Atelier 6
Le cumul des mandats : causes et conséquences
Responsables
scientifiques :
Martial Foucault (Département de Science Politique, Université
de Montréal et Institut Universitaire Européen de Florence, Robert
Schuman Centre) martial.foucault@umontreal.ca
Abel
François (LARGE, Université Robert Schuman et Télécom
Paris, Dép. SES) abel@univ-paris1.fr
Julien Navarro (SPIRIT, Sciences Po Bordeaux) j.navarro@sciencespobordeaux.fr
Larchitecture administrative et politique de la France se singularise par une forte concentration des niveaux et des centres de décision, avec pour conséquence lexistence dune multitude de mandats politiques ; on compte en France pas moins de 550 000 mandats locaux et nationaux. Fort de ce " record ", une des spécificités du paysage politique français réside dans lexercice simultané dau moins deux de ces mandats. Toutefois, la connaissance scientifique et statistique de ce phénomène reste très parcellaire. Il manque notamment des mises en perspective historique qui permettraient de rendre compte de la genèse et de lévolution de cette pratique. Il nexiste, à notre connaissance, aucun travail empirique capable dévaluer limpact, sur le comportement des élus et des candidats, des dernières dispositions de 2000 et de 2003 de la réglementation française. De plus, peu de recherches ont entrepris une analyse comparative de la pratique du cumul des mandats. Les études se cantonnent habituellement à léchelon national limitant par là-même toute montée en généralité.
Ce constat dun déficit danalyse politique suffit à justifier de consacrer quelque attention au cumul des mandats, entendu comme lexercice simultané de plusieurs fonctions politiques. En outre, le cumul des mandats se situe au cur de plusieurs questions fondamentales de la science politique contemporaine. Ainsi, le cumul constitue-t-il, du point de vue de lanalyse électorale, un atout ou un handicap ? Quelle est son influence sur le comportement des élus ? Quelles sont les stratégies individuelles des candidats à légard du cumul des mandats ? Comment agit-il sur la structure du pouvoir local et sur la relation centre-périphérie ? Quel est le profil sociologique des cumulards ? Le cumul des mandats peut-il jouer comme un supplément de légitimité à lintérieur des partis politiques ?, etc.
Nous pouvons distinguer deux grands types dapproches du cumul des mandats dans la littérature existante. Selon la première explication, qui se fonde implicitement sur un modèle de choix rationnel, les politiciens cumulent parce quil est dans leur intérêt de le faire, cest-à-dire quils en tirent un surcroît de ressources pour faire campagne, un gain électoral ainsi quune " assurance " en cas de perte dun des mandats. Cette explication ne fonctionne que si lon spécifie les conditions qui facilitent la généralisation de cette pratique. Deux éléments se détachent en ce qui concerne la France : la faiblesse du pouvoir local et la centralisation territoriale, dune part, les rapports de force à lintérieur des partis politiques, de lautre. En faisant valoir la persistance dune conception patriarcale du pouvoir dans lhexagone, la seconde approche se fonde, quant à elle, sur une interprétation dordre culturel ; se trouve ainsi souligné le caractère idiosyncrasique du cumul des mandats. Seuls des travaux empiriques et comparatifs sont susceptibles de valider (ou dinvalider) ces modèles, et peut-être den faire émerger de nouveaux.
Au-delà dexplications globales ou de méta-analyses sur le sujet, lobjectif de cet atelier est de susciter la réflexion sur les " angles morts " de lanalyse du cumul des mandats. Le premier axe à explorer porte sur larticulation entre cumul vertical (dans lespace) et cumul horizontal (à travers le temps). Plus exactement, lon doit se demander comment la présence (ou labsence) de cumul affecte les choix de carrière et les ambitions des politiciens. Cela revient donc à placer les thématiques des motivations et des trajectoires politiques au centre de lanalyse du cumul.
Il sera intéressant, en deuxième lieu, de problématiser le cumul non seulement à partir des avantages ou bénéfices quil procure, mais aussi comme un " coût " pour ceux qui lexercent. Le fait de cumuler induit, potentiellement, un accroissement de la charge de travail, une exacerbation des conflits entre les intérêts à défendre, ainsi quun rejet de la part des électeurs. Le défi est alors de déterminer à quelle(s) condition(s) leffet du cumul est positif ou négatif.
Cela conduit, finalement, à sinterroger non seulement sur la situation de lélu cumulard mais encore sur les stratégies individuelles de cumul. Les candidats au cumul présentent-ils un profil particulier ? Disposent-ils de plus de ressources pour faire campagne ? Quadvient-il en cas déchec ? Cela affaiblit-il la position de lélu lors de léchéance électorale suivante ? Autrement dit, il convient délargir la perspective en précisant les causes et les conséquences des tentatives de cumul, que celles-ci soient une réussite ou un échec.
Afin de relever les défis théoriques et empiriques que pose létude du cumul des mandats, cet atelier entend privilégier les approches novatrices fondées sur un matériel empirique original et, si possible, comparatif.
The "cumul des mandats": origins and consequences
The French political and administrative architecture is characterized by a strong concentration of decision-making powers, both at the local and the national level. This situation leads to politicians holding several elected offices. Currently, about 550,000 elected officials hold one or more local and national offices, a minority of them simultaneously. The cumul des mandats, so-called multiple office-holding, is deeply rooted in the French institutional system, with the regular practice of a local elective office and a parliamentary office. In the same time, few scholars have investigated the origins and the evolution of such a pratice. Indeed no attention has been paid to the consequences of the new French regulations introduced in 2000 and 2003 on the behavior of candidates and elected officials.
This workshop intends to emphasize some recurrent questions on electoral behaviour. Does the "cumul des mandats" favour or not the candidates running for office? How does it influence the behaviour of officials? What are the individual strategies designed by candidates? How does the "cumul des mandats" act on the connections between both local and national levels? Are there some sociodemographic types of elected officials who run for different offices? Is the "cumul des mandats" a way of increasing legitimacy within the political party?
The first axis of this workshop consists in investigating the relationships between a vertical representation (in space) and a horizontal approach (across time) of "cumul". In this perspective, it must be considered to discuss the consequences of the "cumul des mandats" on the individual ambitions or careers of politicians. The second axis is dedicated to the structure of costs derived from the practice of the "cumul des mandats". Whereas the "cumul" brings benefits for the practitioners, it induces an increasing workload, an increase of any dispute to solve, and a lower appreciation by voters. The challenging question consists in determining under which conditions the "cumul des mandats" brings benefits or disadvantages.
All research approaches based on both an original and comparative empirical material are strongly encouraged within this workshop.