Atelier 29

L’amitié dans les relations internationales

Responsables scientifiques :
Andrea Oelsner (Department of Politics and International Relations, University of Aberdeen)
a.oelsner@abdn.ac.uk
Antoine Vion (CERI Sciences-Po Paris) a.vion@univ-aix.fr

 

L’objectif de cet atelier est de savoir si les débats relatifs aux liens entre amitié et politique, qui mêlent diverses traditions philosophiques (Aristote, Mill, Wolestonecraft, Schmitt, Derrida, etc.) peuvent apporter quelque chose à l’analyse des relations internationales, et si le questionnement sur l’amitié dans les relations internationales ne peut pas déboucher sur des investigations empiriques originales. La démarche de questionnement répond à trois enjeux pour la science politique : théorique, méthodologique, et éthique.

D’un point de vue théorique, force est de constater que les différentes courants d’analyse des relations internationales ont porté peu d’attention aux questions d’amitié internationale, d’amitié entre les peuples, etc. Pour les réalistes et les néo-réalistes, cette question ne trouve qu’une place très subsidiaire manifestation parmi d’autres d’un jeu d’alliances dans le cadre d’un équilibre de puissance où le dilemme de sécurité reste le problème central. Si les analyses transnationalistes prennent plus au sérieux les mouvements, réseaux, ou manifestations d’amitié, ils les considèrent là aussi comme un type de relations transnationales parmi d’autres. C’est sans doute la tradition kantienne de la réflexion sur les facteurs de paix universelle, trouvant ses prolongements dans les travaux sur la paix démocratique, qui approche le plus ces questions, mais sans s’intéresser plus que cela aux manifestations d’amitié, leurs contextes, leurs formes, etc. A rebours de ces démarches d’analyse désormais classiques, nous voudrions donc porter une attention plus systématique aux manifestations d’amitié internationale en les concevant comme les formes privilégiées de (re)constitution de liens de civilité internationale. Loin de céder à un idéalisme ou un irénisme béat, nous constatons que tout un ensemble de faits politiques faisant référence à l’amitié sont observables chaque année dans les relations internationales sans être analysés pour eux-mêmes. Plusieurs questions sont ici ouvertes :

D’un point de vue méthodologique, cette question pose le problème des modes de saisie et d’analyse des expressions d’amitié. Que nous apportent des méthodes aussi diverses que les analyses cognitives (cognitive maps, etc.), les analyses pragmatiques des controverses ou des débats publics, les méthodes d’observation directe, les analyses longitudinales de réseaux, les enquêtes d’opinion relatives aux sentiments portés à l’égard de peuples étrangers (Eurobaromètres ou autres) ? L’atelier se voudrait ici un lieu de confrontation méthodologique très ouvert.

D’un point de vue éthique, il s’agirait de se poser la question de nos responsabilités scientifiques dans l’évolution des relations internationales. Sous-estimer ces phénomènes dans l’analyse ne conduit-il pas à des formes d’aveuglement proprement élitaires faisant des relations internationales un domaine réservé aux spécialistes et inaccessible à des processus de concernement autres qu’intellectuels ? Dans le récent débat sur la constitution européenne, un point quasiment absent de la réflexion des politistes a été par exemple le fait que l’élargissement n’a pas été porté ou au moins accompagné par des sociabilités comparables à celles qui avaient accompagné les premières adhésions (jumelages, associations d’amitié diverses, groupes d’amitié parlementaire très structurés, etc.). Devons-nous considérer ces formes de civilité comme négligeables parce qu’elles échappent à nos conceptions et nos pratiques ? Ne pouvons-nous pas, en tant que politistes, faire autre chose qu’opposer voire alterner les discours savants sur la gouvernance européenne et les discours critiques sur l’Europe des élites ?

 

Friendship in international relations

The aim of this workshop is to jump from philosophical debates about the links between firendship and politics to more empirical investigations on the status of friendship in contemporary studies of international relations. How can political science tackle this question theoretically, methodologically, and ethically?

Theoretically, few IR scholars seem to have been concerned with it. Given the centrality of the balance of power and the security dilemma, the question of friendship finds little place in realist and neo-realist theory. And while transnationalists have conducted a few studies, friendship movements and networks are not seen as a specific form of collective action. It is certainly the Kantian tradition, with its work on universal peace and subsequent research on democratic peace, that gets closer to the question of friendship, yet without engaging with issues such as manifestations of international friendship, their circumstances, types, etc.

In this context, we would like to explore the issue of expressions of friendship at the international level in a more systematic manner, by conceiving them as ways to (re)constitute links of international civility. A number of questions seem to be worth discussing:

Methodologically, this could give us the opportunity to compare the results of different strategies. Ethically, this would lead to ask ourselves about the role of IR scholars in the development of international relations. Underestimating these phenomena might lead to very elitist conceptions of international politics. Should we take international civility as negligible as far it does not fit conventional theories?