La mondialisation :
avancée ou régression pour les droits de l’Homme ?

Patrick Baudouin
Avocat, Président d’honneur de la FIDH

 

Les droits de l’homme sont universels et indivisibles : droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels. La mondialisation a renforcé le bien fondé de ce principe, tout en entravant ou compliquant souvent sa mise en œuvre.

La mondialisation — qui est d’abord celle des échanges — a permis des progrès économiques et technologiques considérables. Cependant, restant fondée sur un libéralisme dépourvu de régulation, elle a surtout enrichi les riches et appauvri les pauvres. L’objectif des sociétés transnationales, dont certaines disposent d’une puissance bien supérieure à celle de la plupart des États, est le profit qui va rarement dans le sens du développement humain. Les institutions financières internationales fonctionnent de manière opaque et sans contrôle démocratique, en privilégiant souvent des objectifs purement monétaires. Le marché livré à lui-même ne prend pas en compte la dimension sociale et environnementale de la vie collective.

Le respect de certains droits fondamentaux apparaît plus que jamais mis à mal : droits à la santé, à l’éducation, à l’alimentation, à des conditions de vie décentes. Les déséquilibres et les injustices en résultant favorisent par conséquent les situations de conflits ou encore le maintien de régimes oppressifs.

Cependant, la mondialisation facilite aussi les prises de conscience et les actions pour le développement des droits humains. C’est ainsi que partout dans le monde des défenseurs des droits de l’homme de plus en plus solidaires luttent pour le respect des valeurs universelles. Les sociétés civiles s’organisent pour ne plus être agissantes seulement à l’intérieur des États, mais pour se constituer en véritables contre-pouvoirs à l’échelle Internationale et revendiquer une mondialisation maîtrisée et plus égalitaire. Au plan international, la passivité et l’impuissance en présence de situations d’extermination de populations civiles sont de moins en moins tolérées, de telle sorte qu’il s’instaure progressivement l’exercice effectif d’un droit d’intervention pour y mettre un terme.

Mais le progrès sans doute le plus flagrant en la matière — malgré ses limites — est celui de la lutte contre l’impunité et de l’émergence d’une justice internationale. Des Tribunaux Pénaux Internationaux de la Haye sur l’ex-Yougoslavie et d’Arusha sur le Rwanda à la Cour Pénale Internationale créée à Rome en juillet 1998 en passant par l’affaire Pinochet et d’autres arrestations sur le fondement de la compétence universelle, les avancées sont importantes et espérons-le irréversibles : plus aucun bourreau, qu’il soit chef d’État ou simple exécutant, n’est à l’abri des poursuites, et les valeurs universelles se trouvent renforcées par l’idée que leur application peut désormais s’appuyer sur une justice elle aussi universelle. Mais il reste évidemment beaucoup à faire dans ce domaine, l’un des combats à mener étant par exemple celui de la responsabilité pénale des personnes morales, et en particulier des multinationales.

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