Atelier 22
Construire limmigration comme problème : acteurs et pratiques
Responsables
scientifiques :
Choukri Hmed (École normale supérieure/Ulm, Centre Maurice Halbwachs,
Centre de recherches politiques de la Sorbonne) choukri.hmed@ens.fr
Sylvain
Laurens (EHESS, Laboratoire des sciences sociales du politique / LaSSP, IEP
de Toulouse) sylvainlaurens@free.fr
Latelier proposé se veut une contribution à la nécessaire autonomisation des recherches sur limmigration, particulièrement en science politique. Considérant qu" il ny a pas de "problème des immigrés", il ny a quun problème de limmigration " (Noiriel, 2001 : 229), le propos de cet atelier est de retourner en quelque sorte " le viseur " de lobjectivation dans lautre sens et dinterroger ainsi les processus de construction sociale dun " problème de limmigration ", à une échelle étatico-nationale et dans la période contemporaine (xxe siècle).
Prétendant étudier un fait social sans sinterroger nécessairement sur la construction dun problème social, il est sans doute temps que les chercheurs en sciences sociales se donnent, en effet, les moyens collectifs de distinguer " migrations " et " immigration " et parvenir ainsi à considérer " limmigration " comme le produit de " la transformation dun fait social quelconque en enjeu de débat public et/ou dintervention étatique " (Neveu, 1999). En ce sens, il importe de réintroduire dans lanalyse lensemble des acteurs qui produisent un discours sur limmigration, en tentant détudier la valeur différentielle de leurs ressources propres : hommes politiques, agents de lÉtat, sociologues, militants, médias Les questions que lon souhaite poser à lobjet " immigration " sont donc des questions " classiques " de science politique, qui curieusement sont rarement traitées comme telles dans les travaux qui sen réclament : de quelle manière les " problèmes des immigrés " sont-ils rendus visibles sur la scène publique ? Quels sont les acteurs qui " parlent " au nom des immigrés ? De quelles ressources disposent-ils et comment les font-ils valoir ? Dans quel contexte spécifique ? À linverse, quelles sont les situations qui ne parviennent pas à être inscrites à lagenda politique (local et/ou national) ?
Les différentes contributions devront avant tout permettre de dresser la cartographie des mondes sociaux au sein desquels se construit et se renouvelle un intérêt à porter un " problème de limmigration " : fonctionnaires, élus, journalistes, porte-parole associatifs Les communications sarticuleront autour de trois axes de réflexion :
1/ Immigration, État(s) et pratiques administratives : les agents administratifs au-delà de lexécution des règlements
Alors que lensemble du lexique susceptible de désigner un problème de limmigration naît au moment de linstallation de la iiie République et est indissociable de lémergence dun corps de fonctionnaires spécialisés, peu de travaux intègrent la dimension bureaucratique dun processus qui reste pourtant inextricablement lié aux rapports entre États et individus. Pourtant, comme le suggèrent un nombre croissant de travaux, les agents de lÉtat ne sont pas de simples exécutants des desiderata venus du champ politique mais participent plus largement à la vie sociale et à sa " problématisation ". Un intérêt tout particulier sera ainsi porté aux pratiques administratives à légard des étrangers (du guichet à la haute fonction publique) mais, surtout, au rôle souvent passé sous silence des agents de lÉtat dans la mise à lagenda politique dun problème de limmigration.
2/ Journalistes, sondeurs et " bons clients " médiatiques
Latelier entend mettre en valeur les travaux actuels qui permettent de mieux comprendre le rôle joué par les journalistes, les sondeurs, ou les militants (de lanti-racisme à lextrême-droite), en la matière. Un intérêt particulier sera porté aux contributions décrivant les pratiques des acteurs qui, au sein du champ politique ou médiatique, contribuent à modifier plus largement dans lespace public ce que J. Gusfield appellerait la " forme " (shape) donnée à cet enjeu (Gusfield, 1989).
3/ Invisibilisation, précarisation et silences
Enfin, du fait social au problème social, la façon dont limmigration se problématise dans le débat public comporte également ses impensés. Comme tout processus de domination, limmigration a aussi ses lisières, celles où peu dacteurs publics ou peu de chercheurs en sciences sociales saventurent mais qui nous renseignent pourtant sur les logiques dun processus de construction. Priorité sera donnée aux contributions qui donnent à voir les processus sociaux dinvisibilisation de certaines réalités sociales tant dans les discours publics que dans la littérature scientifique la plus courante : clandestins travaillant sur les chantiers, migrants saisonniers du sud de la France, migrations précaires non organisées en diaspora, mouvements sociaux non médiatisés ou inaboutis
Références :
E. Neveu, " Lapproche
constructiviste des "problèmes publics". Un aperçu
des travaux anglo-saxons ", Études de communication, n°
22, 1999.
G. Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir,
Paris, Belin, 2001.
J. R. Gusfield, "Constructing the ownership of social problems : fun and
profit in the welfare state", Social problems, n° 36, 1989.
Constructing immigration as a problem: actors and practices
Considering that there is no immigrant problem, only the problem of immigration, this workshop will focus on the social construction of a problem of immigration at the national state level in the 20th century. Viewing immigration as deriving from the transformation of any given social fact into a stake of public debates or/and of state intervention implies taking into account all the actors who produce a discourse on immigration politicians, civil servants, sociologists, activists, the media. It also calls for an assessment of the contrasted resources at their disposal. How are the immigrant problems made visible on the public scene? Who are the actors who speak in the name of immigrants? What are their resources, how do they use them, and in what context? Conversely, are there situations that do not reach the local or national political agenda?