L’OMC : une organisation de régulation de l’économie mondiale ?

Michel Rainelli
Professeur de Sciences Économiques à l’Université de Nice Directeur du LATAPSES
UMR CNRS-UNSA
Michel.Rainelli@idefi.cnrs.fr

 

La principale innovation résultant de la mise en place de l’OMC est le mécanisme de règlement des différends qui contribue à la constitution d’une forme de régulation de l’économie mondiale, du moins dans sa dimension commerciale. Alors que l’OMC est régulièrement accusée d’être un des instruments de l’hégémonie américaine, l’examen des différends qui ont été résolus depuis 1995 montre une réalité plus complexe.

Ainsi, une étude détaillée des différends selon les Membres à l’origine des actions et ceux visés par les procédures révèle une forte dispersion géographique : si les États-Unis sont le principal " plaignant ", ils apparaissent également le premier " accusé ". De plus, l’examen des décisions ne permet pas de mettre en évidence dans les décisions rendues un biais en faveur des États-Unis. Ainsi par exemple, la décision définitive dans le différend des Foreign Sales Corporation risque de mettre les États-Unis dans une situation embarrassante, en raison de l’importance du préjudice subi par l’Union Européenne. Par conséquent, même si dans sa forme actuelle, l’OMC résulte essentiellement de l’action américaine (cf. par exemple l’accord TRIPS), son fonctionnement démontre une régulation sans doute plus " mondialiste " qu’on ne pouvait le craindre.

Pour autant, la régulation qui est mise progressivement en place rencontre des limites importantes qui relèvent de préoccupations très différentes. La première tient à l’inégal accès des Membres de l’OMC à la procédure. En effet, même si des pays en développement ont pu introduire des actions, ce sont en général les pays les plus développés qui utilisent le mécanisme de règlement des différends. La deuxième se fonde sur le refus de l’Organe d’Appel à prendre en compte des principes acceptés dans le droit international, comme le principe de précaution par exemple (cas du différend UE-EU sur le bœuf aux hormones). La troisième découle des mécanismes de sanctions prévues lorsqu’un Membre refuse de mettre sa réglementation en conformité avec une décision définitive de l’ORD. Le cas du bœuf aux hormones est particulièrement intéressant à étudier de ce point de vue puisqu’on constate que les sanctions ne sont pas dissuasives et que les nouvelles barrières aux échanges internationaux créées conduisent à des distorsions s’ajoutant à celles auxquelles elles devaient pourtant mettre fin.

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