Atelier 35

Frontières politiques et identités conceptuelles : la comparaison au risque des "nationalismes Disciplinaires"

Laboratoire Européen Associé E T A P E S Espaces et Temporalités de l’Action Publique en Europe du Sud
Louis Assier-Andrieu
William Genieys
Hubert Peres
Pierre Valarié
cepel@sc.univ-montp1.fr

 

Cet atelier part du constat de l’existence en Europe de nationalismes conceptuels et disciplinaires qui obèrent toute tentative de comparaison approfondie, et particulièrement dans les domaines, comme l’action publique, où la frontière entre la connaissance et la décision s’avère ténue, poreuse, voire indécelable.

Généralisations théoriques et homogénéisations conceptuelles participent d’un même mouvement de nivellement de la culture scientifique touchant au politique. L’exaltation du relativisme, "du gène au genre", participe d’un mouvement inverse, compatible avec le précédent, de personnalisation culturelle des appartenances allant du façonnement d’institutions propres jusqu’au modelage des protocoles les plus adéquats pour penser ces institutions. C’est le vaste curseur que balisent ces polarités extrêmes, et extrémités incluses, que parcourt notre objet épistémologique.

Nous partons d’une interrogation sur le sens du politique et les conditions de son approche. Les sciences du politique et du juridique, en tant que viviers de normes prescriptives et en tant que porteuses d’autoréférences, constituent comme telles les indicateurs les plus puissants, parmi les sciences sociales, des épuisements ou renouvellements conceptuels, des reconfigurations des légitimités intellectuelles, des remodelages des temporalités pertinentes et des transformations, par superposition ou substitution de contenu, des vecteurs de l’action publique. En d’autres termes, les taxinomies théoriques et empiriques de la pensée et de l’action politique méritent d’être revisitées pour créer les conditions d’une compréhension globalisante du politique tel qu’il se donne concrètement à voir dans les sociétés contemporaines.

Analyse des catégorisations politiques

Une première piste permettant cette critique épistémologique procède de la genèse et de l’analyse sémantique de la catégorie du politique et des concepts et notions qui en balisent le champ. Elle suppose de confronter le champ ainsi défini, avec ses contours flous et ses porosités, à l’ensemble des moyens et méthodes susceptibles de le mettre en regard.L’interdisciplinarité est de rigueur (histoire des sciences, histoire culturelle, philosophie, sociologie, anthropologie) pour nourrir la réflexion des sciences du politique et des institutions sur elles-mêmes.

Etude des nationalismes disciplinaires

Dérivant directement de la première, une seconde piste critique nous est offerte par la comparaison des concepts, des catégories et des taxinomies du politique en suivant l’histoire, l’inscription disciplinaire et la portée sociale des sciences du politique et des institutions dans différents contextes nationaux. Offrant à la fois une théorie du gouvernement et une pratique de la gouvernementalité (ou de la "gouvernance"), la science politique est susceptible, comme les sciences du juridique, de façonner la société où elle prend corps, autant qu’elle est susceptible d’être façonnée par cette même société. Il existe, postulons-nous, par-delà les écoles de pensée et les courants intellectuels volontiers conçus comme universels en vertu de la capacité "surplombante" de la science, un véritable nationalisme disciplinaire particulièrement sensible en sciences du politique.

Retour sur les qualifications initiales

La critique culturelle des concepts, des catégories, des classifications et des logiques qui structurent l’approche du politique, du local au global, possède un intérêt épistémologique que nous assumons en soi. Elle est toutefois, pour soi, indissociable de ses effets heuristiques et de ses implications pratiques. La mise en perspective des concepts comme des objets tente de mettre en place les outils d’un comparatisme réel, c’est-à-dire producteur de connaissances supérieures, par opposition au comparatisme formel, généralement pratiqué, qui consiste à la mise en regard et au classement a priori de systèmes posés ex ante et ex post comme comparables. Notre questionnement s’inscrit dans la recherche d’un comparatisme dynamique où la mise en regard de méthodes, de protocoles, de qualifications et de pratiques résulte de processus analytiques et où l’issue de la mise en regard est à même de provoquer une remise en cause et une reformulation fondamentales des termes initiaux. Nous abordons cette dimension avertis de la dépendance relative actuelle des protocoles d’investigation vis-à-vis des nationalismes scientifiques déjà évoqués mais surtout vis-à-vis de l’adoption, en Europe, de concepts dessinés pour saisir des situations américaines ou, d’un point de vue américain, des situations prêtées aux effets de la globalisation.

Communication pressenties (l’atelier reste ouvert) :

Louis Assier-Andrieu, Josep Rodriguez, Retour sur l’influence d’une certaine conception transatlantique de l’action publique

William Genieys, Hubert Peres, Vu de France. Contexte politique et production de la science politique en Espagne.

Noberto Bobbio, Pierre Valarié, Concertatio, décision : une démocratie procédurale ? Un regard croisé France/Italie ;

Patrick Hassenteufel, Andy Smith, Comment les outils d’analyse des politiques publiques voyagent—t-il ?