Atelier 11

Comment les citoyens pensent-ils le politique ? Récents développements théoriques et empiriques.

Responsables scientifiques :
Pierre LEFÉBURE (CEVIPOF) pierre.lefebure@sciences-po.fr
Yves SCHEMEIL (IEP de Grenoble / PACTE) schemeil@cidsp.upmf-grenoble.fr

 

Ces dernières années, la sociologie politique francophone a sensiblement développé ses travaux sur le raisonnement politique des citoyens, rejoignant en cela une tendance plus fortement et plus anciennement ancrée aux États-unis.

Pour cet atelier, il s’agira notamment de favoriser l’interdisciplinarité en permettant à la science politique de développer un dialogue fructueux avec la sociologie, la psychologie et la psychologie sociale. Par ailleurs, l’atelier doit permettre des interrogations méthodologiques et épistémologiques qui renouvellent et enrichissent le rapport entre question de recherche et mode de recueil des données. Enfin, le constat de l’inévitable variété des approches s’imposant, il convient désormais de les confronter afin d’évaluer les intérêts et les limites de chacune. La tendance la plus développée jusqu’à maintenant et la plus attentive aux efforts cognitifs que les acteurs peuvent produire mobilise notamment les concepts de " sophistication " et de " compétence " au cœur de la formation des préférences. Elle procède surtout par la construction d’indicateurs quantitatifs destinés à tester plusieurs variables. D’autres recherches, plus proches de la sociologie compréhensive et qualitative, ont pour objectif d’appréhender de manière plus large le rapport " routinier " ou " ordinaire " au politique en interrogeant la formation et l’usage des catégories très diverses d’intelligibilité du monde politique que les acteurs mettent en œuvre. Elles permettent ainsi d’élargir la définition habituellement donnée du rapport des individus au politique. Un important travail mérite donc d’être mené pour organiser la complémentarité des approches et tracer les perspectives des recherches à venir.

L’atelier a précisément pour objectif de contribuer à la clarification des apports des différentes démarches. A cette fin, il invite les participants à organiser leur contribution autour de leur stratégie de recherche et à rendre compte des modes de raisonnement utilisés par les individus en tant qu’acteurs sociaux. Il s’agit de montrer comment des citoyens développent leur intelligibilité du politique à partir de facteurs tels que leur socialisation, leur insertion dans des réseaux sociaux ou leur exposition aux discours des médias. Les animateurs de cet atelier pensent que les résultats déjà acquis, bien que provisoires, sont suffisamment documentés et questionnés pour que l’on puisse aujourd’hui travailler de manière plus contextualisée ou plus sociologisée sur des questions abordées jusqu’ici sous l’angle individualiste. On enrichira ainsi les modèles d’analyse classiques de la sociologie politique, y compris sur ses objets les plus traditionnels tels que la participation électorale ou l’engagement partisan. Il s’agit notamment d’identifier dans quel(s) contexte(s) les acteurs usent plus ou moins de telle ou telle disposition, ou de savoir si des facteurs contextuels permettent de compenser les effets standard du stock de connaissances politiques. Il serait ainsi possible de faire un état des lieux des processus par lesquels les dynamiques de mobilisation ou d’implication politique combinent les dimensions affective, cognitive et évaluative du rapport de l’individu à son environnement. A ce titre, le rôle des émotions et celui de l’insertion dans des appartenances collectives sont deux perspectives qu’il serait utile d’explorer pour mieux connaître le processus de construction des raisonnements politiques.

Un objectif important de l’atelier est de soumettre à la discussion des résultats empiriques, y compris provisoires ou intermédiaires pour des travaux en cours, de manière à documenter ce que sont les raisonnements des citoyens. La discussion d’une recherche étrangère peu connue mais stimulante et ayant donné lieu à publication pourra également être proposée. Un des points sur lesquels l’atelier devrait ensuite particulièrement bénéficier de la discussion entre ses différents contributeurs concerne les aspects méthodologiques (dispositifs projectifs, simulations de situation, formulation et variation des questions dans les enquêtes par sondage, dynamique discursive des entretiens collectifs, utilité de l’observation et des approches ethnographiques, etc.). L’idée n’est pas ici de détailler l’ensemble de chaque protocole de recherche mais de restituer un aspect de la production du raisonnement que le dispositif d’enquête a permis de mettre à jour et qui mérite d’être discuté. Afin de résumer ces acquis communs, les animateurs de l’atelier proposeront une synthèse sur la façon dont la notion de raisonnement politique aura pu être transversalement éclairée par le partage de ces expériences de recherche.

L’atelier se déroulera en quatre temps : 1) brève introduction et rappel des objectifs par les animateurs, 2) présentation des contributeurs (10 minutes chacun), 3) discussion générale et débat sur les contributions, 4) synthèse par les animateurs.

 

How citizens think about politics. Renewed theoretical and empirical perspectives.

These past years, an increasing number of French publications and conferences have covered political psychology and the analysis of citizens’ reasoning about politics. This workshop takes this path one step further insofar as it offers the opportunity for considering methodological as well as epistemological issues regarding research design and data gathering. There are indeed various approaches which have helped to work out a wide spectrum of results and we should therefore now look carefully at cross-fertilizing them. The most frequent approach focuses on citizens’ abilities, "sophistication" and level of knowledge about institutional politics and policies, using quantitative data to test indicators and attitudinal scales as experimental psychology also does. Some alternative approaches more or less closely related to interpretive sociology and ethnography implement qualitative fieldwork in order to investigate which categories citizens rely on to make the social world understandable. Doing so, they suggest to extend the definition of politics far beyond its institutional and professional sphere to encompass everyday life and common sense.

In order to assess how these different approaches could combine, paper givers are expected to introduce and discuss their research design and strategy. It is not needed to specify it extensively but rather to point out which feature of citizens’ reasoning is specifically highlighted by the research design. In that respect, they should particularly expand on how it helps explaining to what extent citizens’ understanding of politics is connected with their social background, i.e. taking into account their socialization, social networks, media exposure and any other factor related to social life. The affective dimension of politics as well as the dynamics of mobilization, involvement and processes of identification could also be relevant topics regarding the social sources of political reasoning.

Another major aim of this workshop is that paper givers provide us with empirical results, even provisional or exploratory ones.

The workshop includes 1) a short introduction by the organizers, 2) the presentations by the paper givers (10 min. each), 3) a general debate, 4) a final discussion by the organizers.