Atelier 19

Eléments pour une théorie du " policy transfer " : la circulation des modèles de professionnalisation

Responsables scientifiques :
Murielle Coeurdray
(Institut des sciences sociales du politique, ISP site Cachan) murielle.coeurdray@gapp.ens-cachan.fr
Thierry Delpeuch (Institut des sciences sociales du politique, ISP site Cachan) delpeuch@gapp.ens-cachan.fr
Patrice Duran (Ecole Normale Supérieure de Cachan) duran@sociens.ens-cachan.fr
Cécile Vigour (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) vigour@gapp.ens-cachan.fr

 

L’enjeu de cet atelier est de nourrir les réflexions en science politique autour des " policy transfer " (c’est-à-dire des transferts de solutions d’action publique), à partir de différentes approches théoriques qui ont en commun de s’intéresser à la circulation de modèles de professionnalisation.

Les phénomènes de transfert, de circulation et de diffusion d’innovations ont donné lieu à des efforts de théorisation dans plusieurs champs de la sociologie et de la science politique : politique comparée, étude des transitions de régime, sociologies des organisations, des institutions, des professions. Ces courants ont montré que les transferts relèvent de processus complexes qui engagent des décisions volontaires, des contraintes internes et d’influences extérieures. Quatre principales orientations peuvent être dégagées.

Selon Dolowitz et Marsh (2000), le concept de " policy transfer " permet d’expliquer le changement de politiques publiques nationales à partir de l’adoption de programmes étrangers, et conduit à les appréhender sous l’angle principalement des motivations et comportements des acteurs qui s’y engagent, mais aussi des contraintes institutionnelles à l’œuvre, des effets produits en termes de réussite ou d’échec. La littérature néo-institutionnaliste voit dans la force d’attraction exercée par les formes institutionnelles légitimes et dans la circulation des individus entre les organisations les principaux mécanismes de diffusion du changement. Di Maggio et Powell (1991) insistent sur le rôle crucial joué par le développement des institutions éducatives et de la professionnalisation. L’approche structurale, et notamment le concept de champ (autour des travaux de P. Bourdieu), constitue une autre grille de lecture théorique : les transferts d’idées procèdent d’affinités liées à l’homologie des positions occupées par l’importateur et l’exportateur chacun dans son champ respectif. Par contraste, d’autres auteurs recourent à l’idée de multi-positionnalité, entre des univers sociaux différents, pour définir la place des passeurs dans les processus de diffusion (Massardier, 1996). Enfin, la notion d’interaction entre professionnels ou bien encore celle de réseaux informels de relations interpersonnelles sont également mises en exergue pour expliquer l’adoption de solutions importées (Walker, 1969) ou bien encore la transmission d’informations sur les innovations (Becker, 1970).

L’atelier vise à croiser les regards de chercheurs travaillant sur la question des transferts, à partir de perspectives et d’approches différentes (transferts internationaux, intersectoriels, inter-administrations, etc.), mais qui sont invités à réfléchir à partir d’une grille de questions communes. Des efforts de théorisation évoqués précédemment se dégagent en effet trois séries de questions qui guideront la problématique générale de l’atelier. La première porte sur le fondement du transfert : pour quelles raisons les exportateurs et les importateurs s’engagent-ils dans des opérations de transfert ? Quels sont la place et le rôle des professionnels dans la formation des politiques publiques ? Le transfert est-il le produit de mécanismes d’apprentissage, le fruit de rapports de force entre intérêts concurrents, le résultat d’une nécessité fonctionnelle ? La seconde a trait au processus et aux mécanismes du transfert : quelles sont les étapes du transfert ? A quel moment sont-elles déclenchées ? Qu’est-ce qui limite ou facilite le processus ? Comment s’opère la sélection d’un modèle exogène ? Quels sont les canaux de diffusion et types d’acteurs impliqués dans ces processus ? Un dernier ensemble de questions concerne les effets des transferts : quelles relations existent entre le processus de transfert et un changement institutionnel ou organisationnel ? Comment les éléments modèles sont-ils aménagés ? Quelles innovations le transfert implique-t-il ?

Si les transferts d’éléments de politique publique peuvent concerner des objectifs, des mesures, des instruments de mise en œuvre, on voudrait, dans le cadre de cet atelier, étudier plus particulièrement l’exportation et la réception de modèles de professionnalisation. C’est, en effet, un aspect assez peu exploré en sciences politiques. Par modèle de professionnalisation, on se réfère à des dispositifs extrêmement variés — des indicateurs de performances aux organes professionnels de formation (écoles d’administration) ou de contrôle de la professionnalité (comme les Conseils supérieurs de la magistrature), en passant par les mécanismes d’évaluation ou les recours contre la corruption. De tels dispositifs de professionnalisation (ainsi compris dans un sens large) renvoient à de nombreux enjeux, non seulement professionnels, mais aussi politiques.

 

Contribution to a theoretical framework for policy transfer, with special reference to professional expertise.

This worshop intends to bring up a topic rarely raised in political science. It is the transfer of knowledge and professional competence between two countries or from one activity to another in the domain of public policy. Some scholars have already begun to suggest a theoretical framework for the study of policy transfer, but very few have questioned the particular means by which public policy measures can be implemented, for example by adopting higher standards or instituting performance indicators and securing joint programmes for improving professional conduct and administrative training. The main object of the working group session will be to try to distinguish the common threads of each case study and provide a synthesis that will help to show how the various actors have faced up to political and professional issues.

In the fields of comparative politics, political transition, and the sociology of institutions, professions and other organizations, many scholars have pointed out the complexity involved in the creation and diffusion of innovative ideas. This arises from the fact that the transfer can be made either according to a voluntary decision, internal constraints (such as the relative influence of values and internal procedures to be adopted) or by the imposition of external constraints.

Especial attention will be paid to the practical details on any issues that are brought out in each presentation, for example, the influence of professionals and the manner in which the policy transfer is managed (by joint learning processes, a process of adaptation, internal conflict or mediation) and to show whether the measures have an impact on the way society at large behaves.

It's hoped that this interactive procedure will make a valid contribution to an evolving theoretical framework of policy transfer in political science.