Le consensus de Washington entendait favoriser la mondialisation en dépossédant les pouvoirs publics au profit des acteurs économiques privés. Depuis lors, on a assisté à une transformation des interactions entre privé et public et à un déplacement des lieux et des domaines dits publics. Les politiques économiques publiques, en particulier, ont connu, au moins, quatre évolutions qui sont tantôt complémentaires et tantôt contradictoires.
I Les politiques publiques au service de la mondialisation libérale
Les politiques publiques ont été reconverties, de lintérieur et de lextérieur, pour adapter les économies à la mondialisation libérale.
Dune part, nous avons constaté la réduction : du poids du secteur public, des déficits publics, des tarifs douaniers, des impôts sur le capital ; du pouvoir régalien sur la monnaie et des dépenses publiques de sécurité. Enfin, lérosion du pouvoir politique des États, la dé-légitimation des conflits politiques et des luttes sociales du modèle taylorien-fordien.
Dautre part, la réorientation des interventions publiques à des fins de compétitivité des exportations et dattraction des capitaux pour répondre aux défis de la mondialisation, la redéfinition des interactions et coopérations entre privé et public et lapparition de nouvelles instances (formelles ou informelles) plurinationales ou infra nationales de gestion publique.
II Les politiques publiques compensant ou limitant des effets de la globalisation
Les politiques publiques internes ont simultanément compensé les effets de la mondialisation libérale. On a observé ainsi une hausse des dépenses publiques dans les économies les plus ouvertes, des politiques demploi destinées à compenser les effets de la concurrence des pays pauvres et des actions en faveur des marginalisés et des exclus.
Louverture à la mondialisation a même connu des freins. Partout, les obstacles à limmigration ont modifié la signification de la mondialisation. Les flux de marchandises (notamment agricoles et textiles) ont été ralentis par des politiques nationales. Et la crise asiatique a conduit à une réhabilitation partielle des contrôles des mouvements de capitaux.
III Les politiques publiques à la recherche de nouvelles légitimités
La remise en cause du consensus de Washington a libéré et fait connaître les essais de re-légitimation des politiques publiques et, plus généralement, du politique, dans la mondialisation. Sous des vocables multiples (bien public, domaine public, espace public, intérêt public, acteurs publics etc ) on voit les analystes et les décideurs chercher des formes de politiques publiques compatibles avec la mondialisation.
Cette re-légitimation se propose parfois de revenir sur lérosion des politiques publiques nationales (réhabilitation du cadre national ou quelque fois même, des États). À linverse, elle sefforce en dautres occasions daccompagner la mondialisation du "marché par une internationalisation du public" (exemple des biens publics mondiaux et de lespace public international et du recours à des acteurs public internationaux formels ou informels )
IV La montée des politiques publiques sécuritaires, défi à la globalisation ?
Il est possible que la mondialisation libérale connaisse un backlash dû à la montée des préoccupations sécuritaires. Déjà présentes avant le 11 septembre 2001, ces dernières ont justifié immédiatement après cette date le contrôle de tous les flux (notamment financiers), fait abandonner les politiques déflationnistes au profit dune politique keynésienne, réhabilité les dépenses de sécurité, montré la réalité des États et des nations, réaffecté les aides internationales et reconstruit les espaces régionaux en fonction des préoccupations stratégiques.
Il est encore trop tôt pour voir sur quels points ce retour des politiques publiques traditionnelles à des fins sécuritaires sera durable, mais il serait imprudent de continuer à supposer que seules lefficience économique et léquité domineront à lavenir les débats sur les politiques publiques en période de mondialisation.