Atelier 17

" Porter les Évangiles au monde " : les logiques religieuses d’engagements politiques des catholiques au XXème siècle.

Responsables scientifiques :
Magali Della Sudda (doctorante en histoire ETT-CMH, EHESS / Université La Sapienza de Rome, ATER à Lille II) magali_ds@hotmail.com
Yann Raison du Cleuziou (doctorant en science politique CRPS / Paris I, ATER à Paris I) raison_du_cleuziou@yahoo.fr

 

Il s’agira de montrer, en alliant une démarche socio-historique et les outils de la science politique pour étudier les pratiques d’engagements dans " le siècle " des catholiques, comment se croisent et interagissent les logiques d’investissements religieux et politiques.

Les approches des relations qui peuvent exister entre activités religieuses et politiques restent souvent tributaires d’un paradigme initial qui confond religion et société dans les civilisations anciennes puis les oppose au terme d’un processus de " désenchantement " dans le monde " moderne ". Le champ religieux et le champ politique sont alors pensés de manière très autonomes, l’accent mis sur leur antagonisme et leur concurrence pour prescrire les règles sociales. Illustrée par l’affrontement entre l’Église catholique et la République, ce " paradigme de la perte " ou de la " sécularisation " réifie sous la forme d’un sens commun savant une distinction produite en grande partie par l’institution religieuse et les courants anticléricaux. Pourtant si on décentre le regard de l’institution vers les pratiques d’engagement des religieux, des prêtres ou des laïcs, on observe que les catholiques n’ont jamais cessé d’être dans " le monde " où ils sont confrontés à la question politique, ce qui n’est pas sans incidences en retour sur l’institution catholique comme sur la vie politique.

Que ce soit sous le pontificat de Léon XIII ou de Pie X, les fidèles sont invités à seconder activement le clergé dans sa mission apostolique. Dans ce contexte, l’Action catholique féminine assume pleinement la mission " d’apôtres du XXème siècle " confié par Léon XIII, remettant en question de manière très concrète la séparation des sphères privée/religieuse et public/politique. Au sein des mouvements d’Action catholique, à travers la création de partis catholiques, de nouvelles manières d’être chrétiens dans le monde sont inventés et contribuent à faire émerger la figure du catholique militant. Les innovations militantes des laïcs investis d’une mission religieuse remet en question les normes constitutives des rôles hiérarchiques ou de genre produit jusqu’alors au sein de la configuration catholique.

De la même manière entre l’après-guerre et la fin des années soixante-dix, le renouvellement de la problématique des missions conduit à une transgression des normes sacerdotales afin de rendre possible l’évangélisation du milieu ouvrier. Les prêtres-ouvriers iront jusqu’à s’engager dans des syndicats pour naturaliser leur engagement par une prise de solidarité avec les ouvriers. Ils seront interdits en 1954.

Dans les années soixante, on observe un ensemble de crises dans les mouvements catholiques, qui s’articulent toujours autour de la question de l’engagement politique, plus spécifiquement exprimé par la contestation de la distinction entre l’ordre temporel et l’ordre spirituel. Cette contestation au sein de l’institution ecclésiale est le plus souvent corollaire d’un positionnement à gauche dans la vie politique française. Autour de thèmes comme la libération des hommes, la justice sociale, l’option préférentielle pour les pauvres, l’action politique s’hybride avec des motivations religieuses. En retour, beaucoup d’initiatives de militants catholiques visent à dénoncer l’apolitisme de l’institution catholique considérée, de fait, comme une adhésion à l’ordre établi : motif central que l’on rencontre dans l’affaire des prêtres ouvriers, l’évolution d’ordre religieux comme les Dominicains ou de mouvements tels Vie Nouvelle, la JEC, l’ACO et biens d’autres. Car la marginalisation assumée de ces militants au sein de l’espace catholique a pour corollaire un rapprochement avec la gauche laïque voire l’extrême gauche marxiste ou maoïste qui les conduit à promouvoir une transformation de l’ensemble des normes propres à l’institution catholique pour en faire un lieu prophétique ou utopique des transformations de la société qu’ils espèrent.

A ces divers moments historiques, la contestation ou les innovations de ces militants catholiques clercs ou laïcs, loin d’être restreintes au seul champ des débats théologiques auxquels les normes qu’ils subvertissent semblent appartenir, traversent de manière générale toutes les activités religieuses ou profanes dans lesquelles les modalités de l’attitude catholique semblent à repenser face à un monde de plus en plus " sécularisé " : action politique, mission, communauté, vie de foi, expérience religieuse, liturgie, statuts du clerc et des laïcs. La revendication d’une réévaluation des manières d’être catholique à travers un certain nombre d’expériences et de savoirs " modernes ", " scientifiques " (psychanalyse, sociologie, histoire) et de réalités sociales et historiques nouvelles (séparation de l’Église et de l’État, déchristianisation de la classe ouvrière, société sécularisée, guerre froide, développement de l’économie de marché, décolonisation, mai 68, etc.) a pour conséquence de rendre incertaine la frontière entre les activités qui sont propres à une logique religieuse et celles qui ne le sont pas. Le rapport des militants catholiques à leur identité religieuse dans leur engagement social, politique ou syndical est propice à analyser la manière dont se croisent et interagissent les logiques d’investissements religieux et politiques. Dans cette perspective, les évolutions des normes de genre au sein et en marge de l’institution seront également analysées. Il s’agira de comprendre, en croisant une démarche socio-historique et les outils de la science politique, les pratiques d’engagements dans " le siècle " des catholiques et leurs insertions conflictuelle ou non dans les structures religieuses, associatives ou politiques.

 

" Bring the Gospel to the World " : Religious logic of Catholics political commitment during the 20th Century

This panel will provide an analysis of Catholics’ secular commitment combining a "socio-historical approach" with theoretical frames provides by political science. We will try to understand how political and religious reasons are connected and explain lay Catholic militancy. The panel and the discussion will beheld in French.

Various scholars who focus on the link between politics and religious activities, do not question the paradigm according to which religion and society where bound in ancient society and were distinguished and opposed in the modern world, as a result of a "désenchantement" process.

Political and religious fields are considered as autonomous categories. The scholars focus on their antagonism, their competition to impose social rules. The Church/ Republic struggle offers an illustration of this " loss paradigm " or " secularization " one that reifies a distinction between State and Church, between religion and politics produced by the religious institution itself and by the anticlerical trends. Nevertheless, if we look closer and if we take the stance of the religious protagonists, priests, lay Catholics, we can see that they never ceased to consider themselves as part of the world.

Under the pontificate of Leo XIIIth or Pius Xth , lay Catholics were highly required to help the clergy with its apostolate mission. In this context, members of Feminine Catholic’s Action, endorse their mission as Apostles of the 20th century. In doing so, they challenges the boundaries between private and public, between religion and politics, which were legacies of the Revolution and the Napoleonic’ Civil Code. Within the Catholic Action and through e foundation of catholic’ party, new ways of being Christian have been elaborated.

Between post-WWII and the end of the 70’s, the redefinition of the mission lead to some priest and members of religious orders to question the norms of their consecrated life to make the evangelisation of the working class possible. The Priest-workers went as far as being part of trade unions in order to loser to them and share their conditions of living. They were condemned by the Vatican in 1954.

During the 1960’s several crisis caused by the question of political commitment occurred within the Catholic Church. The separation between temporal and spiritual order was highly questioned within the "leftist wing" of the clergy.

The claim for a redefinition of the possible ways of being Catholic has for main consequence to make the frontier between religious activities and political ones less and less clear.