"Crime organisé transnational" et lutte anti-blanchiment

Gilles Favarel-Garrigues
Chargé de recherche au CNRS/CERI

Depuis la fin des années quatre-vingts, nombre d’experts de différents statuts (acteurs politiques, économiques, répressifs, journalistes, chercheurs) présentent la transnationalisation du crime organisé (" transnational organized crime " ou " global organized crime ") comme un défi majeur pour le monde contemporain. Le thème du blanchiment de l’argent sale apparaît dans ces discours comme un enjeu crucial, cimentant les différentes pratiques illicites et fondant le développement des organisations criminelles. Il a en conséquence acquis une place considérable dans les arènes et forums internationaux, comme en atteste la création d’une organisation internationale spécialisée, le GAFI, mais aussi les débats tenus à l’ONU, au Conseil de l’Europe, dans les instances policières supranationales (Europol, Interpol), au FMI ou à la Banque Mondiale, entre autres. Cette multiplication de discours sur le blanchiment a conduit à la conception d’une réponse internationale, sous l’égide du GAFI, visant à imposer à chaque Etat un cadre normatif, un dispositif institutionnel et des pratiques professionnelles de lutte anti-blanchiment. C’est ce processus que nous nous proposons d’étudier, en répondant à trois séries d’interrogations :

  1. Comment s’est construite la connaissance des phénomènes combattus, pourtant occultes par définition ? Que sait-on des pratiques de blanchiment, des acteurs qui y recourent et de leurs liens avec le "crime organisé transnational" ? Quels sont les liens entre blanchiment et mondialisation financière ? Sur quelles sources et quels canaux d’expertise s’appuient les responsables de la lutte anti-blanchiment ?
  2. Le blanchiment peut être analysé comme un problème transnational, du moins si l’on s’accorde à mobiliser les travaux de Murray Edelman dans un cadre international. Dans ce cas, il importe de comprendre les conditions d’émergence de ce problème, c’est-à-dire le contexte dans lequel il est apparu, les acteurs qu’il a mobilisés, qui ont cherché à l’expliciter et à le résoudre, et les raisons de sa prééminence par rapport à d’autres formes transnationales de criminalité économique et financière, comme la fraude fiscale.
  3. Tel qu’il a été formulé, le problème du blanchiment a conduit à des recommandations censées orienter l’action publique menée dans ce domaine au plan national. Il s’agit de préciser la logique qui sous-tend l’élaboration de ces cadres normatifs et institutionnels, de s’interroger sur la légitimité de ces mesures, d’apprécier la contrainte associée à leur adoption et à leur mise en œuvre dans les contextes nationaux.

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