Hélène
MICHEL (Maître de conférences
à lIEP de Strasbourg, membre du GSPE), lnmichel@club-internet.fr
Laurent WILLEMEZ (maître de conférences à
lUniversité de Poitiers, chercheur au CURAPP) laurentwillemez@club-internet.fr
Lobjectif de cet atelier est de réunir et de confronter des recherches (en cours ou récentes) consacrées aux groupes dintérêt et à lun de leurs modes daction particulier : le recours au droit. Cet objet recouvre un large ensemble de pratiques, depuis la saisie des juridictions (justice administrative, justice constitutionnelle, justice communautaire), jusquà lorganisation de différentes formes de règlement informel des litiges (médiation, conciliation, conseil), en passant par la défense contre des plaintes judiciaires.
La volonté dorganiser un atelier centrée sur une telle pratique de défense procède dun constat et dune conviction scientifique.
Le constat concerne le faible nombre dinvestigations sur ce sujet. Si les travaux français nont guère investi le champ de la recherche sur les groupes dintérêt, ils se sont encore moins focalisés sur les pratiques concrètes de défense que ces groupements mettent en uvre. Or, le recours au droit constitue incontestablement un mode daction prisé, et qui semble prendre de plus en plus dimportance au fur et à mesure quapparaissent de nouvelles formes de valorisation de cette activité. Le cas de lespace européen, fortement juridiciarisé, en constitue sans doute lexemple le plus patent, mais cette valorisation de lusage du droit touche également les espaces nationaux dans lesquels évoluent les groupes dintérêt. Dès lors, le point de départ qui a présidé à lorganisation de cet atelier tient dans la volonté danalyser concrètement les pratiques de ces groupes, puisquelles expriment autant leurs ressources (financières, humaines et sociales) que la structuration et le fonctionnement des espaces dans lesquels ils évoluent.
Jusquici, un certain nombre de recherches ont mis en évidence la manière dont ce recours au droit constituait une forme dintervention en adéquation avec les principes de fonctionnement de lespace public : exemple du procès pour la Ligue des droits de lhomme, du recours auprès du Conseil constitutionnel via la saisine parlementaire (pour le respect du droit de propriété, pour la liberté dentreprendre), du recours auprès du tribunal administratif et du Conseil dEtat (pour les associations environnementalistes), ou encore de la saisine de la Cour de Justice de la République (par exemple pour les associations de victimes hémophiles) ; parallèlement, des travaux, moins récents, avaient attiré lattention sur linvention de modes formels et informels de règlement des conflits et la contribution quy apportent des groupements : cas du règlement des litiges de consommation, organisation de commissions de médiation, mise à disposition dinformations et formations des adhérents à ces instances.
Cet atelier aura pour objectif de poursuivre ces recherches et de les prolonger, notamment en testant leurs hypothèses à dautres groupes dintérêts et en ouvrant de nouvelles pistes théoriques.
A partir de ces prémices, trois questions pourront strcucturer les échanges sau sein de latelier.
1) Le premier portera sur les conditions sociales et politiques de possibilité de recours aux pratiques juridiques pour un groupe dintérêt. En effet, si on a pu constater que ce mode daction tendait à se diffuser parmi différents groupements, on a rarement tenté dexpliquer en quoi et pourquoi ce recours à la justice semblait simposer, ni pourquoi il na pas toujours été employé dans le passé, malgré les possibilités offertes (puisque le législateur a prévu le recours à ce mode daction pour un certain nombre de syndicats et dassociations). Ainsi, non seulement le recours au droit ne va pas de soi mais il est très diversement utilisé ; surtout, lexplication par la nature de lintérêt défendu comme celle par le type juridique de groupement ne sauraient suffire. Pour comprendre les usages différenciés de cette pratique, il convient de porter lattention sur les espaces politiques dans lesquels évoluent ces groupes. A travers les discussions de cas différents, on pourra montrer à quelles conditions un tel recours est rendu possible et comment ce mode daction est intégré dans un répertoire plus large de défense.
2) La deuxième porte sur les acteurs qui, représentants et défenseurs dintérêt, uvrent à ce recours et investissent (et parfois sinvestissent dans) cette forme juridique de défense. Les recours différenciés au droit ne sont pas, pour le moins, étrangers à la composition des groupes qui en font usage. En effet, défendre une cause ou un intérêt sur le terrain juridique implique un travail politique de la part des défenseurs de la cause, travail quils effectuent sur la formalisation de lintérêt, et qui est dautant plus à leur portée quils ont des dispositions les incitant à croire en lefficacité de ce mode daction et leur permettant de lutiliser pleinement. Les trajectoires des porte-parole et des représentants constituent dès lors une clef dexplication dans lanalyse de cette pratique de défense. Elles ouvrent aussi sur la question du recrutement de ces groupements et des transformations qui affectent leur composition : redéfinition des rôles de représentants, nouvelle division et hiérarchisation du travail (entre militant et expert par exemple, entre spécialiste juridique et représentant du groupe)
3) La troisième porte sur les conséquences réelles ou escomptées de ce recours au droit et/ou à la justice. En effet, dans les usages de ce mode daction, se jouent aussi la place et le rôle dun groupe par rapport à ses concurrents ou alliés. Dans ce cas, la mise en uvre de ce type de défense répond moins à une exigence de " victoire " juridique ou judiciaire quà celle dun positionnement dans un espace mouvant de concurrence entre groupes dintérêt. Dautre part, lobjectif de latelier sera aussi de saisir les transformations que la formulation juridique de griefs et leur défense judiciaire font subir tant à la cause quau groupement, notamment en termes dimage et de place dans lespace politique. Ainsi, il ne suffit pas danalyser les différents usages que des groupes, dans leur diversité sociale et dans leur définition politique, peuvent faire du recours au droit. Encore convient-il de saisir ce que le déplacement sur le terrain juridique dune défense implique pour le groupement et lintérêt quil défend.
Latelier se donnant ainsi pour objectif de repérer les travaux en cours ou récents consacrés à ces questions, toutes les propositions de contributions sont les bienvenues. Les contributeurs sont invités à envoyer aux deux organisateurs de latelier sa proposition dintervention (une page) avant le 1er juin 2002.