Mondialisation et souveraineté nationale

Charles-Albert Michalet
(Professeur de Sciences Économiques Université Paris IX Dauphine)

 

Le capitalisme dans un seul pays n’a jamais existé. Dès l’origine, Fernand Braudel a montré que l’économie-monde a constitué une dimension inhérente au grand capital. Elle s’est développée, dès le XVème siècle, à partir de villes portuaires, avant que les Etats-nations n’aient fait leur apparition. Encore faut-il définir ce que l’on entend par mondialisation. Du point de vue économique, la mondialisation est un phénomène multidimensionnel qui englobe les échanges des biens et services, la délocalisation de la production portée par les investissements directs à l’étranger et la circulation des capitaux financiers.
En outre, il faut souligner d’une part, que ces différentes dimensions ne fonctionnement pas indépendamment les unes des autres : elles sont interdépendantes. D’autre part, retenons que l’importance relative de chaque dimension, varie d’une période à l’autre. Ces variations dans la hiérarchie des composantes de la mondialisation permettent ainsi de définir trois configurations distinctes : la configuration inter-nationale, la configuration multi-nationale et la configuration globale. L’objectif de notre proposition est de tenter de montrer que la notion de souveraineté nationale, liée au concept d’Etat-nation, est largement déterminée par la logique économique de chaque configuration.
Depuis la conférence de Bretton Woods qui avait défini un certain type de "governance" de la mondialisation fondée sur une coopération inter-gouvernementale, jusqu'au consensus de Washington qui émerge au début des années quatre-vingts et qui va ouvrir la phase actuelle, celle de la globalisation, la notion de souveraineté nationale apparaît de plus en plus contestée. D’autres espaces que les territoires nationaux revêtent une pertinence économique supérieure à celle des Etats-nation, qu’il s’agisse des intégrations régionales ou des districts industriels. Du fait de l’absence d’État mondial et de la faiblesse actuelle des contre-pouvoirs traditionnels (même si la période récente voit apparaître une résistance anti-mondialisation), la mondialisation échappe à toute autre régulation efficace que celle des marchés oligopolistiques dominés par les grands groupes industriels et financiers. Cependant, d’autres normes que celles définies dans des lois pourraient prendre le relais dans le futur. La régulation de la globalisation pourrait émaner de plus en plus d’un nouveau type d’agences et, aussi, de chartes élaborées volontairement par les acteurs des différents secteurs d’activités. Mais, observons que dans l’une et l’autre hypothèse, la "governance" n’est plus alors le résultat de procédures démocratiques.

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