Responsables scientifiques :
Thierry Barboni (ATER et doctorant en Science politique, CRPS, Paris I) Thierry.Barboni@malix.univ-paris1.fr
Djamel Mermat (ATER et docteur en Science politique, CERAPS, Lille II) djamel.mermat-2@univ-lille2.fr

BARBONI Thierry (CRPS - Paris I)

S’adapter au changement : le cas du Parti socialiste français étudié à partir de la notion de configuration partisane

De l’opposition au pouvoir, le PS s’est heurté, adapté puis conformé à l’exercice des responsabilités. Inévitablement, d’un septennat mitterrandien à l’autre, l’organisation partisane socialiste s’est profondément renouvelée. R. S. Katz et P. Mair proposent d’analyser notamment les évolutions des partis de gouvernement, à partir de leur modèle du parti cartel. Le PS devenu parti de gouvernement, vivant largement par l’Etat, la tentation de le comparer au modèle est grande.
Ce modèle permet-il pourtant d’apprécier le changement organisationnel du PS ? Devenu un parti de gouvernement, ce parti provoque tout autant qu’il subit le changement. Pour saisir ce double mouvement il semble nécessaire de dépasser une approche organisationnelle stricte pour mieux saisir comment et sur quelles bases se structure le jeu partisan et ses conséquences organisationnelles. Inspirée du concept de configuration de N. Elias, la notion de configuration partisane permet d’envisager l’équilibre partisan tel qu’il s’élabore entre les différentes instances du parti et dont la dimension organisationnelle n’est qu’un des aspects. Parti cartel, parti en voie de cartellisation ? La notion de configuration partisane permet d’y répondre en tenant compte des spécificités qui structurent l’organisation socialiste. Entre " retour au parti ", professionnalisation subie et présidentialisation accrue, le second septennat de F. Mitterrand constitue une période riche en bouleversements pour un PS dont les réagencement organisationnels seuls ne permettent pas de saisir le sens. Appréhender ici cette période mouvementée de l’histoire du PS, c’est envisager une période durant laquelle l’organisation devient tout autant un enjeu qu’un outil à repenser. Comme l’exemplifie donc la période 88-95, le changement n’est pas qu’une variable, c’est également un processus — qu’on l’appelle cartellisation — qui sera mis en évidence à partir de la notion de configuration partisane.

Adapting to change : The French socialist Party studied from the notion of Party Configuration

From opposition to power, the French socialist wing, adapted then conformed to the responsibilities. Inevitably, from one mitterrandian septennat to the other, the PS organization was deeply renewed. R. S. Katz and P. Mair analyze the evolutions of party government starting from their cartel party model. As PS became a party government, getting many state subventions, temptation to compare it with this model is strong.
Does this model really allow us to appreciate the PS organizational change? Once it became a Party of government, the PS makes provocations as much as it undergoes the change. Understanding this double movement suppose to exceed a strictly organizational approach. In this way, it will be possible to seize how, and from which basis, political game is structured, and what are its organizational consequences. Inspired by the N. Elias configuration’s concept, the party configuration’s notion allow us to consider party equilibrium as an equilibrium built inside different faces of party. Organizational dimension is, in this way, only one of the aspect of this equilibrium. The French socialist party: cartel party, party in cartelization progress? The answer can be given by the party configuration notion, including the specificities of its organization. Between " back to the party ", professionalization undergone and increasing presidentialization, Mitterrand second septennat represents a period rich in upheaval whom PS organizational fittings only are unable to explain the meaning. To consider this animated period of PS history suppose to consider a period during which party organization became a stake as a tool to re-think. Represented by this 1998-1995 period, change is more than a variable: it is a process — let us call it cartelization — which will be identified by the party configuration concept.

GARCIA Xavier (ERMES - Université de Nice Sophia-Antipolis)

Une transition partisane : le Parti travailliste britannique (1979-2006)

Créé au début du siècle pour incarner les intérêts ouvriers, le Parti travailliste britannique a développé une conscience de classe qui a laissé une trace extrêmement prégnante sur son organisation, sa culture politique, et sa doctrine. Mais cette conception incarnative du partisan s’est heurté à partir des années 70 au déclin démographique et culturelle de la classe ouvrière. S’en est suivi une crise électorale et une crise d’identité marquées par un dilemme politique lancinant : comment élargir son audience électorale sans trahir son histoire, son identité et sa mission ?
Cette communication proposera de dépasser et ré-interroger l’histoire récente du Labour Party en dégageant une matrice transitionnelle à partir des dynamiques organisationnelles et électorales. La centralité croissante du défi électoral a en effet conduit le leadership à transformer en profondeur une organisation partisane longtemps garante de l’identité de classe du parti pour la tourner vers la mobilisation de l’électorat et l’ouverture à de nouvelles classes sociales, passant ainsi du modèle de parti de classe au paradigme électoral professionnel culminant sous le leadership de Tony Blair depuis 1994.
Cette transition n’est pas pour autant le fruit d’un enchaînement causal qui avec le recul apparaît inéluctable. Il faut postuler au contraire que les partis ne sont pas des simples boîtes noires dotées d’une personnalité et d’un logique autonomes, que l’histoire du parti travailliste n’était pas écrite dès le départ et qu’elle a répondu à des interactions multiples et permanentes, souvent contradictoires, à des conflits, des stratégies individuelles et collectives, des événements extérieurs et parfois même au hasard. Car, pour reprendre un adage nietzschéen : " quand on croit à "cause" et à "effet", on oublie l’essentiel : ce qui se passe ".

The British Labour Party Transition

The British Labour party, which was created to embody the workers’ interests, has developed a class consciousness which strongly influenced its organization, its political culture and its ideology. But from the late 70’s, this sense of incarnation has been challenged by the demographic and cultural decline of the working class. Then began an electoral and identity crisis which were caused by a political dilemma: how to broaden its electoral audience without betraying its history, its identity and its mission?
This paper proposes to go beyond the recent history of the Labour Party and to re-examine it by bringing out a transitional matrix based on organisational and electoral dynamics. The electoral challenge has driven the leadership to deeply transform the party organization which had always been the symbol of the party’s class identity in order to focus on new social classes electoral mobilization. Thus, the class party model has been replaced by the electoral professional paradigm.

MERMAT Djamel (CERAPS - Lille 2)

Le Parti communiste français et ses changements : comment subvertir une forme ancienne ? 

Les transformations organisationnelle et partisane du PC français constituent un terrain propice au réexamen des théories et modèles du changement partisan (Lavau 1969, Panebianco 1988, Katz et Mair 1993, Kool 1996). Il s’agit en effet d’un cas emblématique de la confrontation entre, d’une part, un projet organisationnel volontariste, et des pressions liées à des processus de changement plus ou moins rapides d’autre part. Il constitue en quelque sorte un laboratoire à travers lequel le chercheur peut observer in vivo le devenir d’une organisation partisane, porteuse d’un projet radical, et qui se retrouve confrontée, sur une longue période (depuis 1975) à une diversité de chocs de natures diverses. Ceux-ci sont le résultat du jeu de forces externes, telles que les évolutions sociétales, la concurrence partisane, la régulation et la dérégulation du système politique…Ils sont également la conséquence de rapports de forces internes, telles que les initiatives prises par les dirigeants ou les militants. Le schéma de rationalisation que nous présentons dans cette communication peut offrir une aide efficace à la compréhension de la façon dont les communistes français ont initié, géré, et surtout vécu, ressenti, exprimé les changements de leur parti depuis 1975. En fait, la crise du parti communiste français est une des formes de la crise des forces qui proposent de transformer la société. Elle traduit l’inadaptation de ce type de partis à la situation nouvelle de ce début du 21^e siècle. Et le problème que posent ainsi les communistes eux-mêmes est celui d’une transformation du Parti qui soit à la mesure des transformations qu’appelle la crise de ces partis. C’est là que réside tout l’enjeu du choix d’une méthode et de sources capables d’ " utiliser " le PCF comme révélateur du changement.

The French communist Party and its changes : how Do We Subvert An Outdated Structure ?

The organizational transformations of the PCF are fertile ground for a re-examination of theories and models of partisan change (Lavau 1969, Panebianco 1988, Katz et Mair 1993, Kool 1996). Indeed, they epitomize the confrontation between, on the one hand, a voluntarist organizational project and, on the other hand, pressures linked to the process of more or less rapid change. In some ways, this constitutes a laboratory in which the researcher may observe in vivo a partisan organization coming into being, espousing a radical vision of society, and confronted, over a long period (since 1975), with a variety of shocks. These result from external forces at play, such as social evolutions, partisan competition, regulation and deregulation of the political system, etc. They are also the consequence of relations between internal forces, such as initiatives taken by party leaders or activists. The rationalization model that we present in this document may offer effective assistance in understanding how French communists have initiated, managed, experienced, and expressed their party’s changes since 1975. In fact, the PCF crisis is typical of the crises confronting forces that propose social transformations. This shows this type of party as ill-suited to the new situation at the start of the twenty-first century. Therefore, the communists’problem is how to sufficiently transform the party in order to solve the crises such political parties usually face. This reflects the issues at stake in the choice of a method and sources able to "use" the PCF as an indicator of change.

OLIVIER Laurent (IRENEE - Nancy 2)

Nouvelles procédures participatives et changements dans l’organisation partisane. Le cas de l’UMP

Des changements semblent affecter les organisations partisanes. On a pu souligner leur déclin quantitatif, ou qualitatif — affaiblissement des allégeances, discontinuité de l’engagement. Dans la perspective du parti-cartel, la dépendance accrue à l’égard de l’Etat, au détriment des militants, s’accompagne de procédure de légitimation électorale directe par les adhérents. On s’interroge sur le sens et les modalités de ces changements au sein de l’UMP. L’évolution des pratiques partisanes (contestation, défection), entraîne t-elle un processus d’ajustement générant de nouvelles normes ? Inversement, les procédures partisanes réorientent-elles la fonction socialisante des règles organisationnelles du parti ? La particularité de l’UMP, est son caractère récent, après l’acte inaugural du congrès de 2002, dans une conjoncture critique - crise de la représentation, défiance à l’égard des partis, 21 avril. Cette rupture ouvre la voie à de nouvelles opportunités de leadership, et une stratégie de renouvellement du militantisme. Pourtant, dès 1998 les assises du RPR annonçaient un mode de légitimation directe consacrée par la nouvelle UMP. En outre ce parti a connu une phase d’incertitude révélée par la question des mouvements (courants), les modalités de sélection des leaders, les dysfonctionnements liés au vote électroniques. Le discours sur le changement, impératif promu par les dirigeants mettant l’accent sur les nouvelles technologies du militantisme, s’apparente à un processus de démarcation par rapport à une ancienne conception de l’organisation, et une surenchère distinctive par rapport au PS. Les procédures nouvelles n’ont cependant pas le même statut ou degrés d’institutionnalisation. Les instruments communicationnels relevant de la démocratie du public sont imparfaitement codifiés ou intériorisés par les adhérents ; les instruments règlementaires (statuts) demeurent des référentiels marginaux. Les instruments incitatifs de mobilisations électorales ont un rendement relatif. Ainsi, selon un sentier de dépendance, une logique incrémentale, les instruments " nouveaux " de modernisation s’ajoutent aux normes et pratiques pérennes, voire confortent une tradition de contrôle pyramidal et de personnalisation du rapport au politique.

New participative procedures and changes in party organization. The UMP

Changes seem to affect party organization. One could emphasize their quantitative, or qualitative decline - weakening loyalty, discontinuity of activism. From the viewpoint of the cartel party, the increasing dependence with the State, with the detriment of the activists, is accompanied by procedures of direct electoral legitimation by the members. This survey examines the meaning and the modalities of these changes within UMP. Does the evolution of party practices (contestation, defection), involve a process of adjustment generating new rules? Conversely, do the party procedures reorientate the socializing function of the organisational rules of the party? The characteristic of the UMP, is that it is a new party, after the inaugural act of the congress of 2002, in a critical juncture situation - crisis of representation, distrust with regard to the parties, "April 21". This rupture opens the way to new opportunities for leadership, and a strategy of renewal of the activism. However, since 1998 the congress of RPR announced a type of direct legitimation confirmed by the new UMP. Moreover this party knew a phase of hesitation revealed by the question of the "mouvements" (faction), the mode of selection of the leaders, the dysfunctions related to the electronic ballot. The discourse on the change, as an imperative promoted by the leaders insisting on new technologies of the activism, appears to be a process of demarcation from an old pattern of organization, and a distinctive concurrence with the PS.Hhowever The new procedures do not have the same feature or degrees of institutionalization. The communicational instruments concerned with the "démocratie du public" are imperfectly codified or interiorized by the members. Tthe statutory instruments remain marginal frames of references. The inciting instruments of electoral mobilizations have a limited output. Hence, in accordance with an incremental logic, a path dependance, the "new" instruments of modernization are added to the norms and durable practices, and even reinforce a tradition of pyramidal control and personalization of the relations to the politics.