Atelier 27

Maintien et consolidation de la paix : les nouveaux paradigmes

Responsables scientifiques :
Ronald Hatto (Chercheur post-doctoral CERI-Sciences Po)
ronald.hatto@sciences-po.org
Thierry Tardy (Course Director, European Training Course in Security Policy, Centre de Politique de Sécurité de Genève et HEI) t.tardy@gcsp.ch

 

Les notions de maintien de la paix et de consolidation de la paix ont connu une évolution fondamentale au cours des quinze dernières années. Peu ambitieux et contraint par l’opposition Est-Ouest pendant la guerre froide, le maintien de la paix onusien a évolué aux plans qualitatif et quantitatif avec la revitalisation de l’ONU consécutive à la fin de la guerre froide.

L’ONU est alors devenue acteur et non plus seulement structure par le biais d’opérations dépassant les seules logiques intergouvernementales. Le " nouvel interventionnisme " de l’ONU du début de la décennie 1990 s’accompagne des débats sur le concept d’opération humanitaire, revisité et théorisé dans la deuxième moitié de la décade autour des concepts de Responsabilité de protéger et de sécurité humaine.

Dans le même temps, les difficultés ou échecs rencontrés par les opérations onusiennes dans un certain nombre de cas (Bosnie-Herzégovine, Somalie, Rwanda) posent la question de la capacité de l’organisation à répondre au double défi de son mandat de " maintien de la paix et de la sécurité internationales " (approche idéaliste/libérale) et de réponse aux attentes de ses Etats-membres (approche réaliste/néo-libérale). En pratique, ceci se traduit par un repli significatif de l’ONU des politiques de gestion de crise entre 1994 et 1999, avant un retour en force dans le champ large du maintien et de la consolidation de la paix, à la faveur des conflits en Afrique de l’Ouest, au Timor et au Kosovo. En 2006, l’ONU déploie plus de 90 000 personnes dans 18 opérations dites de maintien de la paix, ce qui fait d’elle un acteur essentiel de la gestion de la sécurité internationale. La presque totalité de ces opérations prennent place dans des environnements en principe post-conflictuels et intègrent un volet civil important autour des politiques de consolidation de la paix.

Une telle activité pose de nombreuses questions qui intéressent la science politique et les relations internationales :

- en quoi l’ONU relève-t-elle de l’acteur semi-autonome et en quoi traduit-elle les politiques des Etats dans les opérations de maintien et de consolidation de la paix ?
- quelles écoles de pensée permettent de rendre compte de l’activité onusienne en matière de maintien et de consolidation de la paix ?
- dans quelle mesure les politiques de consolidation de la paix traduisent-elles la volonté d’imposer la " paix libérale " à des sociétés peu réceptives ?
- qu’est-ce qui fonde la légitimité des opérations de maintien et de consolidation de la paix ?
- en quoi la souveraineté des Etats récipiendaires des opérations est-elle préservée et en quoi les opérations onusiennes traduisent-elles l’érosion du concept de souveraineté ?

Au-delà de ces questions, c’est aussi la capacité de l’ONU à répondre aux " nouveaux " défis de la sécurité internationale qui est posée. En quoi la sécurité humaine, en tant que niveau d’analyse se juxtaposant aux niveaux national et international, transforme-t-elle le rôle de l’ONU dans la gestion des crises ? Comment les approches réalistes et libérales institutionnalistes peuvent-elles être réconciliées avec le concept de Responsabilité de protéger et la prise en compte de considérations éthiques dans la gestion de crises (voir le cas du Darfour) ?

L’atelier visera à analyser les évolutions des pratiques onusiennes en matière de maintien et de consolidation de la paix tout en replaçant ces évolutions dans un cadre conceptuel et théorique s’appuyant sur la théorie des relations internationales. L’analyse empirique de l’évolution des pratiques de l’ONU sur le terrain s’accompagnera donc d’une réflexion théorique sur les fondements des politiques de consolidation de la paix, l’impact de la sécurité humaine sur les politiques institutionnelles, et l’applicabilité du concept de Responsabilité de protéger.

 

Peacekeeping and Peace Building: the New Paradigms

The concepts of peacekeeping and peace building have undergone a fundamental evolution over the past fifteen years. While unambitious and constrained by the East-West divide during the Cold War, classic UN peacekeeping both qualitatively and quantitatively changed with the revitalization of the UN that followed the end of the Cold War.

Today, owing to operations which surpass a purely intergovernmental logic, the UN is an actor and no longer just a structure. The UN’s "new interventionism" of the early 1990s was accompanied by new debates around the concept of humanitarian intervention; and these, in the second half of the 1990s, have been revisited and theorized around the concepts of The Responsibility to Protect and Human Security.

At the same time, the difficulties and failures of some peacekeeping operations (Bosnia & Herzegovina, Somalia, Rwanda) raise the question of the UN’s capacity to meet the double challenge of its mandate: "to maintain peace and security at the international level" (idealist/liberal approach) and to respond to the expectations of its Member States (realist/neo-liberal approach). In practice, this resulted in the UN’s significant withdrawal from the field of crisis management between 1994 and 1999, followed by its forceful return to peacekeeping and peace building in West Africa, East Timor and Kosovo. In 2006, the UN had more than 90,000 personnel deployed across 18 different peacekeeping operations, making it the quintessential actor in the management of international security. Most of these operations took place in a post-conflict environment and involved an important civilian component based upon the policies of peace building.

Such activities raise many questions of great interest for both political science and international relations:

Beyond these questions, our workshop would also like to address the question of the UN’s capacity to deal with the "new" challenges of international security. How has the concept of Human Security — as a distinct unit of analysis juxtaposed against national and international units — transformed the UN’s role in crisis management? How can realist and liberal institutionalist approaches be reconciled with the concept of The Responsibility to Protect, and to what extent can they take into account the ethical considerations of crisis management (see the case of Darfur)?

Finally, the goal of the workshop is to analyze the evolution of UN practices in the fields of peacekeeping and peace building by locating these changes within an international relations conceptual and theoretical framework. Empirical analysis of the evolution of UN practices in the field will thus be accompanied by theoretical reflections over the foundation of peace building policies, the impact of human security on institutional policies, and the relevance of the concept The Responsibility to Protect.