Atelier 18

La socialisation militante au prisme de la formation syndicale. Les dispositifs et leurs usages.

Responsables scientifiques :
Nathalie Ethuin (CERAPS, Lille II) nethuin@yahoo.fr
Karel Yon (CRPS, Paris I) ynkarel@yahoo.fr

 

Le " tournant cognitif ", à l’œuvre dans les sciences sociales depuis la fin des années 1970, a remis sur le devant de la scène intellectuelle une question fondatrice de la sociologie : que doivent les catégories de pensée des individus à leurs appartenances collectives ? Cette interrogation a guidé le renouvellement de perspective dans de multiples domaines de recherche. On pense à la sociologie des mouvements sociaux qui privilégie désormais une approche processuelle tenant compte de la dimension culturelle et idéologique des mobilisations. On pense également aux études sur la socialisation qui, après s’être longtemps concentrées sur la socialisation primaire ou la socialisation politique, défrichent actuellement le champ des socialisations plurielles.

En s’inscrivant dans cette perspective, cet atelier se propose de réfléchir aux conditions d’intériorisation ou mieux, d’incorporation (en tant que les processus à l’œuvre ne sont pas qu’intellectuels) des idées ou systèmes de pensée portés par un groupement militant. Les activités de formation, parce qu’elles ont pour objectif explicite d’homogénéiser les catégories de pensée des militants et leurs façons d’agir au sein et au nom d’une organisation, peuvent dès lors constituer un terrain privilégié pour appréhender ces processus. En invitant à une approche ethnographique, on entend également travailler sur les apports de cette méthode d’enquête à la saisie des dimensions cognitives du militantisme.

En se limitant au domaine du syndicalisme, notre atelier vise en outre à interroger à nouveaux frais ce domaine spécifique d’activités. Les syndicats ont longtemps été abordés sous un angle macrosociologique tendant à minimiser la dimension proprement militante du travail syndical. Qu’il s’agisse de désyndicalisation ou de professionnalisation du syndicalisme, ces tendances sont à questionner : elles ne s’imposent pas de l’extérieur aux acteurs mais sont au contraire le produit de luttes permanentes, qui se jouent notamment sur le plan symbolique.

Ainsi, les activités de formation constituent un terrain précieux pour étudier les dispositifs de socialisation militante. Parce qu’anciennement institutionnalisés, les syndicats possèdent des dispositifs éprouvés de formation à l’attention de leurs membres, qui servent à la fois à diffuser l’identité, la stratégie, le répertoire d’action et les valeurs de chaque organisation, et à transmettre des savoirs indispensables à l’activité syndicale. L’étude de la formation syndicale doit ainsi permettre de mieux cerner les modalités pratiques d’appropriation des savoirs et savoir-faire hétérogènes, associant intimement les dimensions idéologique et technique, que constituent les apprentissages militants.

L’objectif de cet atelier serait d’engager une réflexion sur ce qui se passe et se joue au cours des formations syndicales, en partant de quelques questions.

Que se passe-t-il dans les formations ? Quelles sont les idées, les représentations du syndicalisme et plus largement les visions du monde véhiculées dans les stages ? Comment s’organise pratiquement leur transmission sous le double aspect des formes et des contenus d’enseignement ?

Quels sont les agents qui s’investissent dans la formation et quels usages en font-ils ? Il s’agirait de tenir ensemble l’analyse des dispositions des stagiaires et des formateurs, des situations d’interaction et des trajectoires individuelles dans lesquelles s’insèrent les moments de formation.

Plus globalement, le terrain de la formation syndicale permet de s’interroger sur l’articulation entre conflictualité sociale et conflictualité idéologique. Les débats sur les formes du syndicalisme, polarisés entre modèles conflictuel et partenarial, sont fréquemment au cœur des stages de formation. L’adoption d’une vision plus ou moins conflictuelle de la réalité (il suffit de penser à la topique des classes sociales et de leur disparition) dépend des instruments de perception de cette réalité, perception travaillée par les apprentissages militants auxquels participe la formation. Se pose ainsi la question de l’efficace propre des idées sur les pratiques syndicales.

L’atelier débutera par une présentation générale introductive de 20 minutes, faite par les organisateurs. Suivront quatre ou cinq communications de 10 minutes chacune.

Chaque communication soumettra à l’épreuve du terrain une des questions soulevées plus haut. Sur le plan des données empiriques, on sollicitera des études portant sur des organisations syndicales variées, à partir d’une méthode privilégiée, celle de " l’enquête ethnographique ", articulant observation participante et entretiens avec les militants et/ou formateurs.

 

Activist socialization through union training. Ethnographical approaches.

A wide trend within sociology, political science, and especially social movements studies, seeks to re-assess how important ideas are for people to join in collective action. From this viewpoint, our workshop would study social and cognitive conditions for unionists to appropriate the ideas or collective identities their organizations bear. Trade-unions set up numerous training activities that aim at explicitly creating homogeneity in their members’ ways of thinking and acting within and on behalf of the union. Thus, they offer a fruitful field for studying these processes.

Within existing research on trade-unions, macroscopic studies have often been favoured. They have dealt with the decline of unions, their professionalization or their relation to governmental and other social partnerships. In contrast, what we call the activist dimension of trade-union commitment has often been neglected. Our hypothesis is that trade-unionism cannot be understood without any consideration into the symbolic production that makes activists’ practical experience meaningful. By choosing ethnographical approaches, we thus want to lay stress on the contribution of this method to the understanding of the cognitive dimensions of commitment.

The analysis of training will allow us to better understand the practical modes of appropriating heterogeneous knowledge and know-how activist apprenticeships consist in. Such thinking is all the more useful that training closely associates the ideological dimension with the technical one.

As such, our workshop will emphasize two main axes :

1. What ideas, trade-unionism representations and — to a larger extent — what worldviews are conveyed throughout training? How is lesson-transfer settled in practice regarding both the ways and contents of teaching?

2. Who are the agents who get involved into training and what do they do with it? Here we want to gather various streams of analysis: on trainees’ and trainers’ dispositions; on interactive situations; on individual trajectories in which trainees devote time to be trained.