Atelier 5
Les
anciens combattants dans les transitions de la guerre à la paix
Former
combatants in transitions from war to peace
Responsables
scientifiques :
Nathalie
Duclos (Université de Tours) nduclos@club-internet.fr
David Garibay (Université Lyon 2) david.garibay@univ-lyon2.fr
Résumés /Abstracts
DAVIAUD Sophie
(EHESS Paris)
Les dispositifs mis en place dans le cadre du processus de démobilisation des groupes paramilitaires en Colombie : Une tentative dapplication des programmes de DDR et des principes de la justice transitionnelle dans un contexte de " transition partielle
Le
cas Colombien permet de sintéresser à la question de la
démobilisation et du devenir des anciens combattants dans un contexte
particulier. En effet, le processus de démobilisation des groupes paramilitaires
a donné lieu au désarmement de 31 600 hommes mais les deux
principales guérillas restent en activité. Or, alors quelle
ne se situe pas dans une phase de transition démocratique ni dans un
contexte de transition de la guerre à la paix, la Colombie a eu recours
aux programmes de DDR et à tous les instruments de la justice transitionnelle.
Nous chercherons à nous interroger sur les conséquences de ces
mesures sur les anciens paramilitaires et, de manière plus générale
sur la diminution de la violence.
Nous analyserons
tout dabord les difficultés des programmes de DDR en montrant quen
dehors des problèmes classiques, le défi majeur est la persistance
du conflit armé et du phénomène du narcotrafic. Ainsi,
les actions militaires des FARC placent les paramilitaires qui se sont démobilisés
dans une situation dinsécurité. Dautre part, on assiste
à lapparition de nouveaux groupes armés formés
par danciens paramilitaires en lien avec des groupes liés au narcotrafic.
Outre les
programmes de DDR, le gouvernement a adopté le modèle de la justice
transitionnelle en matière de justice, vérité et réparation
aux victimes. La loi de "justice et paix " fixe le cadre juridique
du processus de démobilisation des paramilitaires ayant commis des crimes
contre lhumanité et instaure une " Commission Nationale
de Réparation et Réconciliation " (CNRR). Nous verrons
en quoi la CNRR colombienne est une commission " sui generis "
censée répondre aux défis posés par le contexte
colombien. Les objectifs de la CNRR sont conçus sur le " modèle
en accordéon " pour pouvoir travailler en fonction de lévolution
du conflit armé interne. Le défi majeur de la CNRR semble cependant
être la persistance de la situation de conflit et dinsécurité.
Alors que la justice est entrée en application depuis plusieurs mois,
nous tenterons de mesurer son impact ainsi que celui de la CNRR sur les ex-paramilitaires
et, plus généralement sur la dynamique globale du conflit. Nous
nous demanderons finalement comment lexistence de la CNRR et les demandes
quelle fait émerger dans la société en matière
de justice, de vérité et de réparation influent sur le
processus de négociation avec les guérillas.
The
colombian case allows us to focus on the demobilization question as well as
on the becoming of the veterans in a particular context. In fact, the demobilization
process of the paramilitary groups led to the disarment of 31600 men but the
two main guerillas are still active. Despite Colombia doesnt stand either
in a democratic transition phase nor in a transition from war to peace context,
the country has appealed to the DDR programs and to all the instruments of traditional
justice. We will try to discuss and review the consequences of those measures
over former paramilitaries and in a more general way any impact on the diminution
of the violence.
We will first study the difficulties of the DDR programs showing that in addition
to the classical problems, the major challenge remains the persistence of the
armed conflict and of the narcotrafic environment. Thus, the military actions
of the FARC have placed the demobilized paramilitaries in an insecured position.
On the other hand, we observe the emergence of new armed groups composed of
former paramilitaries related to some groups connected to the narcotrafic.
Besides the DDR programs, the government has adopted the model of traditional
justice in terms of justice, truth and reparation for the victims. The " justice
and peace " Act states the legal frame for the demobilization process
of the paramilitaries involved in crimes against humanity and creates a " National
Commission of Reparation and Reconciliation " (NCRR). We will show
how the colombian NCRR is a " sui generis " commission supposed
to handle the challenges tied to the colombian context. The NCRR goals are elaborated
in order to work closely with the evolution of the internal armed conflict.
The major issue that the NCRR has to face is the never ending armed conflict
and its related insecurity. As the Act has entered into force few months ago,
we will try to evaluate its impact and the influence of the NCR work over former
paramilitaries. Moreover, we will give our overview of the global dynamics of
such conflict. Lastly, the existence of the NCRR and its works related to justice,
truth and remedy will be evaluated regarding its influence over the negociation
process with the guerillas.
DEBOS Marielle
(IEP Paris-CERI)
De la rébellion à larmée : les continuités du métier des armes au Tchad
Au
Tchad, les trajectoires des hommes en armes sont souvent tumultueuses : le parcours
"désertion-rébellion-réintégration" est très
commun. Dans ce pays où les mouvements armés prolifèrent,
les ex-rebelles sont réintégrés systématiquement
dans les forces régulières. Au-delà des questions sécuritaires,
les forces armées tchadiennes constituent un terrain détude
inédit des modes de transformation des habitus guerriers après
le passage officiel du statut de combattant à celui de militaire. Les
ex-combattants conçoivent-ils leur réintégration comme
une rupture radicale ou au contraire comme un simple épisode dans une
vie marquée par lusage des armes et de la violence ? En quoi les
pratiques et les imaginaires sociaux des anciens combattants devenus militaires,
policiers ou douaniers restent-ils marquées par lexpérience
de la guerre ?
Quils
se soient engagés volontairement ou quils aient été
victimes de recrutements forcés, leurs discours révèlent
que peu de choses différencient leur vie dans les armées régulières
et irrégulières : ils y exercent le même métier
des armes. En outre, les ralliements sont conçus comme des arrangements
susceptibles dêtre modifiés si les circonstances sont propices
à une nouvelle insurrection. Pour comprendre cette loyauté très
calculée, il faut penser la guerre et la paix sur un continuum : le Tchad
est "ni en guerre ni en paix", une situation qui incite les ex-combattants à
toujours reconsidérer et réévaluer leur position vis-à-vis
du pouvoir.Les
forces coercitives sont alors le lieu dune lutte très inégale
entre les militaires de carrière qui ne sont pas passés par la
rébellion (mais par l'école) et les anciens combattants réintégrés.
Dans un contexte de forte politisation de l'ethnicité, certains ex-rebelles
proches du pouvoir vivent de formidables ascensions sociales et deviennent les
chefs des militaires de carrière.
From Rebellion to Army: Continuities of soldiering in Chad
In
Chad the trajectories of men in arms are often tumultuous: the "desertion-rebellion-reintegration"
cycle is very common. In this country, armed movements are frequent and ex-rebels
are systematically reintegrated into regular forces. Beyond an analysis in terms
of security threats, Chadian armed forces are a novel field of study to analyse
the social transformations of habitus of war, after combatants officially become
regular soldiers. Do ex-combatants consider their reintegration into regular
forces as a radical shift or, on the contrary, as only a new episode in a life
characterised by violence? To what extent do ex-combatants' practices and social
imaginaries remain marked by the experience of war when they become regular
soldiers, policemen or customs officials?
Whether they are victims of forced recruitments or not, their accounts reveal
that life in regular and irregular forces is very much alike: in both cases
they live the lives of men in arms. Moreover, peace deals are conceived as temporary
bargains and combatants who return to the government fold may take up arms again
when time is opportune for a new insurgency. To understand this self-interested
loyalty, war and peace should be thought in terms of a continuum: Chad is in
a "no war no peace" situation, which leads ex-combatants to reconsider and reevaluate
their allegiance to power-holders.
Within the coercive forces, a very unequal struggle unfolds between professional
soldiers, whose careers are based not on past rebellions but on military schooling
and reintegrated ex-rebels. In a context of strong politicisation of ethnicity,
some ex-rebels close to power-holders enjoy rapid upward social mobility and
end up leading professional soldiers.
DEGREMONT Nadège
(EHESS Paris)
Guerres civiles et élections au Libéria (1989-2005) : Les stratégies dimposition et les tactiques de détournement des normes démocratiques par les anciens combattants libériens
A
partir dune étude sur le phénomène de démocratisation
au Libéria on peut expliquer lévolution des imaginaires
politiques des anciens combattants libériens qui ont expérimenté
par deux fois la tenue délections de sortie de guerre civile. En
1997, Charles Taylor, ancien chef de guerre était élu à
plus de 60 % alors quen 2005, Ellen Sirleaf Johnson, femme politique issue
de lancienne élite politique libérienne devient la première
femme présidente du Libéria. La comparaison des deux campagnes
électorales de 1997 et de 2005 permet de comprendre de quelle manière
les combattants " den haut ", les anciens chefs de
guerre, et ceux " den bas ", les soldats " ordinaires ",
ont investi le champ politique et se sont appropriés les nouvelles normes
démocratiques ? Comment ces derniers, subordonnés au pouvoir,
les " en bas den bas ", tirent eux-même profit
de la démocratisation imposée par le processus de paix ?
Comment comprendre la disparition dune partie des anciens chefs de guerre
dans la campagne électorale de 2005 ? De quelle manière limage
du guerrier a été dévalorisée au profit de nouvelles
figures du politique ?
Le décalage
et les transformations des imaginaires politiques étudiées révèleraient
finalement comment le processus électoral sinstitue progressivement.
Dun côté les anciennes élites combattantes mettent
en oeuvre des stratégies de légitimation du nouveau pouvoir démocratique.
De lautre, les combattants " ordinaires " sapproprient
les nouvelles normes à leur façon. Cest " lart
de faire " qui sillustre dans la comparaison des deux perceptions
du politique. Peu à peu ils saffirment en tant que citoyens à
travers le processus dindividualisation et sapproprient le processus
de transition démocratique imposé par le " haut "
sans remettre en question des formes de mobilisations clientélistes et
communautaires.
Democratization and Political Imagination in Liberia, Between Former-Soldiers, Implication Strategies and Subversion Tactics from 1997 to 2005
Studying
the democratization process in Liberia can be a way to understand the collective
political imagination of former Liberian soldiers who have experienced post-conflict
elections twice. In 1997, Charles Taylor, a former warlord was elected with
a 60 % majority whereas in 2005, Ellen Sirleaf Johnson, a politician from the
classic political elite became the first woman elected president in Liberia.
A comparison of the both elections demonstrates the way the soldiers " from
above ", the former warlords, and " from below ",
the ordinary soldiers, have invested the political field and appropriated new
democratic norms. How can we understand the disappearance of a part of the former
warlords during the electoral campaign in 2005 ? How has the figure of
the warrior been depreciated in favor of new political figures ? What use
can those people, who has been dominated, make of the imposed democratization ?
As a consequence the difference in view-points and the transformations of collective
political imagination reveal how electoral process has been progressively institutionalized
itself. On the one hand, the former elitist warriors have been using strategies
to legitimize a new democratic regime. On the other hand, the former ordinary
soldiers have been integrating new norms in their own-way. The comparison of
the different perceptions of politics illustrates finally what Michel de Certeau
calls lart de faire. Besides, it shows that former warriors assert themselves
as citizens through the individualisation process. They use and integrate the
democratic transition imposed from " above " without calling
into question the practice of clientelism and communitarism.
MAINDO Alphonse
(UCAC / UNIKIS, CEMAF/Paris1)
La transformation du Mouvement de Libération du Congo et des groupes armés maï maï en partis politiques : de la lutte armée à la bataille électorale en RD Congo
Cette
communication revient sur le parcours de Jean-Pierre Bemba Gombo, ce businessman
devenu chef de guerre avant de se transformer en entrepreneur politique. Cet
ex chef rebelle sest approprié le processus électoral au
point dinquiéter le grand favori de lélection présidentielle et
de faire de son mouvement la deuxième force politique du pays. A travers
litinéraire singulier de cet homme et son groupe armé, il
sagit de comprendre la conversion des mouvements armés en organisations
politiques dans le cadre de la normalisation de la vie politique en RDC. Les
affrontements armés daoût et de novembre 2006 à Kinshasa
rappellent bien que, outre le désarmement, lenjeu de la transition
politique est aussi celui dune "démobilisation culturelle"
et de la " civilianisation " des anciens belligérants. Lesdits
affrontements ne signifient-ils pas également une " brutalisation
des sociétés " selon lexpression de lhistorien
G. L. Mosse ? La guerre et la violence semblent avoir modifié les
imaginaires politiques.
La poursuite
des hostilités en Ituri avec la re-mobilisation armée des anciens
combattants et la reprise des affrontements au Nord-Kivu et au Sud-Kivu soulignent
la difficulté de la transformation des chefs de guerre en leaders politiques,
des ennemis en adversaires politiques, des groupes armés en partis politiques.
La re-mobilisation des anciens combattants est surtout lexpression dun
sentiment de marginalisation sur la scène politique nationale. Aux Kivu,
on assiste également à ce sentiment de marginalisation mêlé
de désenchantement. Nombre de combattants maï maï sont des
jeunes ruraux, souvent analphabètes, ayant sacrifié une bonne
partie de leur vie dans la lutte. La transformation de leurs groupes en partis
politiques est surtout laffaire des élites urbaines instruites
qui en assurent désormais la direction.
Le " reversement
" des anciens combattants dans la vie sociale et politique, notamment à
partir dune (ré)intégration dans de nouvelles institutions
étatiques montre ses limites en termes de refondation sociale et politique.
PERROT Sandrine
(CÉRIUM, Montréal / CEAN, Bordeaux)
Les associations danciens combattants de la Lords Resistance Army (LRA) au Nord de lOuganda : outil de réintégration ou de contrôle de lÉtat ?
Les
associations danciens combattants de la Lords Resistance Army (LRA)
au Nord de lOuganda se sont multipliés depuis 2003 à linitiative
des vétérans eux-mêmes mais aussi sous limpulsion
du gouvernement. Cette présentation montre que ces associations constituent
moins un outil de retour à la vie civile et de réintégration
quun instrument de contrôle et de clientélisme politique.
La réintégration
des enfants-soldats de la LRA a été gérée jusquà
présent par les ONGs locales et internationales. Mais le retour danciens
senior commanders à partir de 2003 soulevaient de nouveaux enjeux. Le
gouvernement et larmée ont facilité le retour à la
vie civile dun nombre restreint dentre eux dont ils assurent depuis
la sécurité physique et matérielle (ainsi que limmunité
devant la Cour Pénale Internationale). Lérection de figures
officielles de la réussite en matière de réintégration
permet docculter les échecs de réintégration dautres
combattants et de monopoliser la parole des vétérans (via les
témoignages diffusés sur les ondes de Mega FM notamment). Finançant
ces modèles imposés, les associations danciens combattants
sont utilisées par le gouvernement à la fois comme vecteur de
mobilisation (comme lors des campagnes référendaire de 2005 et
présidentielle de 2006) et dexclusion politique.
Jargumente
ici, quà travers les associations danciens combattants, le
gouvernement cherche non seulement à imposer une transition sécuritaire
partielle au Nord, mais tente également de conquérir politiquement
ce bastion de lopposition politique. Cette stratégie politique,
cependant, est construite sur une lecture erronée du conflit et de la
scène politique acholi qui fait lamalgame entre les populations
du Nord et la LRA. Elle néglige en outre le processus de civilianisation
des anciens combattants et donc la normalisation de la vie politique, en dautres
termes la démilitarisation des relations politiques entre le Nord et
le gouvernement central ougandais.
The Lord's Resistance Army former combatants' associations in Northern Uganda: a tool for their return to civilian life or an instrument of political control ?
Many
ex-LRA combatants associations in Northern Uganda have been created since 2003
under the veterans initiative or at the instigation of the Ugandan government.
This paper argues that these associations are used as a tool to ease their return
to civilian life, but also as an instrument of political control and clientelism.
So far, the reintegration of LRA ex-child soldiers has been managed by local
and international NGOs. But the return of former senior commanders since 2003
has raised new concerns. The government and the Ugandan military facilitated
the return to civilian life of a few of them and now ensure their physical and
material security (as well as their immunity before the International Criminal
Court). The public use of these official success stories of reintegration overshadows
the failed reintegration of other combatants. Moreover, it monopolizes the veterans
voices (especially through former combatants testimonies on the Mega FM
radio station). By funding these imposed models, the veterans associations are
used by the government as a means of mobilization (such as during the 2005 referendum
and the 2006 presidential campaigns) as well as of political exclusion.
I argue that through the veterans associations, the government, on the one hand,
aims at imposing a partial security transition in Northern Uganda. But on the
other hand, the government intends to capture this opposition stronghold. This
political strategy however is built on a misunderstanding of the conflict and
the Acholi political scene in that it fails to distinguish the armed group from
the local population. But it also disregards the civilianization of ex-combatants
and the political normalization i.e. the demilitarization of the political relationship
between the Northern periphery and the central Ugandan government.
RICHARD Béatrice
(Département des Études permanentes du Collège militaire
royal du Canada, Chaire Hector Fabre dhistoire du Québec / Université
du Québec à Montréal)
Le vétéran (canadien) de 39-45 est-il soluble dans le rêve américain ?
Comment seffectue le retour du guerrier au sein dune société civile pacifique et prospère? La question se pose notamment au Canada. Éloignés des grands théâtres dopération du XXe siècle, ses habitants se considèrent comme " un peuple non militaire " même si conflit mondial a vu presque dix pour cent dentre eux sous luniforme. En fait, les Canadiens ont vécu ces événements sur un mode schizophrénique: les uns sur la ligne de feu, plongés dans la tourmente, les autres sur un front domestique protégé des affres du combat. Dans ce contexte singulier, le choc des " cultures " entre vétérans et civils savère inévitable. Quelles sont les manifestations de cette crise du retour? Comment les vétérans lont-ils vécue? Quelles stratégies ont-ils adoptées pour tenter de la résoudre? Et avec quel bonheur? Telles sont les principales interrogations qui ont orienté notre enquête auprès dune trentaine de vétérans canadiens-français de la Deuxième Guerre mondiale. Les entrevues nous apprennent quen signant sa démobilisation le soldat est convié à dissoudre instantanément son " habitus guerrier " dans les promesses du rêve américain. LÉtat providence émergent lui assigne une vie paisible et rangée mais ce processus, essentiellement instrumental, évacue les dimensions symboliques de la " civilianisation ". Au mieux, la collectivité commémore le sacrifice suprême de ses héros, mais ne se préoccupe guère des survivants, présumant quils sont re(de)venus " comme avant ". Aussi ne propose-t-elle pas de rituels " ré-agrégateurs " qui déchargeraient solennellement le combattant de lhubris dont la nation en guerre lavait investi. Lancien combattant se débrouille donc seul pour refouler son " côté obscur " et faire le deuil de sa " famille " darmes. Certains y parviennent mieux que dautres. Mais revient-on jamais de guerre?
From the Test of War to the American Dream: a Veterans Challenge?
What is it like for the warrior to return to a peaceable and thriving civilian society? This question is particularly relevant in Canada. Far away from the main operational theatres of both world wars, Canadians view themselves as a "nonmilitary people" although almost ten percent of them wore a uniform in these armed conflicts. Not surprisingly, Canadians experienced these events in a schizophrenic way: the ones on the frontline, caught in the turmoil, the others on a relatively secure home front. In this context, the cultural clash between veterans and civilians turned out to be inevitable. What are the outward signs of this crisis of the returning warriors? How did the veterans go through this crisis? What strategies did they apply to try and solve it? What results did they get? These are the main questions that guided our interviews with about thirty Second World War French Canadian veterans. We learned from these men that after signing their discharges, the soldiers were invited to instantly dissolve his "warrior habitus" in the promise of the American Dream. The emergent welfare state assigned the veteran a peaceful and well-ordered life but this essentially instrumental process left aside the symbolic dimensions of the "civilianization". At best, the community commemorated its heroes ultimate sacrifice but ignored the survivors because it was taken for granted that they were back to "normal". So the community did not offer any "re-aggregating" rituals that could have solemnly relieved the veteran of the hybris the nation at war had entrusted to him. Therefore, the veteran had to find his own way of repressing his "dark side" and of coming to terms with the loss of his brothers at arms. Some managed to do so. But does one ever come back from war?
TANNER Samuel
(Université de Montréal, École de criminologie)
Institutionnalisation de réseaux dexécuteurs et précarisation démocratique : analyse sémiologique et interactionniste de la trajectoire de miliciens serbes durant et après les guerres dex-Yougoslavie
Parmi
la nébuleuse de gens armés impliqués dans les violences
de masse qui se sont déroulées en ex-Yougoslavie au cours des
années 90, figure un grand nombre de " volontaires "
qui ont collaboré sans contraintes externes. Basé sur des entrevues
réalisées au cours de lannée 2006 auprès de
quatre anciens exécutants serbes ayant activement participé aux
crimes de masse en Croatie et Bosnie-Herzégovine, ainsi quà
partir de documents issus du Tribunal Pénal International pour lex-Yougoslavie,
nous analyserons la trajectoire de miliciens serbes à travers leur expérience
de la guerre.
Premièrement,
nous dégagerons quelques dimensions analytiques quant à leur " univers
symbolique ", ou ensemble de convictions partagées à
partir desquelles ces miliciens puisent leurs significations dans linterprétation
quils se font de leur environnement. Nous nous intéresserons plus
spécifiquement à leur discours et à la rhétorique
de " mythification " quils emploient dès lors
quils abordent leur expérience dans la violence de masse et qui,
bien davantage quen criminels de guerre, les présentent comme " guerriers
célestes ". Ce discours dune " guerre mythique "
jure avec les traumas observés durant lenquête de terrain
et laissés par lexpérience dun " carnage
vécu ".
Deuxièmement,
nous verrons que lascension de certains dentre eux dans un parti
politique, dont lun des individus rencontrés, ainsi que linstitutionnalisation
de " réseaux de confiance " entre ces anciens miliciens,
entraînent deux impacts. Dune part, ils facilitent la diffusion
systématique en Serbie dun discours mythico-religieux qui tend
à exonérer les exécuteurs de la violence de masse de leur
responsabilité. Mais aussi, ces réseaux, de mêmes que les
activités criminelles clandestines quils sous-tendent, constituent
une menace directe pour le processus de justice post crimes de masse et le travail
de mémoire collective dans un contexte serbe de démocratie sociale
encore fragile.
Institutionalization of Perpetrators Networks and Democratic Fragilization. An Analysis of Serbian former Militiamen During and After the War in Yugoslavia
Among
the mass crimes perpetrators that acted in former Yugoslavia during the nineties,
one notices the participation of many "volunteers". They got involved
without any external constraint. Based on both interviews conducted in 2006
with four former Serbian perpetrators who acted in Croatia and Bosnia-Herzegovina,
and documents from the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia,
I will analyze militiamen trajectories through their experiences in war.
First, I will present a brief outline of their symbolic universe. Such a universe
might be defined as the set of shared and common convictions, or frame of meanings,
that guides the interpretation these militiamen have from their environment.
More specifically, I will address the "mythifying" rhetoric these
perpetrators adopt when referring to their experience in the war. That rhetoric
tends to present them as heavenly warriors rather than war criminals. Yet, such
a discourse reveals a discrepancy between an imagined, or mythic, war on the
one hand, and, on the other hand, the patent traumas caused by the "experienced
bloodshed" they went through, as disclosed during the field inquiry.
Second, I will show that both the political upward mobility, like one of the
perpetrators encountered experienced, as well as "trust networks"
that institutionalize between these militiamen hold two major impacts. First,
they facilitate the diffusion in Serbia of a mythic-religious discourse that
exonerates perpetrators from their criminal responsibilities in the mass crimes.
Second, such networks and the criminal activities they underlie directly threaten
the post mass crimes judicial process, and the collective memory building it
encompasses, that are now taking place in a still weak democratic social context
in Serbia.