Atelier 28

Sorties de conflit

Responsables scientifiques :
Sandrine Lefranc (ISP, CNRS /Université de Paris X)
slefranc@u-paris10.fr

Laure Neumayer (CRPS, Université de Paris I) laure.neumayer@univ-paris1.fr

 

L’équipe " Grammaires internationales de la réconciliation ", installée à l’Institut des Sciences sociales du Politique, pôle Université de Paris X (anciennement LASP), s’intéresse depuis septembre 2004 aux politiques qui, après une période de violence ouverte, visent à produire de la coexistence. Les politiques étudiées sont très diverses : l’écriture et la diffusion d’un récit historique commun, les réparations aux victimes et les sanctions des coupables, la lutte contre les préjugés sur l’adversaire, l’institutionnalisation de la coexistence dans le cadre des administrations, ou l’organisation de dialogues sous diverses formes — celle, aujourd’hui canonisée, d’une commission de vérité, ou celle plus locale et discrète de la formation à la résolution des conflits et du dialogue entre " gens ordinaires ". Les enquêtes sont menées depuis des points de vue variés (en science politique, sociologie, anthropologie), dans différents lieux (Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Espagne, Kosovo, Pologne, République tchèque, etc.) et à différents moments postérieurs à la Deuxième guerre mondiale.

Cet atelier a une double vocation :
- Esquisser un bilan provisoire de ces trois années de recherche collective dans le cadre d’une ACI Prosodie intitulée " Grammaires internationales de la réconciliation ", sous la coordination de Sandrine Lefranc. L’équipe est composée par : Paloma Aguilar, Anne Bazin, Devrim Boy, Elisabeth Claverie, Nathalie Duclos, Sara Liwerant, Françoise Mayer, Georges Mink, Laure Neumayer, Valérie Rosoux, Danielle Rozenberg, Jean-Charles Szurek.
- Le faire d’une manière qui soit profitable à un public élargi, aux spécialistes des différentes dimensions de la situation de sortie de conflit (ce qui inclut ici la gestion d’un passé de violence), mais aussi aux politistes intéressés par les enjeux thématiques et théoriques plus larges soulevés par la question.

Pour cette raison, nous avons choisi de procéder de la manière suivante :
1) L’équipe présentera rapidement les résultats de la recherche et ses publications à la date du congrès.

2) Deux ou trois membres de l’équipe proposeront des textes et des communications qui tenteront de répondre, à partir de leurs propres enquêtes de terrain mais aussi des enquêtes réalisées par d’autres et de la littérature existante sur la sortie de conflit, à des questions présentant un niveau de généralité plus grand. Par exemple :
a) Peut-on agir de manière volontariste (i. e. politique) sur le rapport d’un groupe social à un passé violent ? Cette action volontariste implique-t-elle inéluctablement des effets pervers ?
b) L’analyse des situations de sortie de violence est-elle prisonnière d’une illusion de rationalité (lorsqu’elle présuppose des cycles — par exemple mémoriels — ou lorsqu’elle construit des modèles) ? Comment saisir la temporalité du rapport social à un passé violent (en termes de " moments " ou de périodes plus longues…) ?
c) Sur la base de quels critères les promoteurs (nationaux et internationaux) des politiques de sortie de la violence entreprennent-ils de construire un ordre social, et des principes de justice, nouveaux ?
d) Comment circulent les dispositifs et modèles de sortie de conflit, à l’échelle locale comme internationale ? Comment sont-ils exportés et importés ?
e) Problèmes terminologiques et rapport à l’objet : l’analyse des situations de sortie de conflit peut difficilement se passer d’un vocabulaire qui semble relever de la morale (lorsque l’objectif visé est la " réconciliation ", par exemple) et d’un registre nécessairement normatif. Comment utiliser cette terminologie, quelle est la cohérence interne de ces énoncés ? Comment se déprendre d’une perspective prescriptive, alors que les situations de violence sont des objets difficiles et que se constitue, principalement dans les pays anglo-saxons, une sous-discipline aux labels variables (résolution des conflits, justice transitionnelle, etc.) qui mêle registres scientifique, expert et moral ? Comment, comme entend le faire l’équipe de recherche, rendre possible une saisie de l’objet relevant de la sociologie politique " ordinaire " - qui soit attentive, par exemple, à l’insertion des débats mémoriels et politiques de sortie de la violence dans des jeux sociaux et politiques somme toutes " normaux " ?

3) Ces textes et communications seront discutés par des chercheurs, français et étrangers, pressentis pour leur connaissance du problème spécifique de la sortie de conflit et/ou pour la contribution apportée par leurs travaux aux réflexions théoriques plus générales.

 

After the conflict

This workshop will present preliminary results of a collective research project on "International policies of reconciliation". This project, coordinated since September 2004 by Sandrine Lefranc at the Institut des Sciences Sociales du politiques (University Paris X Nanterre), focuses on the policies which aim at producing coexistence after a period of open violence: writing a common historical narrative, compensating the victims and punishing the culprits, fighting prejudices, institutionalizing coexistence in civil service, or organising dialogue in different frameworks (from the widespread Truth and Reconciliation Committees to training in conflict resolution and fostering dialogue among "ordinary people"). The research covers several academic fields (political science, sociology, anthropology) and countries (Germany, Bosnia-Herzegovina, Spain, Kosovo, Poland, Czech Republic, etc) at various points in time after 1945.

The workshop will proceed the following way :

1.The workshop coordinators will briefly present the research group’s focus and publications to date.

2.Several members of the group will contribute papers on the following research questions:
- Can the relation of a social group to a violent past be shaped by political means ? Does such a volontarist action inevitably produce a backlash ?
- Is the analysis of post-conflict situations excessively rationalist, for example when it posits the existence of "cycles of memory" or draws models for reconciliation ?
- What are the criteria used by the national and international supporters of reconciliation policies in order to build a new social order and new principles of justice ?
- How do post-conflict policies and models circulate at the local and global level ? How are they imported and exported ?- Terminology issues : the analysis of post-conflict situations is frequently based on normative concepts, such as reconciliation. A prescriptive approach combining scientific, expert and moral arguments is the common ground of a scientific sub-field sometimes called "conflict resolution" or "transitional justice". How can post-conflict situations be studied with the "ordinary" tools of political sociology ?

3.These papers will be discussed by French and foreign researchers who are specialised in post-conflict situations or have contributed to the debate on this issue on a theoretical level.