu : Institut détudes politiques