Atelier 25

Les militants des partis politiques de droite : évolution et enjeux des études sur l’engagement partisan. Études de cas en Europe.

Responsables scientifiques :
Lucie Bargel (CRPS, Paris 1) lucie.bargel@ens.fr

Stéphanie Dechezelles (CERVL-SPIRIT, IEP de Bordeaux) sdechezelles@wanadoo.fr

 

Cet atelier est dédié à l’étude du militantisme dans des partis politiques européens classés à droite. Ces militants de droite constituent un double angle mort, de la sociologie des partis politiques comme de la sociologie de l’engagement.

D’une part, les travaux sur les partis politiques de droite tendent à privilégier l’histoire partisane organisationnelle, les leaders, l’idéologie défendue, les opinions et attitudes des cadres. Ces approches conduisent fréquemment à s’intéresser principalement aux positionnements successifs de tel ou tel parti dans l’espace politique, en vue notamment de produire des typologies. Le risque sous-jacent consiste alors à négliger les processus de recrutement ainsi que les pratiques militantes en vigueur au sein des partis politiques. Les adhérents et les militants n’intéressent souvent qu’à la marge ou pour leur supposée spécificité, en particulier dans le cas des partis classés à l’extrême droite. D’autre part, la sociologie du militantisme partisan fonde ses analyses à l’aune de ce qui a été produit sur les militants des partis politiques de gauche, et en particulier des partis communistes. Il apparaît en effet souvent qu’en filigrane des études sur les engagements militants, c’est implicitement le " modèle communiste " qui borne les règles d’un militantisme idéal. C'est précisément ce modèle de militantisme qui sert de référence à ceux qui constatent une mutation ou un déclin de l'engagement politique dans les démocraties occidentales.

Par conséquent, les partis politiques et les militants de droite comptent sans doute parmi les objets de la sociologie politique les plus sujets aux explications préscientifiques, d’aucuns considérant que leur étude ne serait plus susceptible d’apporter d’éléments nouveaux à la discipline. L’ancienneté et les lacunes de la littérature contribuent pour beaucoup à l’entretien d’un véritable sens commun qui, à force d’être repris systématiquement par les commentateurs autorisés, finit par ne plus être questionné.

Dans cet atelier, des enquêtes ethnographiques et par questionnaire sur différents partis européens de droite permettent tout d’abord d’évacuer le pré-supposé d’uniformité de " la droite " : contre l’idée que les partis de droite seraient tous les mêmes, nous proposons de réfléchir dans une perspective comparatiste. Autre lieu commun que ces enquêtes questionnent, la prédominance d’un ethos " bourgeois "  entretenant un rapport plus " élitiste " et " individualiste " à la politique et censé expliquer la " faiblesse " de l’activisme partisan à droite, toujours supposée, mais jamais démontrée empiriquement.

Ensuite, nous proposons de revenir sur un certain nombre de thématiques classiques dans l’analyse des partis politiques, forgées à partir de l’expérience du militantisme communiste principalement, et de les confronter aux matériaux tirés d’enquêtes de terrain sur des partis de droite contemporains. Malgré l’efficacité sociale du modèle du militant " total " sur les récits des acteurs, il n'est pas certain que cette figure du militant ait jamais été valable en pratique dans toutes les organisations partisanes. L’analyse des discours et des pratiques des adhérents de partis de droite suggère au contraire l’existence de différentes figures légitimes de participation partisane — ce qui rend problématique l’usage du terme " militant " comme catégorie routinière de la science politique. De plus, l’étude du militantisme de droite invite à questionner la figure du militant dévoué à la cause et le modèle des rétributions du militantisme, en particulier leur " scotomisation ", quand l’idéologie du parti valorise la réussite économique individuelle et l’ascension sociale. Enfin, on s’interrogera sur la pertinence, pour comprendre les logiques de l’engagement à droite, d’une analyse des cultures militantes de droite par le prisme du populisme ou de la nouveauté, et de théories classiques quant à la morphologie des institutions politiques ou aux logiques de l’engagement partisan.

Cet atelier souhaite montrer que l’étude du militantisme dans des partis classés à droite est susceptible de mettre en cause un ensemble d’idées préconçues sur ces organisations et de relancer les travaux sur l’engagement partisan, et amorcer ainsi une discussion collective sur les différentes traditions d’analyse du militantisme partisan, leurs évolutions et enjeux actuels.

 

Activism in Right-Wing Political Parties: Developments and Issues in the Study of Partisan Involvement. Case Studies in Europe.

This workshop deals with right-wing activism within European political parties. Little attention has been paid to active members of right-wing parties by sociology of activism or sociology of political parties. On the one hand, research about right-wing parties has concentrated primarily on the organisations’ history, their leaders, their ideologies or their positions within the political system. Consequently, members and activists of these parties have been neglected. On the other hand, political science take on militancy draws from analyses of left-wing, and more often communists, parties and activists. The communist activist thus constitutes an implicit reference of achieved activism in most of the work on political involvement. As a consequence, right-wing parties are among the less well-known objects of political science, and their members are frequently considered by common sense as characterised by a bourgeois, elitist and individualistic ethos, that would explain the supposed weakness of activism.

This workshop presents fieldwork and quantitative research carried out among contemporary European right-wing parties. First, in opposition to usual presuppositions about right-wing organizations, it will enable the empiric study of these parties. The comparative perspective will indeed tackle the alleged uniformity of "the Right." Second, it will confront classical theories on militancy, grounded mostly on examples of left-wing parties, with empiric data on right-wing parties. We argue that this examination can bring new issues to the sociology of political involvement. For instance, the model of the communist activist, entirely devoted to the cause, could be complexified by the acknowledgment of other models of activism, or of the influence of ideologies that praise individual success. Then, we wish to initiate, during the second part of the workshop, a collective discussion about the various theoretical standpoints on partisan involvement, their contemporary developments and issues.