Atelier 21
La définition des problèmes publics. Quelles perspectives de recherche ?
Responsables
scientifiques :
Claude Gilbert (Directeur de recherche au CNRS, UMR PACTE/MSH-Alpes) claude.gilbert@msh-alpes.prd.fr
Emmanuel Henry
(Maître de conférences IEP Strasbourg GSPE, UMR PRISME) emmanuel.henry@iep.u-strasbg.fr
Lanalyse du mode démergence des problèmes, de leur " mise sur agenda ", constitue désormais un grand classique des sciences humaines et, plus particulièrement, de la science politique se consacrant à lanalyse des politiques publiques. Grâce aux recherches développées depuis une vingtaine dannées dans cette perspective, un certain nombre davancées sont aujourdhui assez bien stabilisées comme celles liées aux processus de prise en charge des problèmes par les autorités publiques, aux conditions qui facilitent la mise sur agenda politico-administratif dun problème ou, à linverse, aux acteurs, stratégies et processus qui rendent difficile voire impossible la saisie dun problème par les autorités. En sollicitant ces divers types dapproche, on peut aujourdhui assez bien expliquer pourquoi tel type de problème émerge et tel autre pas ou plus difficilement.
Le point de départ de la réflexion à lorigine de cet atelier est que pour avoir prise sur les problèmes, laction publique a besoin de les identifier. Or, cette identification passe par des opérations de modélisation, de formalisation, dappropriation que lon peut assimiler à une véritable redéfinition des problèmes, redéfinition qui passe notamment par lexplicitation de leurs causes, le choix des acteurs pertinents pour les prendre en charge, lélaboration des solutions légitimes à leur appliquer. Elle conduit à construire des coalitions dacteurs intéressés et à mettre en place des instruments en adéquation avec la définition du problème. Lobjectif de latelier est de travailler sur ces processus de formulation des problèmes et leurs effets. Comment se cristallisent les accords entre acteurs sur une définition ? Comment se pérennisent-ils ? Comment sinstitutionnalisent-ils dans des dispositifs ou des instruments ? Quels effets ont ces accords-définitions sur les modalités de laction publique et sur les groupes intervenant dans laction publique ?
Parler de lutte définitionnelle ou souligner limportance de la formulation dun problème sur les modalités de sa prise en charge ne signifie cependant pas que cette définition soit un élément purement discursif et donc que les interrogations que nous formulons sinscrivent dans la perspective des approches " cognitives " des politiques publiques. Au contraire, on peut entendre le terme " définition " dans un sens à la fois discursif et sociologique ou avoir recours au terme de problématisation. Problématiser constitue en effet tout à la fois lier ensemble différentes dimensions dun problème mais aussi relier entre eux des acteurs porteurs de ces différentes dimensions. Ainsi, pour prendre un exemple, la définition de linsécurité routière comme problème de délinquance nest pas (ou pas seulement) un coup de force discursif ou symbolique, cest surtout lagencement dintérêts différents mais convergents pour que le problème soit défini de cette manière et surtout pas dune autre. Cette définition ne simpose que parce quelle est promue pour des raisons différentes par diverses catégories dacteurs qui sont prêts à mobiliser un certain nombre dénergies pour maintenir ce statu quo.
De la même manière et pour prendre dautres exemples, la question de lamiante prend des sens très différents selon quelle est considérée comme un " problème professionnel " ou comme un " problème environnemental ", tout comme la question du saturnisme qui oscille entre " problème de santé publique " et " problème social " ; la question des " déchets nucléaires " se pose différemment selon que lon se focalise sur les solutions (enfouissement ou non) ou selon quon la rapporte aux choix initiaux (retraitement des déchets) ; la question, très dactualité, de la " pandémie grippale " change selon quon la traite comme un problème de santé animale, de santé humaine et dordre public, dans le cadre de lurgence ou comme un problème de maintien dune vie collective dans une situation durable et globalement dégradée, etc.
Cet atelier sinscrit dans un processus de recherche et de réflexion collectif sur ces questions. Il prolonge le séminaire " Risques et définition des problèmes publics : quelles perspectives de recherche ? " organisé à linitiative de lAxe Risques et crises collectifs de la MSH-Alpes en partenariat avec le GSPE et la MSHS de Toulouse dont trois réunions sont prévues au cours de lannée 2006-2007 et qui vise à questionner ces problèmes au sein dun groupe limité de chercheurs.
Latelier sera structuré autour de la discussion dune série dinterventions mises à la disposition des personnes intéressées avant lété afin de centrer latelier sur une présentation relativement courte de textes et une large discussion avec les participants non seulement sur les textes présentés mais lensemble des textes mis à la disposition des participants. Lobjectif est douvrir largement le débat sur des questions qui nous apparaissent centrales pour la discipline et plus largement pour comprendre les processus de laction publique.
Setting research perspectives in issue definition
In the last twenty years, studies on the construction of public problems and agenda-setting have lead to a set of quite well established results. We have now good analysis on the decision-making processes through which public authorities take problems into account ; on the conditions that make political and administrative agenda-setting processes easier ; on the contrary, on the actors, strategies and contexts that make difficult or even impossible for the competent authorities to take a problem into account. Those studies show that public policies can take hold of problems only if they are identified as public issues. But such identification requires operations of modelling, labeling, framing, "appropriation" by actors. Such a redefinition of problems comes through the highlighting of problems' causal mechanisms and problems' accountability; through the mobilization of the most relevant stakeholders to push forward these problems and to fight over them; through the design of legitimate solutions to act upon them. It leads to the construction of actors' coalitions and to the shaping of tools and instruments adapted to the way the problems was framed.
The aim of this workshop is to work on the processes of framing problems and their effects. This focus of interest comes from studies in the field of risk and crisis analysis. For instance, the definition of road unsafety as a problem of delinquency is not (or not only) the compelling result of a discursive or symbolic effort; it's above all the outcome of a coalition of interests that are different but can converge to frame the problem in such a way and especially not in another. Such definition can become an evidence which is no more discussed because it is pushed forward, supported by the interplay of a variety of actors and organizations which are ready to mobilize a certain amount of energy to preserve this status quo.
The workshop will be based on short presentations and a debate. It aims to widely open the discussion on these questions which tend to be a major stake in the political science academic field and in the effort to better understand public policy-making processes.