Atelier 33

Les acteurs du " régionalisme " : nouvelles perspectives

Responsables scientifiques :
Jean-Marie Izquierdo (IEP de Bordeaux)
txemaizki@libertysurf.fr
Tudi Kernalegenn (CRAPE, IEP de Rennes) tudi.kernalegenn@gmail.com

 

En France, les questions relatives aux nationalismes régionaux et régionalismes identitaires restent encore peu étudiées alors qu’à l’étranger cette littérature constitue un sous-champ des sciences sociales très dynamique. Cette différence s’explique peut-être dans la focalisation de cette littérature sur les partis politiques dits " ethno-régionalistes ", dont les forces restent souvent peu importantes en France métropolitaine. Des régionalismes forts se développent pourtant aussi en France, mais semblent exister de façon privilégiée dans d’autres arènes que l’arène électorale.

De fait, les mobilisations collectives sur fonds identitaire ou régionaliste n’intéressent pas les seuls partis politiques dits nationalistes ou régionalistes. Des mouvements de contestation de projets d’aménagement territorial (mouvements écologistes…), des syndicats territorialisés, des mobilisations linguistiques, participent très fortement à un travail de représentation territoriale, et de ce fait à la construction socio-politique de la réalité régionale. Par ailleurs, des mobilisations innovantes liées notamment aux Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) contribuent également à structurer une activité collective sur un référentiel identitaire et localisé (marketing territorial…).

Il peut alors être suggéré que les représentations identitaires territoriales sont des construits sociaux dynamiques en constante redéfinition. Contredisant ainsi la thèse de l’homogénéisation culturelle, le régionalisme — et plus généralement le territoire dans sa dimension culturelle et identitaire — devient une ressource pour différents types de mobilisation, notamment face aux logiques de la mondialisation et plus traditionnellement contre les effets supposés excessivement uniformisateurs des États-nations. Le territoire et l’identité permettent dès lors d’établir de nouvelles solidarités en dehors des cadres idéologiques classiques (mobilisations pragmatiques territoriales primant sur les affinités idéologiques traditionnelles ; pluralité des appréhensions idéologiques du territoire régional en fonction des situations et des acteurs qui permet néanmoins des rapprochements autour d’un même cadre territorial partagé).

L’objet de cet atelier sera d’appréhender les protagonistes de ces formes de construction territoriale et plus particulièrement régionale, en insistant sur le dynamisme et le pluralisme des processus sociaux territorialisant. Contrairement aux approches traditionnelles mettant surtout l’accent sur les dynamiques top-down et unitaires (rôle de l’État-nation et de ses institutions d’une part et des élites nationalistes d’autre part) l’atelier se concentrera sur les dynamiques bottom-up et pluralistes. Dès lors, loin de conclure sur la fin des territoires, il s’interrogera sur leur dynamisme et leur pertinence pour les acteurs. Aussi, le propos de cet atelier doit-il être à la fois empirique et méthodologique. Il s’agira d’illustrer les formes de participation qui s’inscrivent dans des logiques territoriales débouchant sur des identifications collectives. Le champ d’étude sera plus particulièrement la France, même si la comparaison avec d’autres contextes sera privilégiée. Aussi, l’atelier se centrera sur quelques axes identifiables :

Axe 1 : Les acteurs des mobilisations territoriales et plus généralement, les acteurs de la construction des réalités régionales : les syndicats, les associations culturelles ou linguistiques, les entrepreneurs, les protagonistes des mouvements sociaux, etc. Quels sont les rôles et les caractéristiques de chacun dans ces processus de territorialisation ? Quels sont les registres de la territorialisation utilisés par les acteurs qui n’apparaissent pas comme spontanément régionalistes ?

Axe 2 : Les pratiques et les stratégies des acteurs et leurs conséquences en termes de territorialisation : la construction des réseaux (l’impact — rôle, conséquences — des réseaux régionaux), les constructions de solidarités régionales, la place des pouvoirs publics (animateur, coordinateur, ou censeur…, la place des Systèmes productifs locaux), la mise en place de labels (isolationnisme ou stratégie collective de développement territorial : quels sont les enjeux du patriotisme régional ?), etc.

Axe 3 : Les idéologies des acteurs : les régionalismes dans les mouvances écologistes, syndicales, culturelles, etc. Quelles sont les boites à outil théoriques des différentes rhétoriques et pratiques régionalistes ? Quelles formes discursives et idéologiques d’appréhension de la région apparaissent ? Quels sont les desseins de ces néo-régionalismes ?

 

New Perspectives on the Regionalist Actors

Whereas the research on nationalism and identity in France focuses on the far-right and the immigrants ethnic minorities, the literature on regional nationalisms and ethno-regionalisms is still quasi-inexistent in comparison to what exists in other languages. This could be explained by the focus of this literature on "ethno-regionalist" parties, which are very weak in France. However, it misses the important point that strong regionalisms are developing in France outside the electoral arena.

Regionalist collective mobilisations are shaping territories, notably through green movements, territorialized trade unions, linguistic mobilisations, economic actors, territorial marketing campaigns, etc. This reminds us that regions are socio-political creations always in the process of being updated by a broad variety of actors with very different interests. In fact, territorial dynamics take alternative forms challenging the strength of cultural homogenisation. Moreover, they are tools to produce new solidarities beyond the traditional ideological divisions.

The purpose of this workshop will therefore be to make out the actors of territorial construction, with a specific emphasis put on the dynamical and plural aspects of the territorializing social processes. In opposition to traditional approaches, we will focus on bottom-up more than on top-down dynamics, and notice the importance of territories for social actors.

To do so, three main lines will be considered:

The actors of the territorial mobilisations and regional construction: trade unions, cultural associations, social movement protagonists… We will try to assess the roles and characteristics within the territorial process of actors that does not spontaneously appear as regionalist.

Strategies and practices, and their consequences in territorial building terms: the construction of networks (impact, role and consequences), the construction of regional solidarities, the role of state authorities, regional economical patriotism, etc.

Ideologies of the actors: What are the theoretical tool kits of neo-regionalisms? And what are their motivations? We will hope here to question the diversity of discursive and ideological ways to apprehend the region.