La réponse à une légitimité en crise :
une nouvelle dialectique du particulier et de l’universel

Jacques Capdevielle
Directeur de Recherche à la FNSP (CEVIPOF)

 

Nous sommes entrés, depuis une quinzaine d’années, dans une crise profonde de la légitimité démocratique telle que, pendant près d’un siècle, cette dernière s’était structurée dans le cadre de l’État-nation autour de l’élection et du phénomène partisan

La responsabilité de cette crise incombe à l’origine à la montée en puissance, à partir du début des années quatre-vingts, de l’invocation du marché comme régulateur essentiel sinon exclusif, de l’économie. Supposé réaliser l’optimum en termes de coûts face à la prestation de marchandises et de services de plus en plus diversifiés, le marché s’est imposé dans son rôle de régulation économique, en même temps qu’il s’érigeait en régulateur social en termes de production et de redistribution des richesses, dans une société où l’accent était mis sur l’individualisation croissante des rapports sociaux. Le " désenchantement " consécutif à l’implosion du bloc de l’Est et à la crise des modèles nationaux (Brésil, Japon, Allemagne, etc.) a fourni un terreau favorable à cette évolution. Invoquant l’absence d’alternative possible, les responsables politiques au pouvoir se sont en général efforcés d’accompagner les demandes du marché en dérégulant, en libéralisant les échanges et les mouvements de capitaux, quitte à compromettre leur légitimité, à favoriser une montée des votes protestataires ou populistes, ou à grossir le camp des abstentionnistes.

C’est dans ce contexte que la décennie suivante a vu le développement de mouvements corporatistes, catégoriels, autour de la défense d’avantages acquis et d’intérêts locaux. Ces mouvements auraient pu s’en tenir à cet aspect défensif et particulier, sans les excès de la globalisation financière et sans l’impuissance publique érigée en mode de légitimation par les pouvoirs politiques en place. Mais l’échec de l’OMC à Seattle a marqué un nouveau tournant en consacrant l’arrivée d’acteurs revendiquant à leur tour une légitimité issue de la société civile. Le succès d’une association comme Attac constitue de ce point de vue un cas d’école particulièrement intéressant, sur lequel on s’interrogera.

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