Lanalyse du cadre européen a connu récemment un déplacement des problématiques et des objets de recherche, qui est à lorigine de cette table ronde. Il apparaît tout dabord en effet que les institutions européennes sont parvenues à une forme de maturité, de même peut-être quà un seuil, qui suscite de nouvelles interrogations. Plutôt que dinterroger les mécanismes internes de la décision et des acteurs communataires, la plupart des recherches récentes (par exemple Green Cowles, Caporaso, Risse, 2001 ; Fligstein, Sandholz, Stone, 2001) portent ainsi sur les logiques dinstitutionnalisation nourries par les acteurs, les normes et les politiques du niveau communautaire. Ce qui implique de déplacer le regard vers les effets ambigus de lintégration européenne sur les appareils étatiques, les politiques publiques, les acteurs politiques et sociaux, etc., des États membres de lUE. Laccent est dès lors mis sur les rapports entre les différents niveaux de gouvernement (ou de gouvernance), sur les logiques dinteraction qui apparaissent et parfois sinstitutionnalisent entre les acteurs concernés, ou encore, sur les modes de traduction et dadaptation des décisions et politiques communautaires.
Dans le même mouvement, les principaux courants danalyse qui ont longtemps structuré la recherche sur le cadre européen semblent dépassés par de nouveaux outils, (peut-être) mieux adaptés aux problèmes soulevés par les évolutions soulignées. De nombreux auteurs saccordent ainsi à dire que les modèles intergouvernementaliste et (néo)fonctionnalistes, longtemps dominants voire hégémoniques dans les études européennes, ne suffisent pas pour rendre compte de la complexité de la construction européenne, notamment parce quils reposent de manière plus ou moins explicite sur une vision relativement monolithique de l'Etat.
Dès lors, une certaine "normalisation" des problématiques et des notions est apparue, un nombre croissant de chercheurs recourant aux outils classiques de la science politique pour renouveler hypothèses et questionnements. De manière typique, lanalyse des groupes dintérêt dans le cadre européen nest plus une dimension secondaire dune problématique intergouvernementaliste ou fédéraliste, mais sarticule autour dhypothèses en termes de distribution des ressources, dadaptation ou de transfert de répertoires daction collectives éprouvés dans le cadre national, etc. (voir par exemple le numéro 4 de la revue Politique européenne, coordonné par Didier Chabanet).
On constate également un usage croissant doutils néo-institutionnalistes appliqués à lanalyse des acteurs, des institutions (au sens restreint) et des politiques caractéristiques du cadre européen. A partir dune conception extensive des institutions, entendue notamment comme des "facteurs dordre" qui contribuent à déterminer les comportements individuels, les mobilisations collectives et les politiques publiques, on peut analyser les évolutions cours dans de nombreux domaines. De quelle manière lEurope pèse-t-elle à présent sur les comportements électoraux, sur les engagements militants, sur les clivages parisans, sur les processus de décision publique, etc. ? Comment de nouvelles normes apparaissent-elles dans linteraction entre acteurs et entre niveaux de gouvernement ? Les États sont-ils soumis réellement à ces mouvements ou conservent-ils des ressources spécifiques qui leur permettent dadapter, voire dinstrumentaliser, les exigences communautaires ? Pour tenter damorcer des réponses à ces questions, plusieurs thèmes semblent mériter notre attention :
Institutions
De la dictature des drapeaux
au sein de la Commission Européenne ? Loyautés multiples
et constitution d'une identité commune au sein d'une administration
multinationale
Véronique Dimier (Maastricht)
L'affirmation du Secrétariat
général du Conseil de l'Union européenne : les
transformations du rôle d'une institution non codifiée
(1992-2002)
Michel Mangenot (Strasbourg)
Négociation ou délibération ?
Une analyse de la convention sur le futur de lEurope
Paul Magnette (Bruxelles)
L'institutionnalisation
du rôle d'euro-fonctionnaire
Didier Georgakakis
(Strasbourg)
Le Parlement européen
et la reprise des essais nucléaires français. L'expertise,
entre ressource du consensus et instrument de légitimation
Olivier Costa (Bordeaux)
Discutant : Jean-Louis Quermonne
Linstitutionnalisation dun espace public européen
Linstitutionnalisation
de la repésentation des intérêts
Richard Balme (IEP de Paris), Didier Chabanet
La place de l'Europe dans
les débats nationaux: enjeux théoriques et premiers résultats
empiriques à partir du cas français
Virginie Guiraudon (CRAPS, Lille), Olivier Baisnée (CRAP, Rennes),
Olivier Grojean (EHESS, Paris)
Europe des partis ou Europe
des patries ?
Christopher Lord (Leeds)
Représentation des
intérêts ou représentation politique? Les groupes
d'intérêt nationaux dans le système politique de
l'Union
Sabine Saurugger, Lille
L'association société
civile - Parlements nationaux dans le policy-making de l'Union européenne
Olivier Rozenberg (Paris)
L'intégration européenne : un objet de recherche sui generis ?
Revisiter la négociation
intergouvernementale dans l'analyse de la construction européenne
Christian Lequesne (CERI, Paris)
Uses and Misuses of Comparative
Analysis in the Study of European Integration
Anand Menon (Birmingham)
LUnion européenne
entre sociologie des élites et analyse des politiques publiques
: l'exemple des commissaires européens
Jean Joana (CEPEL, Montpellier), Andy Smith (CERVL, Bordeaux)
Europe et clivages socio-politiques,
Bruno Cautrès, Grenoble Gouvernement et gouvernance de l'Europe
Patrick Le Galès (CEVIPOF, Paris)
LEuropéanisation de laction publique
L'européanisation
par la libéralisation ? Le cas de la réforme des systèmes
de protection maladie européens
Patrick Hassenteufel (IEP de Rennes)
L'Europe et le social, vers
une harmonisation cognitive des réforems des politiques sociales ?
Bruno Palier, Christelle Mandin (CEVIPOF, Paris)
Apprentissages et compétition
dans la formation d une évaluation européenne des
médicaments
Boris Hauray (CSO, Paris), Philippe Urfalino (CSO/EHESS, Paris)
LEurope par le bas :
la réappropriation des normes communautaires par les acteurs
régionaux en France et en Espagne
Romain Pasquier (IEP de Rennes)
LOffice européen
de lutte anti-fraude : innovation ou mimétisme institutionnnel ?
Véronique
Pujas (CIDSP, Grenoble)
L'intégration Européenne
et la réglementatioin en Europe
Mark Thatcher (London School of Economics)