Atelier 9

Le pamphlet politique

Responsable scientifiques :
Hastings Michel (CEPEN, IEP de Lille) michel.hastings@voila.fr

Passard Cédric (CEPEN, IEP de Lille) cedric.passard@wanadoo.fr

 

"Texte court et violent attaquant les institutions ou un personnage connu". La définition laconique du dictionnaire enregistre le caractère très hétérogène des écrits que l’on nomme pamphlet. L’usage ordinaire aggrave encore le flou notionnel et les lieux communs prolifèrent sur un genre littéraire qui suggère à la fois la satire, l’outrance, la caricature, la polémique, la dénonciation, l’invective, le bon mot et le scandale. Qui y a-t-il de commun en effet entre les libelles contre Mazarin, les brûlots révolutionnaires, les articles d’Henri Rochefort et les essais de Roger Nimier ? Mal connu, peu étudié, le pamphlet politique entre dans la catégorie des Objets Politiques Non Identifiés, en quête de légitimité scientifique.

L’ambition majeure de cet atelier consistera à essayer de construire la richesse heuristique du pamphlet politique. Les communications et discussions revêtiront donc une dimension résolument programmatique et méthodologique. La métaphore du " chantier " sied à un effort de problématisation que nous souhaitons débattre à partir d’un certain nombre de questions. Comment la science politique peut-elle interroger le pamphlet et inversement comment celui-ci interroge-t-il la science politique ? Comment travailler d’un point de vue politiste cet objet mal défini, propice aux corpus intuitifs, rassemblant des écrits disparates, réactionnaires ou progressistes, des écrivains célèbres et des folliculaires sans talent ? Comment interroger le pamphlet pour qu’il nous dise quelque chose sur la politique, ses usages et ses mises en mots ?

Dans l’ordre des discours politiques, il met en lumière des figures de médiation entre les champs littéraire et politique, le pouvoir et le lecteur, les grands et les petits. Journaliste, publiciste, essayiste, le pamphlétaire est un observateur, un metteur en scène, un commentateur, un moraliste. Ce positionnement social particulier du pamphlétaire ainsi que la singularité du pamphlet comme genre littéraire conduisent à envisager la politique sur un mode non pas mineur mais indirect et à repenser le rôle inducteur des modalités d’expression considérées comme marginales.

Trois ensembles de questionnements seront privilégiés.

1. Le premier renvoie aux différentes propriétés de la parole pamphlétaire. Cette approche cherchera à identifier non pas une quelconque substance du pamphlet mais le pamphlet à travers ses techniques d’écriture, ses principales topiques et ses effets de narration et d’interpellation. Existe-t-il une grammaire pamphlétaire, une économie interne constituée de suffisamment d’invariants pour évoquer une écriture sous contrainte ? Les structures du récit pamphlétaire sont-elles codifiées ? Peut-on repérer, au-delà des logiques socio-historiques propres aux milieux dans lesquels les pamphlets sont produits, des rites de littéralité, des poses discursives, bref des manières singulières de dire la politique ?

2. Le second porte sur les enjeux socio-politiques du discours pamphlétaire. Il s’agira d’analyser comment le pamphlet s’adapte, à un moment donné, à un horizon d’attente politique particulier et, réciproquement, comment il contribue à l’organisation d’un espace public à géométrie certes variable mais dans lequel la chose politique se discute, s’invective, se dénonce au nom d’une vérité bafouée ou de valeurs méprisées. La figure prophétique et solitaire du pamphlétaire renvoie-t-elle à un imaginaire pré-démocratique ? La sensibilité du pamphlet à l’événement, sa manipulation des registres émotionnels (colère, peur, ressentiment), mais aussi ses supports médiatiques (placards, brochures, journaux populaires, essais) permettent-ils de s’interroger sur l’acceptation sociale du message pamphlétaire, et sur sa contribution aux processus de politisation voire de nationalisation du politique ? Destiné à faire réagir, le pamphlet peut-il aussi s’étudier dans le cadre d’une sociologie politique de la réception et des apprentissages sociaux de la protestation ?

3. Le troisième s’intéresse à la pertinence de la comparaison des expériences pamphlétaires selon la nature des régimes politiques. Nous espérons par une mise en contexte historique saisir le jeu qui s’établit entre le pamphlétaire, le pouvoir politique et les différentes institutions d’autorité. Censures, procès, emprisonnements, le droit fabrique et sanctionne la nature scandaleuse du pamphlet en y cherchant une déviance, une insulte, un blasphème. Le pamphlet n’offre-t-il donc pas l’occasion d’interroger le statut même de la transgression en politique et du répertoire de ses modes d’interprétation et d’acceptation sociale (soutien, rejet, recyclage) ? Ne permet-il pas enfin de penser autrement la violence politique, violence des mots et violence des appareils ?

Entre littérarisation du politique et politisation de la littérature, le pamphlet politique repose les questions de l’engagement et de la participation à travers non seulement ses modalités d’actions mais aussi ses configurations normatives.

 

Political Lampoon

"A short and violent text taking on institutions or well-known persons". This laconic definition from dictionary shows the heterogeneous nature of lampoons.

The aim of this workshop will consist of building the heuristic density of the political lampoon. Communications and discussions will be mainly programmatic and methodological. How political science can question lampoons and vice versa how lampoons can question political science? How is it possible to study from political scientist perspective such a flexible concept? How to question lampoons in order to know something about politics ?

Lampoons bring figures of mediation to light : journalists, publicists, essayists. Lampoonist is an observer, a director and a moralist of politics.

We have chosen three series of questions.

1°- The first one refers to the different properties of the lampoonist discourses. This approach will try to identify not a kind of essence but the lampoon through its techniques of writing and its main topics. Does a lampoonist grammar exist? Is it possible to discover rituals of writing, invariant ways of narrating politics beyond the different historical contexts?

2°- The second series of questions will turn on social and political stakes of lampoonist discourses. It will be a matter of analysing the way in which lampoons and lampoonists contribute to the organisation of a public space in which politics is discussed, denounced in the name of a scorned truth or despised values. Does the lampoonist personify a pre-democratic figure ? Does the catalogue of social emotions (anger, fear, resentment) contribute to the historical process of politisation ? Do lampoons allow to study the social learnings of protest ?

3°- The third series of questions will be interested in pertinence of a comparative approach of lampoonist experiences according to the nature of political systems. We hope to understand the link between the lampoonist, the political government and the different institutions of authority. Censorship, legal proceedings, imprisonment, law build and punish the outrageous nature of lampoon. Do lampoons permit to analyze the status of transgression in politics ? Do they allow to think the relations between the violence of words and the violence of institutions ?