Nous sommes entrés, depuis une quinzaine dannées, dans une crise profonde de la légitimité démocratique telle que, pendant près dun siècle, cette dernière sétait structurée dans le cadre de lÉtat-nation autour de lélection et du phénomène partisan
La responsabilité de cette crise incombe à lorigine à la montée en puissance, à partir du début des années quatre-vingts, de linvocation du marché comme régulateur essentiel sinon exclusif, de léconomie. Supposé réaliser loptimum en termes de coûts face à la prestation de marchandises et de services de plus en plus diversifiés, le marché sest imposé dans son rôle de régulation économique, en même temps quil sérigeait en régulateur social en termes de production et de redistribution des richesses, dans une société où laccent était mis sur lindividualisation croissante des rapports sociaux. Le " désenchantement " consécutif à limplosion du bloc de lEst et à la crise des modèles nationaux (Brésil, Japon, Allemagne, etc.) a fourni un terreau favorable à cette évolution. Invoquant labsence dalternative possible, les responsables politiques au pouvoir se sont en général efforcés daccompagner les demandes du marché en dérégulant, en libéralisant les échanges et les mouvements de capitaux, quitte à compromettre leur légitimité, à favoriser une montée des votes protestataires ou populistes, ou à grossir le camp des abstentionnistes.
Cest dans ce contexte que la décennie suivante a vu le développement de mouvements corporatistes, catégoriels, autour de la défense davantages acquis et dintérêts locaux. Ces mouvements auraient pu sen tenir à cet aspect défensif et particulier, sans les excès de la globalisation financière et sans limpuissance publique érigée en mode de légitimation par les pouvoirs politiques en place. Mais léchec de lOMC à Seattle a marqué un nouveau tournant en consacrant larrivée dacteurs revendiquant à leur tour une légitimité issue de la société civile. Le succès dune association comme Attac constitue de ce point de vue un cas décole particulièrement intéressant, sur lequel on sinterrogera.