Atelier 20

Penser l’articulation entre l’analyse des politiques publiques et la sociologie de l’action collective

Responsables scientifiques :
Claire Dupuy (Cevipof / Sciences Po — Université de Milan Bicocca)
claire.dupuy@gmail.com
Charlotte Halpern (Maison française d’Oxford / FNSP - PACTE) charlotte.halpern@sciences-po.org

 

On constate un intérêt croissant, partagé par certains travaux de la sociologie de l’action collective et de l’analyse des politiques, pour ce qui se passe " de l’autre côté " des frontières habituellement attribuées à chacune de ces deux sous-disciplines, du côté de l’Etat, et des acteurs publics plus généralement, pour la première, et celui des mobilisations sociales pour la seconde. Chacune d’entre elles a développé des outils permettant de penser les modes de régulation des sociétés contemporaines (sociologie de l’action publique) et les dynamiques de conflits et de blocages résultant de la mobilisation d’acteurs sociaux (sociologie de l’action collective). Or la logique de l’interaction entre ces deux dimensions demande à être explorée davantage. La multiplication des acteurs publics locaux, la différenciation croissante des logiques administratives en fonction des secteurs d’action publique, et l’introduction d’acteurs privés dans les processus de décision sont quelques uns des éléments qui conduisent à plaider pour une révision des outils analytiques utilisés pour rendre compte des relations entre les mobilisations et les acteurs publics.

Certaines pistes ont d’ores et déjà été proposées de part et d’autres. Chloé Vlassopoulou propose ainsi de retourner en " amont de l’amont " des processus décisionnels, c’est-à-dire à la définition des problèmes publics (2000). Charlotte Halpern propose, quant à elle, d’utiliser la notion de décision publique pour analyser l’évolution des relations entre policies et politics (2006). Du côté de l’analyse des mobilisations, dans son analyse des relations entre l’Etat français et le mouvement environnemental, Graeme Hayes s’intéresse au rôle des acteurs, et distingue les insiders des outsiders des politiques publiques, pour dépasser les limites de la notion de structure d’opportunités politiques (2001 ; voir aussi Fillieule, 2003). La notion de contentious politics va dans la même direction en refusant de définir a priori les acteurs publics (et les administrations) comme ceux à qui sont adressés les revendications (McAdam, Tarrow, Tilly, 2001).

Néanmoins, la grande majorité de ces travaux a concerné l’analyse des mobilisations contre de grands projets d’infrastructure. Une première interrogation porte sur la spécificité de ce type de politiques publiques. On peut s’interroger sur le caractère heuristique de l’articulation entre les outils développés par les sociologies de l’action publique et de l’action collective pour penser l’évolution des relations entre ces deux types d’acteurs dans d’autres domaines (logement, politiques sociales, éducation, santé). En ce qui les concerne, les analyses sont restées largement circonscrites à l’une ou l’autre de ces sous-disciplines.

Une seconde source d’interrogation porte sur la dimension temporelle nécessaire pour analyser l’évolution de ces relations et les modalités de passage de la position d’outsider d’une politique publique à celui d’insider. L’analyse fine et détaillée des processus d’apprentissage individuels et collectifs, et des processus d’institutionnalisation requiert en effet une analyse temporelle de moyenne durée. Celle-ci permet de s’interroger sur les effets des mobilisations politiques et sociales, et des conflits, sur la décision incriminée (output) et sur les modalités d’élaboration de l’action publique (outcome). En se concentrant sur le premier type d’effets, la sociologie de l’action collective risque de tomber dans les travers d’une analyse en termes de succès et d’échec des mobilisations : ceci constitue la principale limite de la notion de structure d’opportunités politiques (Giugni, 1999). En privilégiant le second type d’effet, la sociologie de l’action publique se limite à l’analyse des relations entre acteurs publics et intérêts institutionnalisés, et sous-estime le potentiel de changement inhérent aux mobilisations issues de la société civile.

L’objectif de cet atelier est de s’interroger sur : 1) le caractère heuristique du croisement entre les outils d’analyse développés par les sociologies de l’action collective et de l’action publique ; 2) les modalités analytiques de ce croisement : quels sont les outils permettant une articulation forte des apports de l’analyse des politiques publiques et de la sociologie de l’action collective ?

 

Linking public policy analysis with social movement theory: the logic of contentious policies.

The purpose of this workshop is to explore the links between public policy analysis and social movement theory. Recent publications in both disciplines have shown a growing interest for one another and provided some suggestions in order to bypass their respective limits. In fact, the increasing role of private actors in public decision-making processes, the growing number of local public actors and diverging regulation mechanisms across sectors have urged for a thorough examination of evolving relations between state-actors and social groups during policy-making processes. In her work on anti-pollution strategies in France and Greece, Chloé Vlassopoulou suggests to focus on the upstream of the public decision-making process, ie. problem-framing (2000). Charlotte Halpern has focused on the concept of public decision in order to develop a better understanding of the relationship between mobilisations against airport planning and changes in air transport policy in France and Germany (2006). Social movements theorists have made similar attempts: Graeme Hayes chooses to focus on actors, by introducing a distinction between policy insiders and policy outsiders, in order to brake the deadlock of political opportunity structures (2001; see also Fillieule, 2003). The concept of contentious politics follows the same track as well, by refusing to define beforehand public actors as the target of social claims (Tarrow, Tilly, 2007).

However, most of this literature concerns mobilisations against project infrastructures, thus leading to a first question: would these tools be relevant in order to analyse evolving relations between public actors and social groups in other sectors such as housing, welfare or education? A second question concerns the time-scale needed in order to analyse this evolution and the mechanisms through which a policy outsider becomes an insider. While concentrating their analyses on conflicts and outputs, social movement theorists have limited themselves to consider the success or the failure of social mobilisations (Giugni, 1999). On the other hand, by focussing on outcomes, public policy analysts mainly focused on the relations between public actors and institutionalised interest groups, while under-estimating the impact of social mobilisations on policy changes. Accordingly, we welcome papers addressing more specifically both sets of questions in a comparative or single-case study perspective.