Table-ronde 5

L'INSTITUTIONNALISATION DE L'EUROPE

Responsables : Renaud Dehousse, Yves Surel

 

L’analyse du cadre européen a connu récemment un déplacement des problématiques et des objets de recherche, qui est à l’origine de cette table ronde. Il apparaît tout d’abord en effet que les institutions européennes sont parvenues à une forme de maturité, de même peut-être qu’à un seuil, qui suscite de nouvelles interrogations. Plutôt que d’interroger les mécanismes internes de la décision et des acteurs communataires, la plupart des recherches récentes (par exemple Green Cowles, Caporaso, Risse, 2001 ; Fligstein, Sandholz, Stone, 2001) portent ainsi sur les logiques d’institutionnalisation nourries par les acteurs, les normes et les politiques du niveau communautaire. Ce qui implique de déplacer le regard vers les effets ambigus de l’intégration européenne sur les appareils étatiques, les politiques publiques, les acteurs politiques et sociaux, etc., des États membres de l’UE. L’accent est dès lors mis sur les rapports entre les différents niveaux de gouvernement (ou de gouvernance), sur les logiques d’interaction qui apparaissent et parfois s’institutionnalisent entre les acteurs concernés, ou encore, sur les modes de traduction et d’adaptation des décisions et politiques communautaires.

Dans le même mouvement, les principaux courants d’analyse qui ont longtemps structuré la recherche sur le cadre européen semblent dépassés par de nouveaux outils, (peut-être) mieux adaptés aux problèmes soulevés par les évolutions soulignées. De nombreux auteurs s’accordent ainsi à dire que les modèles intergouvernementaliste et (néo)fonctionnalistes, longtemps dominants voire hégémoniques dans les études européennes, ne suffisent pas pour rendre compte de la complexité de la construction européenne, notamment parce qu’ils reposent de manière plus ou moins explicite sur une vision relativement monolithique de l'Etat.

Dès lors, une certaine "normalisation" des problématiques et des notions est apparue, un nombre croissant de chercheurs recourant aux outils classiques de la science politique pour renouveler hypothèses et questionnements. De manière typique, l’analyse des groupes d’intérêt dans le cadre européen n’est plus une dimension secondaire d’une problématique intergouvernementaliste ou fédéraliste, mais s’articule autour d’hypothèses en termes de distribution des ressources, d’adaptation ou de transfert de répertoires d’action collectives éprouvés dans le cadre national, etc. (voir par exemple le numéro 4 de la revue Politique européenne, coordonné par Didier Chabanet).

On constate également un usage croissant d’outils néo-institutionnalistes appliqués à l’analyse des acteurs, des institutions (au sens restreint) et des politiques caractéristiques du cadre européen. A partir d’une conception extensive des institutions, entendue notamment comme des "facteurs d’ordre" qui contribuent à déterminer les comportements individuels, les mobilisations collectives et les politiques publiques, on peut analyser les évolutions cours dans de nombreux domaines. De quelle manière l’Europe pèse-t-elle à présent sur les comportements électoraux, sur les engagements militants, sur les clivages parisans, sur les processus de décision publique, etc. ? Comment de nouvelles normes apparaissent-elles dans l’interaction entre acteurs et entre niveaux de gouvernement ? Les États sont-ils soumis réellement à ces mouvements ou conservent-ils des ressources spécifiques qui leur permettent d’adapter, voire d’instrumentaliser, les exigences communautaires ? Pour tenter d’amorcer des réponses à ces questions, plusieurs thèmes semblent mériter notre attention :

 

Institutions

De la dictature des drapeaux au sein de la Commission Européenne ? Loyautés multiples et constitution d'une identité commune au sein d'une administration multinationale
Véronique Dimier (Maastricht)

L'affirmation du Secrétariat général du Conseil de l'Union européenne : les transformations du rôle d'une institution non codifiée (1992-2002)
Michel Mangenot (Strasbourg)

Négociation ou délibération ? Une analyse de la convention sur le futur de l’Europe
Paul Magnette (Bruxelles)

L'institutionnalisation du rôle d'euro-fonctionnaire
Didier Georgakakis (Strasbourg)

Le Parlement européen et la reprise des essais nucléaires français. L'expertise, entre ressource du consensus et instrument de légitimation
Olivier Costa (Bordeaux)

Discutant : Jean-Louis Quermonne

 

L’institutionnalisation d’un espace public européen

L’institutionnalisation de la repésentation des intérêts
Richard Balme (IEP de Paris), Didier Chabanet

La place de l'Europe dans les débats nationaux: enjeux théoriques et premiers résultats empiriques à partir du cas français
Virginie Guiraudon (CRAPS, Lille), Olivier Baisnée (CRAP, Rennes), Olivier Grojean (EHESS, Paris)

Europe des partis ou Europe des patries ?
Christopher Lord (Leeds)

Représentation des intérêts ou représentation politique? Les groupes d'intérêt nationaux dans le système politique de l'Union
Sabine Saurugger, Lille

L'association société civile - Parlements nationaux dans le policy-making de l'Union européenne
Olivier Rozenberg (Paris)

 

L'intégration européenne : un objet de recherche sui generis ?

Revisiter la négociation intergouvernementale dans l'analyse de la construction européenne
Christian Lequesne (CERI, Paris)

Uses and Misuses of Comparative Analysis in the Study of European Integration
Anand Menon (Birmingham)

L’Union européenne entre sociologie des élites et analyse des politiques publiques : l'exemple des commissaires européens
Jean Joana (CEPEL, Montpellier), Andy Smith (CERVL, Bordeaux)

Europe et clivages socio-politiques, Bruno Cautrès, Grenoble Gouvernement et gouvernance de l'Europe
Patrick Le Galès (CEVIPOF, Paris)

 

L’Européanisation de l’action publique

L'européanisation par la libéralisation ? Le cas de la réforme des systèmes de protection maladie européens
Patrick Hassenteufel (IEP de Rennes)

L'Europe et le social, vers une harmonisation cognitive des réforems des politiques sociales ?
Bruno Palier, Christelle Mandin (CEVIPOF, Paris)

Apprentissages et compétition dans la formation d’ une évaluation européenne des médicaments
Boris Hauray (CSO, Paris), Philippe Urfalino (CSO/EHESS, Paris)

L’Europe par le bas : la réappropriation des normes communautaires par les acteurs régionaux en France et en Espagne
Romain Pasquier (IEP de Rennes)

L’Office européen de lutte anti-fraude : innovation ou mimétisme institutionnnel ?
Véronique Pujas (CIDSP, Grenoble)

L'intégration Européenne et la réglementatioin en Europe
Mark Thatcher (London School of Economics)