Atelier 32

Nouveaux courants en pensée politique : le libertarisme de gauche
Left-Libertarianism : The Revival of Normative Political Theory

Responsables scientifiques :
Speranta Dumitru (Chaire Hoover, UCL)
Speranta.dumitru@free.fr
Raul Magni Berton (IEP Bordeaux) r.magniberton@sciencespobordeaux.fr
Roberto Merrill (EHESS Paris) nrbmerrill@gmail.com

 

»» Atelier sous forme de "papiers tablés"
(
Les textes disponibles en ligne avant le congrès seront présentés par les responsables de l'atelier mais ne feront pas l’objet d’une communication orale. Les organisateurs lanceront le débat dès le début de la séance.)

Résumés /Abstracts

TARRIT Fabien (OMI-LAME, Université de Reims)

Au-delà de l'opposition entre libertarisme et égalitarisme

Notre communication vise à inscrire le libertarisme dans les débats de philosophie politique, en dégageant les critères de différenciation entre les approches, et nous envisagerons cette problématique sous l’angle de la propriété de soi et de la propriété des ressources externes.
Le libertarisme traditionnel (Nozick, Rothbard…) justifie les inégalités à partir d’une défense de la propriété de soi et de la propriété individuelle des ressources externes Les inégalités sont moralement défendables, à partir d’un état initial où les personnes sont propriétaires d’elles-mêmes et où le monde extérieur n’appartient à personne. Non seulement les individus sont maîtres d’eux-mêmes, mais ils ont aussi le droit moral de posséder les ressources qu’ils peuvent accumuler par l’exercice de leurs pouvoirs personnels.
L’approche égalitariste (Rawls, Dworkin…) est égalitaire à la fois sur les pouvoirs des personnes et sur la distribution des ressources naturelles. Les personnes de talent le sont par chance, ce qui conduit à des inégalités injustes, c’est pourquoi les produits de la nature et des pouvoirs des personnes doivent être distribués selon des principes d’égalité. Il est nécessaire d’utiliser la force pour assurer l’égalité de condition, et les individus n’auraient pas le droit exclusif de disposer d’eux-mêmes tel qu’il est présupposé par le concept de propriété de soi.
Le libertarisme de gauche (Cohen, Vallentyne…) se fonde sur une position intermédiaire avec la défense d’un principe de propriété de soi et d’une forme de régime égalitaire sur les ressources naturelles. Le principe libertarien selon lequel tout ce qui résulte d’une situation juste par des moyens justes est juste, est utilisé pour critiquer l’exploitation capitaliste. La conjonction entre la propriété de soi et une distribution inégale des ressources externes conduit à une inégalité de condition, c’est pourquoi ce courant défend un principe de propriété collective du monde conjointement au principe de propriété de soi.

Beyond the opposition between libertarianism and egalitarianism

This communication aims to discuss the place of libertarianism within the contemporary debate in political philosophy. It displays the standards for specifying different approaches. The question is discussed under the twin issues of self-ownership and of the ownership of external resources.
Traditional libertarianism (e.g. Nozick, Rothbard) vindicates inequalities from a defence of both self-ownership and a private ownership on external resources. Inequalities are morally defensible, starting from an original state in which the persons own themselves and in which the external world owns to no-one. Not only individuals master their own body, but they also have the moral right to own the resources they are able to accumulate through the exercice of their personal powers.
Egalitarianism (e.g. Rawls, Dworkin) is egalitarian both on the personal powers and on the distribution of natural resources. Talented persons are as they are because of fortunate conditions, and this leads to unjust inequalities. For that reason, what is produced from nature and from the persons’ skills should be distributed according to principles of equality. Force must be used in order to achieve the equality of condition, and individuals have no exclusive right to determinate themselves as the concept of self-ownership assumes.
Left-wing libertarianism (e.g. Cohen, Vallentyne) rests on an intermediate posture with a defence of the self-ownership principle and of some kind of egalitarian regime on natural resources. The libertarian principle according to which everything resulting from a just situation with just means is itself just, is used for a critique against capitalist exploitation. The conjunction between self-ownership and an unequal distribution of external resources leads to inequalities, therefore left-wing libertarianism defends a principle of collective ownership of the world together with the principle of self-ownership.


AUBERT Vincent (UCL Belgique)

Le libertarisme de gauche : égalitariste mais libertarien

Nous commençons par présenter le libertarisme de gauche comme une doctrine à la fois égalitariste et libertarienne. Le libertarisme de gauche n’est ni incohérent ni indéterminé et l’attachement à la propriété de soi n’empêche aucunement de défendre une vraie redistribution que l’on gagne à comprendre comme une distribution. A ce stade, il vaut la peine de se demander si une théorie de la justice libertarienne peut encore être " de droite ". Malheureusement, le libertarisme de gauche n’en demeure pas moins libertarien et nous critiquons le principe de la propriété de soi, la volonté de ne viser que le simple respect des droits de propriété et, plus généralement, l’utopie de la " société privée " partagée avec les libertariens de droite. La société politique ne doit pas être conçue comme une simple association privée et nous insistons sur les conditions de possibilité du canevas d’utopie rêvé par Nozick. Le cadre des institutions sociales doit être distingué des relations qui se développent en son sein et un laissez-faire plus subtile élaboré en lien avec les concepts de structure de base et de division morale du travail nous semble devoir remplacer le laissez-faire libertarien où les droits sont attribués une fois pour toutes.

Left-libertarianism : galaitarian but libertarian

Left-libertarianism is both a libertarian and egalitarian political and moral theory. It is neither incoherent nor indeterminate and shows that being committed to the principle of self-ownership is not an obstacle to the justification of a significant redistribution that should more properly be understood as a distribution. One could therefore ask whether a libertarian theory of justice can still be right-libertarian. Unfortunately, the appeal of left-libertarianism is undermined by its libertarianism i.e. its commitment to self-ownership, to the mere enforcement of property rights and, more generally, to the "private society" utopia. Political society is not a private association and I emphasize the conditions of possibility of the nozickian framework for utopia. The theorizing about justice should distinguish between the institutional background and the social relations developing in it and the concepts of basic structure and of moral division of labour can be used to elaborate a more subtle laissez-faire conception than the libertarian one where rights are distributed once for all.


ZAGANIARIS Jean (CURAPP/CJB Maroc)

Libertés négatives et pluralisme moral

Quelles sont les liens entre les thèses des libertariens de gauche et les propos pluralistes mais non relativistes de certains penseurs (Isaiah Berlin, John Rawls…) sur l’hétérogénéité des visions du monde et sur les apories des sociétés capitalistes ? Bien que ses centres d’intérêts soient principalement axés sur des questions économiques, des préoccupations éthiques méritent d’être mises en avant pour penser les thèses des libertariens de gauche. Si l’on part de l’idée que ces derniers veulent préserver les libertés négatives tout en prenant soin de prescrire suffisamment de redistribution égalitaire pour que les citoyens puissent exercer leurs libertés positives, est-il possible de voir dans leur doctrine ce que John Gray appelle " le pluralisme moral " ? Est-ce que la tension non résolue par Isaiah Berlin, entre d’un côté l’hétérogénéité des valeurs, et leur conflit tragique, et de l’autre, le souci de se positionner, de relier un point de vue qui est le nôtre et qui a pour but de nous éloigner du relativisme, peut être mise en perspective avec les thèmes des libertariens de gauche ? En effectuant ce rapprochement, il s’agit de voir si les propos sur le pluralisme des valeurs, l’éthique minimale ou bien la priorité du juste sur le bien peuvent nous permettre de mieux cerner les bases de la justice sociale.

Negative freedom and Moral Pluralism

What is the link between left libertarian's’s thesis and the pluralist but not relativist purposes of some authors (Isaiah Berlin, John Rawls...) about the heterogeneity of values and the limits of capitalistic society ? Even if his preoccupations are about economics questions, it seems necessary to stress on ethics questions for the thinking of left libertarians idea’s. If we accept the fact that left libertarians want to preserve negatives freedoms and at the same time to take care to prescribe an egalitarian redistribution to enable the citizens to exercise their positives freedoms, can we see what John Gray call a form of "moral pluralistic" ? The Isaiah Berlin’s non-resolved tension between the pluralism value and its tragic conflict, and on the other hand, the necessity of having an opinion which belongs to us in order to refuse the relativism and to take up one’s position, can it be joined with the left libertarian’s theme ? With this parallel, we want to see if the purpose who proclaimed the pluralism of value, minimal ethic or the priority of the fair on the good can help us to think the basis of social justice.


HYARD Alexandra (CRPRA EHESS / IEP Lille)

Les Physiocrates et les libertariens du gauche contemporains : quel lien intellectuel ?

Cette communication cherche à savoir s’il existe une filiation intellectuelle entre les Physiocrates et les libertariens de gauche actuels.
D’un côté, les libertariens de gauche contemporains ne peuvent pleinement se présenter comme leurs successeurs de penseurs qui ont envisagé le droit à la propriété foncière comme un droit exclusif. En effet, Michael Otsuka, Hillel Steiner ou encore Peter Vallentyne revendiquent le droit d’égal accès à la propriété des ressources du monde. En raison de leur égalitarisme, les représentants actuels du libertarisme de gauche refusent à quiconque le droit de s’approprier une part des ressources du monde, qui porterait préjudice au droit des autres individus.
Mais, de l’autre, certains libertariens de gauche estiment que le droit égal d’accès aux ressources peut prendre la forme d’une appropriation individuelle accompagnée de compensations versées par les propriétaires privés des ressources du monde (comme la terre) au profit des non-propriétaires. Or, ce mécanisme de compensations est, en un sens, déjà présent chez les Physiocrates, lorsque ces derniers proposent de remplacer tous les impôts antérieurs par un unique impôt direct payé en totalité par les propriétaires fonciers, seuls à bénéficier de la rente de la terre. La proposition fiscale des Physiocrates, particulièrement audacieuse pour l’époque, est d’ailleurs saluée par Henry George, dont le rôle dans le développement du libertarisme de gauche est souvent mentionné.
La comparaison de ces deux courants de pensée permettra, d’une part, de réévaluer l’idée couramment admise concernant le libertarisme des Physiocrates, son caractère non-égalitaire, et, d’autre part, de soulever l’une des questions les plus délicates qui se pose au libertarisme de gauche aujourd’hui, celle de la concrétisation de l’égal droit d’accès aux ressources naturelles, en d’autres termes celle du passage de l’égalité théorique à l’égalité réelle.

Physiocrats and contemporary Left-Libertarians: An intellectual link ?

The aim of this paper is to know if an intellectual link between Physiocrats and contemporary left-libertarians exists.
On the one hand, it is difficult for contemporary left-libertarians to appear as the followers of Physiocrats because these French authors presented the landed property right as an exclusive right. Indeed, Michael Otsuka, Hillel Steiner or Peter Vallentyne claim egalitarian rights to world-ownership.
But, in the other hand, some contemporary left-libertarians hold that agents may appropriate unappropriated natural ressources as long as thay pay for the competitive value of the rights they claim. This monetary compensation recalls the famous single tax invented by Physiocrats. Henry George, one of the " precursors " of the left-libertarianism, underlined the boldness of the Physiocratic proposition.
Therefore, comparing these two intellectual movements will give the opportunity to reevaluate first the lack egalitarianism generaly admitted about the Physiocratic libertarianism and secondly to raise one of the most difficult question for contemporary left-libertarians : how to materialize the egalitarian right to world-ownership, or how to transform theoretic equality into real equality.


BOURDEAU Vincent (EA 2274, Université de Besançon)

Peut-on s’approprier les ressources naturelles sans compromettre la liberté libertarienne des autres ? Une discussion à partir des thèses d’Henry George

Une seule position semble cohérente avec le libertarisme de gauche : la location des ressources par des individus auprès de la communauté qui en serait, prise dans son ensemble, propriétaire.
(1) Dans un premier temps, je reproduis rapidement les arguments des libertariens de gauche : une libre appropriation individuelle des ressources est possible si elle est associée à une compensation.
(2) Dans un second temps, j’indique les limites de cette conception : une telle appropriation limite la liberté libertarienne des autres au même droit d’appropriation (sauf dans le cas de ressources non limitées).
(3) J’indique alors que la solution de la propriété publique soumise à l’impératif d’un libre accès par la location est la seule disponible pour les libertariens de gauche soucieux de défendre la jouissance par tous de la liberté libertarienne dans une société.
(4) Pour illustrer cette proposition je discute le schème présenté par H. George dans Progrès et pauvreté. Je reprends dans cette discussion les débats historiographiques récents (G. Stedman Jones La Fin de la pauvreté ? Un débat historique) pour préciser les enjeux propre à la fin du 19e siècle et mesurer la pertinence des arguments pour notre propre temps.
(5) Pour terminer j’évoque deux limites qui me paraissent difficilement surmontables et qui fragilisent l’approche libertarienne de gauche :
a. Que faire des ressources périssables (leur location impliquant leur destruction) ?
b. La location ne limite-t-elle pas elle-même l’accès, dans le cas de ressources rares, et donc l’usage par d’autres des ressources, le problème se trouvant en quelque sorte reconduit ?
(6) Pour conclure, j’indique que ces limites sont réelles et difficilement contestables dans le cadre libertarien de gauche. La solution de la location, modeste, n’aurait donc pour vertu que de rouvrir l’accès aux ressources naturelles régulièrement dans le temps.

Can we appropriate world resources without hampering libertarian freedom of others? Henry George’s solution at stake

The individual renting of world resources (at the price of resource rent) seems the only coherent way to make left-libertarian principles real.
(1) I will firstly sketch the main arguments of LL: free individual appropriation of world resources is possible if, and only if, this appropriation is associated with compensation. This, left-libertarians maintain, is the only way to promote the liberty of individuals, which means, in a left-libertarian picture, the possibility to have control over one’s own properties without hampering the equal right to world resources.
(2) Secondly, I will argue that this approach presents some limits because it annihilates the libertarian liberty of those excluded (even if they get compensation) from the possibility to appropriate-and-control, on their side, natural resources (except if these resources are given in a non-limited quantity).
(3) Then, I will argue that the solution of common ownership combined with individual renting remains a way to realize the ideal of left-libertarian freedom.
(4) This way will be detailed through H. George’s theories, elaborated at the end of nineteenth century in his major work, Progress and Poverty.
(5) But even this solution remains quite fragile or modest:
a. This solution tells us nothing about perishable or non-renewable resources: do I have the right to destroy things, which are not mine?
b. Even if we neglect this major objection, renting doesn’t seem to drive us very far on the road of left-libertarian freedom: when rented, a resource is controlled by the tenant, those who are not him/her, are quite in the same position as those who were excluded from the plain property (see: 2.).
(6) In conclusion, LL gives us a very modest account of how left-libertarian freedom could be realized. The only guarantee that LL gives us is that, in the case of renting, the access to world resources will be periodically reopened.


CARÉ Sébastien (Université de Rennes)

Une critique libertarienne du libertarisme de gauche

Les critiques portées au libertarisme de gauche procèdent généralement en deux étapes. Elles pointent, dans une première, l’instabilité du compromis qu’il entend réaliser entre un principe libertarien de libre possession de soi et un principe égalitariste d’égale répartition des ressources extérieures, puis invitent, dans une seconde, à sacrifier le premier au second. Ces critiques égalitaristes ont donné lieu à de nombreuses répliques de la part des libertariens de gauche qui ont, ainsi faisant, renforcé leur doctrine. Ils semblent en revanche avoir négligé leur flanc droit en feignant d’ignorer les critiques émises par leurs concurrents libertariens. Deux types de critiques libertariennes peuvent être adressées au libertarisme de gauche. La première, qui vise son fondement même, consiste à interroger le bien-fondé de la distinction entre une propriété sur soi et une propriété sur les choses extérieures. Pour les libertariens de droite, à l’exception de Nozick, le droit qu’un individu possède sur lui-même s’étend aux choses extérieures qu’il acquiert en y mêlant sa personne. La seconde objection au libertarisme de gauche tient aux modalités de son application, et plus particulièrement à la théorie de la valeur qu’il suppose. Cette critique, d’inspiration autrichienne, a notamment été défendue par les économistes Kirzner, Rothbard et Hayek. Nous nous appuierons sur l’œuvre de ce dernier, en particulier sa théorie de la connaissance, pour souligner les difficultés épistémologiques auxquelles se heurte l’application du libertarisme de gauche. Il s’agira pour conclure de voir si ces critiques condamnent le libertarianisme — l’adhésion au principe de libre de propriété de soi — à accepter l’idée qu’il n’y a aucune limite à ce que les hommes peuvent acquérir. La tentative originale du philosophe libertarien Mack pourra dans cette perspective être discutée, qui propose d’appliquer une proviso non pas à la propriété sur les choses extérieures mais à la propriété sur soi.

A Libertarian Argument against Left-Libertarianism

Criticisms of left-libertarianism usually proceed in two steps. They first stress the instability of the compromise between the libertarian principle of self-ownership and the principle of an egalitarian ownership of natural resources. Then, they conclude that the first principle should be sacrificed to the second one. Left-libertarians have made their doctrine stronger by answering to this egalitarian condemnation. But they have generally ignored most of the criticisms received from their right-wing. Two right-libertarian criticisms can be addressed to left-libertarianism. The first one considers its foundation and consists in disapproving the distinction between self-ownership and natural resources ownership. According to right-libertarians, except Nozick, the property right of an individual under himself stretches out on the external items with which he has mixed his labour. The second libertarian objection to left-libertarianism deals with the modalities of its application and the value theory it assumes. This criticism, inspired by Austrian Economics, has been developed by Rothbard, Kirzner and Hayek. Through the work of the latter, especially his theory of knowledge, I aim to underline the epistemological difficulties of left-libertarianism’s achievement. Finally, I ask whether these criticisms lead libertarianism — i.e. the adhesion to the self-ownership principle — to the conclusion that there is no limit to what men can possess. In that perspective, the original attempt of the libertarian philosopher Mack could be discuss. It offers to apply a proviso to the self-ownership rather than to extra-personal property.


RIOS POZZI Diego (Universität Witten, Allemagne)

Le défi libertarien de l’autorité de l’Etat

Quels sont les fondements de l’autorité de l’Etat ? La philosophie politique traditionnelle a tenté  de répondre   à   cette question en utilisant la notion de légitimité. Je voudrais remettre en cause quelques aspects de cette notion. Mon argument sera fondamentalement sceptique : d' abord je voudrais discuter   quelques problèmes des justifications de la légitimité politique  fondées sur la notion de consentement, en montrant que, si l’on prend au sérieux le consentement,  la plupart des Etats modernes sont illégitimes. L’objectif de ma présentation  est d'offrir des arguments en faveur de cette conclusion

A libertarian challenge of state authority

What are the grounds for state authority? Traditional political philosophy has replied to this question through the notion of legitimacy. I would like to challenge different aspects of this notion of legitimacy. My claim will be rather sceptical: first I will discuss consent-based accounts of political legitimacy, showing that, if we take consent seriously, there is no straightforward way to make most current states legitimate. The objective of my presentation will be to provide some justification to this conclusion.


DEMUIJNCK Geert (UCL, Lille)

De l’héritage

Cet exposé montre que les libertariens de gauche sont contraints, face à la question de l’héritage, soit d’abandonner une notion substantielle de la propriété de soi, et de glisser ainsi vers un égalitarisme libéral de type rawlsien, soit vers un libertarisme de droite. Je conclurai que ce qu’un égalitariste devrait retenir du libertarisme est uniquement le principe de non coercition et que qu’il devrait être favorable à une taxation élevée de l’héritage.

On bequest

The aim of this paper is to show that, when confronted to the question of inheritance and bequest, left-libertarians are constrained either to abandon a key element of self-ownership — thus diluting their position into a liberal, Rawlsian egalitarianism — or to turn into right-wing libertarianism. The conclusion of my argument is that all that an egalitarian should adopt from left-libertarianism is the non coercion principle, while continuing to advocate higher inheritance taxes.


VITIELLO Audric (Université de Tours)

Le test de l’éducation

L’éducation, porteuse d’enjeux à la fois théoriques et pratiques, permet d’une part l’étude de la cohérence interne d’une pensée à partir de ses postulats anthropologiques, d’autre part d’apprécier son rapport à l’action publique.
Théoriquement, l’éducation pose deux questions au libertarisme de gauche : il s’agit, d’une part, de mesurer ce qui le distingue des positions du libertarisme " classique ", d’autre part d’analyser la portée de cette distinction et de savoir si on est toujours face à un libertarisme. Or le libertarisme de gauche semble être sur ce point plus proche du libéralisme jusnaturaliste de Locke affirmant que le droit naturel dicte un devoir d’éduquer, voire des logiques républicaines où les droits individuels doivent être réalisés par la médiation d’une action humaine, au besoin publique.
Pratiquement, la politique éducative pourrait exercer une fonction compensatrice des inégalités quant à l’accès à la culture — dans la mesure où celle-ci est une ressource nécessaire à l’individu. Individualisée pour tenir compte des différences de capacités à exercer les droits, et impliquant une équité définissant au cas par cas les traitements à appliquer à chacun, elle exigerait de profondes modifications de la forme scolaire dans nombre de pays.
Enfin, les positions éducatives pourraient se révéler contradictoires avec celles adoptées ailleurs. Le droit de sécession pour vivre dans une société non-libérale ne peut ainsi pas s’étendre aux enfants, porteurs d’un droit à être éduqués afin de devenir des sujets aptes à exercer leurs propres droits. Le libertarisme de gauche se trouve pris dans un double bind : soit il reconnaît la différence infantile, et alors doit limiter certains droits qu’il défend par ailleurs ; soit il la nie, affirme que la propriété de soi est originelle, et dans ce cas renie du même coup son projet de prendre en compte les spécificités pour fonder les droits en substance, donc sa spécificité en tant que libertarisme de gauche.

Left-libertarianism and education

Education is a good test to study theoretical and practical issues of a political theory. It enlightens both the anthropological foundations and the way a theory conceives public action. Education first allows a theoretical analysis of left-libertarianism on two points: does it differ from classical libertarian positions regarding education, and can we still call it libertarianism? Indeed left-libertarians seem closer to Locke’s liberalism arguing that natural rights include an educative duty, or even to a republican perspective where individual rights must be enforced by a positive action — and eventually by a public action.
Far from classical libertarian spontaneism, left-libertarians should legitimate public policies concerning education. Practically, these policies should try to compensate original inequalities regarding the acces to cultural goods — if these goods are interpreted as essential ressources for individual rights. Based on the recognition of individual differences of capacity, they should be differenciated, defined less by equality than by equity — what may induce reforms of present scholar organisations.
But education can also lead to contradictions or reveal the limits of other positions. It particularly weakens the individual right to secession in order to live in non-liberal communities. If children are recognized as unable to do right choices and therefore given a right to be educated, they cannot have the right to secession and must be educated in a liberal perspective — that is the only one that tries to make them able to choose. Left-libertarianism then faces a paradoxal situation: or it recognizes childhood as specific, and must limit other rights it defends, either it denies infantile difference, argues that self-property is original, renunces to its original project to recognize inequalities to found substantial rights, and abandons its specificity as left-libertarianism.


DUMITRU Speranta (UCL, Belgique)

L’émigration choisie

Le slogan " immigration choisie " présuppose qu’un Etat a le droit de choisir les étrangers qui entrent sur son territoire. Du point de vue libertarien, les décisions d’un Etat n’ont pas de légitimité au-delà de celles des individus. Cet exposé a trois objectifs. Le premier est de montrer que la liberté de circulation est une liberté fondamentale : elle est en effet une condition nécessaire pour l’exercice de toutes les autres libertés. Le deuxième objectif est de montrer que la redistribution des ressources à l’échelle globale doit avoir pour but l’égalité de la liberté réelle de chacun de choisir de migrer ou de rester sur place et non le co-développement. Le troisième objectif est d’analyser certaines dispositions de la loi française en matière d’immigration — telles le délit de solidarité ou le mariage et l’adoption d’enfants " frauduleux " - qui sont particulièrement condamnables du point de vue libertarien.

Chosen emigration

The slogan of a " chosen immigration " entails that a State has a right to choose which persons are to be admitted on the territory and which not. From a libertarian perspective, States’ decisions are not legitimate beyond those of individuals. The aim of this paper is threefold. The first aim is to show that freedom of movement is indeed a fundamental right, understood as a necessary condition for the exercise of all other liberties. The second one is to point out that global redistribution of resources should aim rather to the equality of real freedom for all to choose to migrate or to stay, and not to the economic development of nations. The third aim of this paper is to analyze some French immigration policies — those criminalizing the help to undocumented people or marriage and children adoption — that are particularly unjust from a libertarian point of view.