Atelier 27
Maintien
et consolidation de la paix : les nouveaux paradigmes
Peacekeeping and Peace Building : the New Paradigms
Responsables
scientifiques :
Ronald Hatto (Chercheur post-doctoral CERI-Sciences Po) ronald.hatto@sciences-po.org
Thierry
Tardy (Course Director, European Training Course in Security Policy, Centre
de Politique de Sécurité de Genève et HEI) t.tardy@gcsp.ch
Résumés /Abstracts
LEFRANC Sandrine (CNRS,
Institut des Sciences sociales du Politique, Université de Paris
X)
La construction de la paix "par le bas" : une modalité alternative de pacification ?
Les
pratiques de maintien de la paix sont plus diverses quon ne le croit généralement,
tant du point de vue des acteurs internationaux qui y interviennent que du point
des principes daction (recours aux seules élites et prise en compte
de la " base ", universalisme et valorisation des solutions
locales, trêve des armes ou paix " positive ", etc.).
Cette communication sintéressera à la construction de la
paix " par le bas ", cest-à-dire un ensemble
peu unifié de programmes déployés à une échelle
microsociale, qui sattachent à " réconcilier "
des sociétés appelées à coexister, davantage quà
amener des leaders politiques à un accord de paix viable ou à
réformer des structures politiques (dialogues sociaux élargis
au grand nombre, activités de développement " inter-ethniques ",
activités artistiques et sportives pacificatrices
).
Ces pratiques
semblent connaître une expansion depuis la fin de la Guerre froide. Les
ONG spécialisées se sont multipliées, les ONG généralistes
sy sont investies, les gouvernements et les institutions internationales
(PNUD, Banque mondiale) ont développé des services spécifiques.
Les programmes de construction de la paix " par le bas "
incarnent de " nouvelles " normes de " construction
de la paix " qui concurrencent et complètent les grandes " opérations
de maintien et de consolidation de la paix ".
En examinant
sociologiquement la constitution de ce champ dactivité international,
on mettra à lépreuve la thèse de la " paix
libérale ", en montrant notamment comment ces pratiques internationales
de pacification sinscrivent dans des pratiques de réforme de la
justice, dans des mobilisations politiques contre la politique étrangère
de gouvernements des Etats-Unis, ou encore dans des tentatives de consolidation
de groupes religieux protestants.
Peacekeeping/peacebuilding
practices are more diverse than generally believed, from the point of view of
the organizations involved as well as the justifications employed (elite or
grassroots -builded peace, universal packages or local solutions, " negative "
or " positive " peace, etc.). This communication deals with
" grassroots peacebuilding ": heterogeneous micro-social
practices, that aim at " reconciling " countries that are
trying to recover from a violent political conflict, rather than bringing political
leaders to conclude a sustainable peace accord or reforming political structures.
The programs that are implemented include dialogues that are not limited to
the elites, " inter-ethnic " development activities, programs
in arts and sports
Peacebuilding programs have been growing since the end of the Cold war, with
more and more (specialized or not) international NGOs, governments and IGOs
involved. Grassroots peacebuilding reflects supposedly new peacebuilding norms,
that complement and compete with usual peacekeeping operations.
I will analyze this international field of activity and question the " liberal
peace " thesis, particularly showing how these programs stem from
controversies in the North: political mobilizations against US foreign policies,
attempts to reform the judiciary system, protestant denominations empowerment,
etc.
SCOGNAMILLO
Corrado (Laboratoire TRIANGLE / ENS-LSH, IEP, Lyon-II)
Rôle et place des agences daide au développement dans le maintien et la consolidation de la paix : le cas du PNUD
Les
agences daide au développement de lONU ont recouvert un rôle
croissant dans les opérations de paix depuis les années 90, et
plus largement dans les activités de consolidation de la paix après
les conflits. Cest notamment le cas du Programme des Nations Unies pour
le Développement (PNUD), qui est censé coordonner laide
au développement onusienne sur le terrain, et qui est désormais
systématiquement associé aux opérations de paix de lONU.
Lobjet
central de notre communication réside précisément dans
létude du rôle et de la place du PNUD au sein des opérations
de paix onusiennes. Nous formulons à ce titre deux hypothèses :
- Dans la
lignée de lapproche de Michael Barnett et Martha Finnemore, nous
pouvons supposer que lactivité du PNUD en situation de post-conflit
renvoie à sa " culture bureaucratique " propre, et
quelle est le fruit dune expansion de son mandat.
- Dautre
part, étant à lorigine du concept de " sécurité
humaine ", le PNUD a eu recours à la mobilisation de cette
notion pour légitimer et renforcer son implication en situation post-conflictuelle.
Pour évaluer
leur pertinence, nous étudierons lactivité du PNUD dans
les opérations de paix et les situations de post-conflit en mesurant
le type et lampleur des programmes mis en oeuvre dans le but de " consolider
la paix ". Nous suivrons lévolution de son association
à la planification et au déploiement des opérations de
paix, en analysant les mécanismes mis en place pour une meilleure coopération
et coordination avec le Secrétariat, et notamment le DOMP/DPKO.
Par ailleurs,
une étude des documents stratégiques et programmatiques du PNUD,
et une série dentretiens réalisés à New York,
nous permettra dévaluer limportance de la mobilisation du
concept de " sécurité humaine " comme discours
de légitimation de limplication du PNUD après un conflit.
De cette
manière, nous entendons répondre à la problématique
générale de latelier en mesurant limportance du PNUD
dans les nouveaux paradigmes de maintien et consolidation de la paix et plus
largement de linfluence dune approche en termes daide au développement
à la question de la reconstruction après les conflits.
Since
the beginining of the 90s, the role of United Nations development agencies has
been rising both in peace operations and in post-conflict peacebuilding activities
at large. This is particularly true of the United Nations Development Program
(UNDP), which is in charge of coordination the UN development aid on the field,
and which is nowadays systematically involved in UN peace operations.
The main focus of our presentation lies precisely in the study of the role of
UNDP in UN peace operations. It draws on two assumptions :
- Following the work of Michael Barnett and Martha Finnemore, we can assume
that the activity of UNDP in post-conflict situations is dictated by its own
" bureaucratic culture ", and that it is the product of
an expansion of its initial mandate.
- Moreover, being UNDP at the very origin of the concept of " human
security ", it mobilized this notion in order to legitimate and reinforce
its implication in post-conflict situations.
To evaluate the accuracy of these assumptions, we study the activities of UNDP
in peace operations and post-conflict situations by measuring the type and size
of the programmes implemented with the aim of " building peace ".
We follow the evolution of its involvement in planning and deployment of peace
operations, and analyze the mechanisms created to guarantee a better cooperation
and coordination with the Secretariat, and in particulat the Departement of
Peacekeeping Operations.
Besides, a study of strategic and policy documents of UNDP, and a series of
interviews conducted in New York, will enable us to evaluate the actual importance
of mobilizing the concept of " human security " as a discourse
of legimitization of UNDPs involvement after a conflict.
In doing so, we aim to bring elements of response to the global problématique
of the workshop by measuring the importance of the role of UNDP in the new paradigms
of peacekeeping and peacebuilding, and more generally, the influence of a development
aid approach on the question of post-conflict reconstruction.
TARDY Thierry
(Course Director, European Training Course in Security Policy, Centre de Politique
de Sécurité de Genève et HEI)
LONU et les organisations régionales : de la compatibilité entre multilatéralisme global et régional. Le cas de l'Union européenne
La
relation entre lONU et lUnion européenne dans le domaine
du maintien de la paix a connu de profonds changements au cours des dix dernières
années. Du côté de lONU, les contraintes imposées
par lévolution des opérations de paix ont conduit lOrganisation
à rechercher la coopération dacteurs régionaux, dont
lUnion européenne. Du côté de lUnion, le développement
de la Politique européenne de sécurité et de défense
la amené à revisiter sa relation avec lONU, en tant
quorgane de légitimation et en tant que principal maître
duvre du maintien de la paix.
Il existe
a priori une compatibilité entre les deux organisations, entre les deux
formes de multilatéralisme ; une compatibilité qui repose
sur la nature des organisations, leur conception libérale de lagenda
de paix et de sécurité, leur approche inclusive de la gestion
de crise.
Pourtant,
si les convergences ont permis une interaction inter-institutionnelle relativement
importante au sein des opérations de paix, celle-ci ne sest pas
traduite par un véritable partenariat. Les deux organisations partagent
des objectifs communs, mais leurs agenda politiques respectifs, leurs ressources
et dynamiques internes ont aussi traduit ou révélé des
divergences. Ces divergences posent la question de la compatibilité entre
le multilatéralisme global et le multilatéralisme régional.
En dautres termes, le multilatéralisme régional incarné
par lUnion européenne est-il en phase avec les normes et principes
dont lONU se prévaut ? Dans quelle mesure le concept de multilatéralisme
efficace promu par lUnion sinscrit-il dans la conception onusienne
du multilatéralisme ? Dans quelle mesure celui-ci soutient-il celle-là ?
Comment cette interaction sexprime-t-elle dans le champ des opérations
de paix ?
La communication
analysera la compatibilité entre une conception et une politique onusiennes
des opérations de paix et lapproche de lUnion européenne.
Elle présentera le cadre théorique de la relation entre les deux
organisations, ses fondements et contraintes. Elle examinera la façon
dont le rôle de lUnion européenne dans le maintien de la
paix renforce le rôle de lONU ; la façon dont lUnion
européenne, en tant quorganisation régionale, conçoit
et inscrit son action dans le cadre défini et incarné par lONU.
The United Nations and Regional Organisations. Global versus Regional Multilateralism : The Case of the European Union
The
relationship between the United Nations (UN) and the European Union (EU) in
Peace Operations has gone through major changes over the last ten years. On
the UN side, the constraints imposed by the changing and ever-demanding nature
of peace operations have led the Organization to seek increased support from
regional actors, the EU among others. On the European side, the development
of the European Security and Defence Policy (ESDP) led the EU to revisit its
relationship with the UN, both as a legitimising body and as the main peace
implementer. There is prima facie a compatibility between the two institutions,
between the two forms of multilateralism, that derives from the nature of the
organisations, their liberal conception of peace and security, and the inclusive
approach to crisis management.
Yet, if existing convergences have led to a relatively high degree of inter-institutional
interaction in peace operations, this has not been translated into a genuine
partnership. The two institutions do share some common goals, but their respective
political agendas, constituencies, resources and internal dynamics have also
impacted on the relationship and created/reflected some divergences. Such divergences
raise the issue of the compatibility between international and regional multilateralism.
In other words, is the regional multilateral agenda promoted by the EU unequivocally
in line with the norms and principles that the UN is promoting at an international
level? How does the notion of effective multilateralism fit into
the UN approach to multilateralism? To what extent does the former support the
latter? How does this play in peace operations?
The paper will analyse the compatibility between the UN conception and policy
of peace operations and the EU approach. It will look at the theoretical framework
of the relationship, its rationale and its constraints. It will explore the
extent to which the role of the EU in peace operations reinforces the UN role;
the extent to which the EU, as a regional organization, fits into the international
framework embodied by the UN.
TERCINET Josiane (Centre
dEtudes sur la Sécurité Internationale et les Coopérations
européennes (CESICE), Université Pierre Mendès-France,
Grenoble II)
Les grandes puissances et le peacekeeping
Initialement,
quand la Charte des Nations Unies a été rédigée,
il était admis que les grandes puissances entendues au sens de membres
permanents du Conseil de sécurité joueraient un rôle de
premier plan au sein du Comité détat-major ainsi que pour
la fourniture de troupes sur la base des accords conclus au titre de larticle
43 . Ces accords nont jamais été établis et cest
donc sur la base du volontariat que les troupes ont été fournies
cependant que le Comité détat-major na quune
existence formelle.
Dans le cadre
du peacekeeping (PK) établi à partir de laffaire de Suez
et de la FUNU I et jusquau début des années 1980, les membres
permanents du Conseil de sécurité sont en théorie exclus
des forces de maintien de la paix (FMP) au nom du principe dimpartialité
des forces ; en pratique, linterdit sappliquera surtout au
deux superpuissances et la Chine sintéressera peu au maintien de
la paix ; la Chine communiste, une fois représentée à
lONU, sabstiendra de voter les résolutions intéressant
le PK et ne participera pas au financement. France et URSS adopteront pendant
un certain temps une attitude de refus à légard du financement
des FMP. En dehors des membres permanents, les autres puissances (type Canada,
Pologne etc
), participent volontiers et globalement, ce sont des grandes
puissances occidentales qui fournissent le gros des troupes et des moyens, les
membres permanents étant, statutairement, les plus importants contributeurs
financiers et les décideurs, puisque rien ne peut se faire sans eux du
fait du droit de veto.
A partir
du début des années 1980, les superpuissances se détournent
des Nations Unies en matière de maintien de la paix et préfèrent
aux forces de casques bleus les forces multinationales.
En 1988,
se manifeste un " retour " aux Nations Unies et après
la fin du système des blocs, les grandes puissances, membres permanents
ou pas, participent volontiers au PK, jusquà ce que les expériences
yougoslaves et rwandaises en montrent le côté éventuellement
périlleux. Les grandes puissances se détournent à nouveau
de la participation au PK, tout en le finançant, avec parfois des retards
savamment organisés (cas des Etats-Unis).
Lété
2006 révèle une certaine évolution avec la participation
significative de la France, de lAllemagne, de lItalie à la
FINUL II, mais ce regain dintérêt pour le PK onusien est
loin dêtre dépourvu dambiguïté.
Cest
donc assez facilement limage du tango qui vient à lesprit
pour décrire la relation entre les grandes puissances et le PK. Quelle
est lâme de ce tango ? Lintérêt national
souvent, lopinion publique parfois, celle des militaires aussi, le souci
plus ou moins grand de la sécurité collective ou le penchant pour
le directoire semblent animer cette danse.
First,
when the United Nations Charter was written, it appeared that the great powers,
in the meaning of permanent members of the Security Council, would play the
major part within the Headquarters Committee(HC) so well as troop contributors
on the basis of the 43 article. The agreements of this article were not concluded
and the troops were spontaneously given ; the HC has nothing but a formal being.
In the shape of the peacekeeping (PK) established with the Suez case and the
UNEF I till the beginning of the 1980, the permanent members were theoretically
excluded from the PK forces on account of the principle of impartiality ; in
fact this "principle" touched mainly the two superpowers and the China,
which felt little concerned with PK. France and Soviet Union refused during
a certain time to pay for the PK. Outside the PM, the other powers, such as
Canada or Poland, participated to PK operations and, in practice, the western
powers brought the main part of troops and means, the PM being, statutory, the
major payers and deciders.
At the beginning of the 1980, the superpowers turned away from the UN
and preferred multinational forces to blue helmets. A "return" to
UN PK occurs in 1988 and after the blocks system, the great powers, being PM
or not, willingly participate in PK, till the disasters in Yugoslavia and Rwanda.
The great powers turn again away from PK while financing it, with some delays,
sometimes (US case).
During the 2006 summer, an evolution is shown with an important participation
of France, Germany, Italy in the UNIFIL II, but this new interest is somewhat
ambiguous.
The image of the tango comes to the brain to describe the relationship between
great powers and the PK. What is behind this tango? The national interest, often,
the public opinion, sometimes, the opinion of the military, too, the care for
collective security or for the directory, seam to animate this dance.
TOURREILLE Julien
(UQÀM, Observatoire sur les Etats-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en
études stratégiques et diplomatiques)
La consolidation de la paix : un concept à consolider pour en assurer lefficacité
Libérée
des blocages géopolitiques de la Guerre Froide, la communauté
internationale sest engagée au cours des années 1990 dans
une multitude dopérations de paix de plus en plus complexes. Depuis
lintervention dans la crise de Suez en 1956, les opérations de
paix menées par lOnu ont en effet connu une évolution radicale
tant par leur nombre que par leur ambition. De la surveillance daccords
de cessez-le-feu entre belligérants, en passant par des interventions
dimposition de la paix, elles sont progressivement devenues des entreprises
de consolidation de la paix dont les composantes sont à la fois sécuritaires,
politiques, et socio-économiques.
Posée
dans les éditions successives de lAgenda pour la Paix de 1992 et
1995, la consolidation de la paix est aujourdhui consacrée par
la communauté internationale qui a entrepris au cours des quinze dernières
années de telles missions aux quatre coins du monde : Salvador,
Nicaragua, Mozambique, Angola, Haïti, Bosnie, Afghanistan, Côte dIvoire
et Irak. Pour autant, les contours théoriques de ce concept demeurent
largement flous, alors même que les expériences pratiques et les
leçons tirées de celles-ci sont nombreuses. De plus, le bilan
des actions entreprises au nom de ce concept est pour le moins mitigé.
Or, la consolidation de la paix apparaît comme une entreprise essentielle
dans le contexte de laprès-guerre froide et surtout de laprès
11 septembre 2001 et des interventions américaines en Afghanistan et
en Irak.
Cette
communication répondra donc à deux objectifs. Dune part,
nous exposerons les obstacles conceptuels auxquels est confrontée la
consolidation de la paix. Dautre part, nous tracerons les pistes principales
permettant de consolider le concept de consolidation de la paix et ainsi de
renforcer lefficacité et la légitimité des opérations
menées en son nom.
Freed
from the ideological rivalries of the Cold War, the International Community
has waged numerous and increasingly complex peace operations during the 90s.
Since the Blue Helmets intervention in the Suez Crisis in 1956, U.N peace operations
have radically changed in their scope and ambitions. From the surveillance of
ceasefire agreements to peace-enforcement interventions, they became progressively
peace-building enterprises including security, political, sociological and economical
dimensions.
Introduced in the 1992 and 1995 U.N Secretary Generals Agendas for Peace,
peace-building operations have been implemented all around the globe during
the last 50 years: Salvador, Nicaragua, Mozambique, Angola, Haiti, Bosnia, Afghanistan,
Ivory Coast and Iraq. Despite the vast experience of such operations and the
lessons learned, the theoretical foundations of the peace-building concept remain
weak. Moreover, the results of such operations appear largely mitigated. However,
peace-building is of major importance, especially in a post-9/11 context marked
by U.S interventions in Afghanistan and Iraq.
This presentation has two objectives. First, we will expose the main conceptual
obstacles that peace-building must overcome. Second, we will present a few ways
to strengthen the notion of peace-building and to overhaul the legitimacy and
efficiency of such operations.