Table ronde 3
Etats
démocratiques et reconnaissances de la "diversité".
Analyse comparée du renouvellement du pluralisme politique
Democratic
states and recognition of diversity. The renewal of political pluralism in comparative
perspective
Responsables
scientifiques :
William Genieys
(CEPEL,
CNRS UMR 5112/Université Montpellier 1)
wgenieys@univ-montp1.fr
Hubert Peres (CEPEL,
CNRS UMR 5112/Université
Montpellier 1)
hubert.peres@univ-montp1.fr
Résumés / Abstracts
BURCHIANTI Flora
(SPIRIT Sciences Po Bordeaux)
La politisation de la question migratoire en Catalogne et en Andalousie : les recompositions de lidentité régionale au prisme des nouvelles revendications identitaires dans lespace public
Cette
communication interroge les effets de l'émergence d'un nouveau pluralisme
culturel au sein de l'Espagne contemporaine, nouveau pays d'immigration, et
la façon dont celui-ci et les revendications identitaires qui en sont
le corollaire conduisent à la recomposition ou non des identités
régionales Catalane et Andalouse. Dans ces deux régions, le champ
politique est relativement autonome par rapport au centre : il possède
à la fois ses propres élites, ses propres moyens d'action publique,
ses propres relais politiques des intérêts. Cette autonomie relative
fait qu'en Catalogne comme en Andalousie, l'immigration et la diversité
ont été construites en problème public par des voies différentes.
C'est par
l'analyse des modes de construction singuliers de ce problème public
que nous mettrons en relief à la fois l'expression de revendications
identitaires de la part de ces "nouvelles" populations mais aussi ses effets
sur la recomposition de l'identité de ces deux communautés. Devant
le flou du "modèle national" espagnol, les acteurs usent de cadres cognitifs
qui renvoient à des registres identitaires en conflit. Ces conflits et
arrangements pèsent largement sur la politisation des questions migratoires
dans l'espace local. C'est aujourd'hui dans ces affrontements, dans la politisation
des identités et dans le travail d'interrogation des Communautés
Autonomes sur elles-mêmes que celles-ci cherchent à inventer un
modèle particulier de gestion de la diversité.
The
purpose of this paper is to identify the consequences of the emergence of a
new cultural pluralism in contemporary Spain, following the rise in immigration
rates. This emergence, coupled with demands for identity recognition, has led,
in some cases but not systematically , to the reconstitution
of former regional identities in Catalonia and Andalusia. These two regions
benefit from a relative political autonomy from the centre: for instance, they
have their own elites, their own public policy processes and instruments, and
their own particular political interest groups. As a consequence to this relative
autonomy, immigration and diversity have arisen as public policy issues on very
distinct basis and following very distinct paths.
Analysing these singular processes is then a way to focus on the expression
of these demands of identity recognition on the part of the newly arrived populations.
It is also a way to enlighten the manner in which these demands induce modifications,
adaptations or adjustments in the identity of the two autonomous regional communities.
As the Spanish national model of citizenship remains vague and loosely defined,
actors may step into these breaches and refer to, or promote, conflicting identities.
Therefore, all these factors these conflicting models, the politicization
of identities, and the examination of their own identity by the two autonomous
communities are essential elements to analyse the attempts of Catalonia
and Andalusia to design original ways to manage cultural pluralism on their
territory.
RECONDO David
(CERI-Sciences Po/CNRS)
La reconnaissance de la diversité ethnoculturelle dans le domaine électoral. Une analyse comparative Mexique-Bolivie
Nous étudierons la reconnaissance par lEtat, au Mexique (Oaxaca) et en Bolivie (Chapare), de modalités particulières dites " coutumières " de délibération politique, au niveau local. Nous analyserons, dune part, les raisons dune telle reconnaissance qui marque une rupture par rapport à une tradition républicaine héritée des Lumières et inspirée du modèle français ; dautre part, nous examinerons les effets que cette rupture normative a eus sur les régimes politiques. Les deux pays ont en commun davoir opéré, dans un contexte de crise de la dette, une réforme de lEtat incluant, entre autre, le transfert de prérogatives aux municipalités. Dans les provinces rurales et indigènes, un tel transfert, sest accompagné dune valorisation des coutumes de délibération en assemblée pratiquées par les communautés. Linstitution traditionnelle de lassemblée de village, héritée de lépoque coloniale, sest vue reconnaître un rôle décisionnel dans lallocation des ressources publiques. Un tel processus naît de la crise des modalités traditionnelles de médiation clientéliste. Elle a pourtant des effets très différents, dun pays à lautre. Ainsi, en Bolivie la consolidation de ces espaces de participation permet un renouvellement du personnel politique au niveau local, puis national, tandis quau sud du Mexique, le changement reste très limité et cantonné au niveau local.
We will study the recognition by the State of local customary forms of deliberation, in the indigenous regions of Mexico (Oaxaca) and Bolivia (Chapare). Fist of all, we will analyze the reasons that led the officials in charge to favour such a normative change. Then we will examine the impact such recognition has had on the overall political regime. Both countries have gone through a process of State reform, including measures of decentralization towards municipalities. In rural and indigenous regions these measures have gone hand in hand with the revaluation of local forms of deliberative assemblies which origins go back to colonial times. Such a process is partly due to the crisis of traditional mechanisms of clientelism. Nevertheless, it has had very different impacts on each countrys political regime. In Bolivia, such reforms have allowed a real renewal of local and national political elite, whereas in Mexico it barely led to open up local politics to new actors.
ROUX Christophe
(CIRCaP Sienne)
Les nations sans Etat dans les théories contemporaines du nationalisme : présupposés normatifs et défis empiriques dun recours à la sociologie des mobilisations
Cette contribution vise à montrer, à travers le cas des "nations sans Etat", en quoi le débat sur la reconnaissance démocratique de la diversité est susceptible de souffrir de déséquilibres entre approches normatives et perspectives empiriques. Elle entend dabord mettre en lumière les présupposés normatifs implicites qui sous-tendent les principales définitions de base qui saffrontent dans le domaine du nationalisme et montrer que ceux-ci ne sont pas toujours bien fondés au vu des données empiriques disponibles ; ensuite, souligner la nécessité et les axes dune sociologie de laction collective afin de comprendre la dynamique des identités en quête de reconnaissance ; enfin, esquisser de possibles hypothèses expliquant la distance persistante entre théorie politique et approche sociologique du nationalisme.
This paper aims at showing, through the case of the so-called stateless nations, to what extent debates on the democratic recognition of diversity can suffer from unbalances between normative approaches and empirical perspectives. Its purpose is, first, to shed light on implicit normative claims that underpin competing key definitions in the field of nationalism and to show to what extent they are not always well-grounded according to available empirical data; then, to underline the need for the sociology of nationalist collective action in order to understand the very dynamics of identities in search of recognition with a possible research agenda; last, to suggest possible explanations of the reasons of such an enduring gap between theoretical argumentation and the empirical analysis of nationalism.
TRAISNEL Christophe
(Univ. Moncton - Canada)
Sociétés distinctes et " diversités ". La reconnaissance des différences culturelles et linguistiques dans la définition des petites sociétés québécoise, wallonne et acadienne
Certains mouvements nationalistes cherchent à négocier la reconnaissance de " petites sociétés " dont ils ont pris en charge la défense. Comment ces mouvements identitaires répondent-ils aux objections qui leur sont faites par certains groupes culturels, au sein même de leur communauté, à propos de ces discours identitaires jugés homogénéisants ? LÉtat central, invoquant le respect de la diversité culturelle, se sert bien souvent de ces objections pour remettre en cause la légitimité des demandes de reconnaissance qui lui sont adressées par les nationalistes. De son côté, en acceptant de modifier son discours identitaire, le mouvement nationaliste cherche à se ménager le soutien de ces groupes, indispensable à sa stratégie de mobilisation. Dans une perspective comparative et à travers une lecture en terme de mouvement social, nous montrons comment les discours identitaires tenus par trois mouvements nationalistes ont intégré cette idée dune reconnaissance de la diversité au sein même de leur discours sur la nation (Québec), sur le peuple (Acadie), ou sur la région (Wallonie), et comment ces approches identitaires " ouvertes " ont été reprises par les institutions locales. Au Québec, par exemple, le gouvernement a développé lidée dune nation interculturelle au sein de laquelle chaque groupe (anglophone, autochtone, ) a sa place. En dépit de contrastes notables, nous montrons que le processus est similaire en Wallonie et en Acadie.
Some nationalist movements seek to negotiate recognition of the "small societies" which they have taken upon themselves to defend. How do these identity movements react to objections made by the cultural groups within their own communities to identity discourses which are deemed to be homogenizing? The central state, citing respect for cultural diversity, very often uses these objections to challenge the legitimacy of requests for recognition addressed to it by the nationalists. The nationalist movement, by agreeing to modify its identity discourse, seeks to win the support of these groups, which is essential to its mobilization strategy. Based on a comparative perspective and in light of social movement perspective, we show how the identity discourses held by three nationalist movements have each incorporated the idea of recognizing diversity into their own discourse on the nation (Quebec), the people (Acadia), or the region (Wallonia), and how these "open" identity approaches have been taken up by local institutions. In Quebec, for example, the government has developed the idea of an intercultural nation within which each group (English-speaking, Aboriginal, and so on) has its own place. In spite of marked contrasts, the process appears to be similar in Wallonia and Acadia.
TROUPEL Aurélia
(ERMES Université de Nice Sophia-Antipolis)
Composer avec une nouvelle règle du jeu politique : les partis politiques et la loi sur la parité
Lavènement de la loi sur la parité destinée à mettre un terme à la sous-représentation des femmes en politique est traditionnellement expliqué par le rôle du Mouvement pour la parité et linfluence de lUnion Européenne. Si effectivement la fédération dassociations féministes et la médiatisation de leurs actions expliquent en grande partie le succès de la revendication paritaire, le fonctionnement du jeu politique doit également être pris en compte pour comprendre sa mise sur agenda. Ladoption de la loi sur la parité devenue une nouvelle règle régissant la compétition politique a été dautant plus facilement acceptée que les partis politiques ont pu tester en amont ses effets et quils ont défini eux-mêmes ses contours. En effet, si les partis politiques ont accepté dintégrer cette demande politique cest parce quils ont les moyens de contrôler et de gérer les changements introduits par cette nouvelle règle, à la fois dun point de vue législatif (au moment de lélaboration de la loi et en modifiant les règles électorales) mais également dun point de vue " pragmatique ", les pratiques politiques (présentation de listes dissidentes par exemple) servant occasionnellement à neutraliser les effets attendus de la loi.
The advent of the gender parity law which aims at putting an end to the under-representation of women in politics is traditionally explained by the role of the "Mouvement pour la parité" and the influence of the European Union. If the federation of feminist associations and the mediatization of their actions are largely responsible for the success of the demand for gender parity, the functioning of French politics should also be taken into account to understand how this reform appeared on the political agenda. The adoption of the gender parity law was all the more easily accepted that political parties were able to test its effects and shape its outlines. In fact, political parties agreed to integrate this political request because they could control and manage the changes introduced by this new rule, not only from a legislative point of view, but also from a pragmatic one, political practices sometimes being a means of neutralizing the potential effects of the law.
ALLOUCH Annabelle
(OSC-CNRS-Siences Po) ; BUISSON-FENET Hélène (LEST-CNRS) ; Van
ZANTEN Agnès (CNRS-Sciences Po)
Politiques douverture sociale en France et doutreach en Angleterre : quels effets sur l "enchaînement institutionnel" et la concurrence entre des établissements engagés dans la diversification des élites scolaires ?
Dans
une période récente, une série de " grandes écoles "
françaises ont mis sur pied des politiques de gestion de la diversité
reposant sur la mise en place de formules alternatives à lentrée
sur concours mais aussi sur des systèmes de tutorat et dinformation
des lycéens détablissements défavorisés. De
leur côté, certaines universités délite en
Angleterre se sont lancé dans des pratiques dites " doutreach".
Lobjectif
de cette présentation ne consiste pas à développer une
réflexion sur les changements induits dans les institutions éducatives
ou même plus largement à évaluer la " démocratisation
des élites scolaires ". En revanche, nous souhaitons proposer
quelques éléments danalyse sur les effets de ces politiques
en matière " denchaînement institutionnel " :
dans quelle mesure modifient-elles les " pontages " entre
établissements publics et privés, de lenseignement secondaire
comme de lenseignement supérieur ?
La communication
explorera comment lintroduction des classes pour élèves
défavorisés recompose les relations entre des établissements
denseignement secondaire dexcellence habitués à fonctionner
au sein dun quasi-marché oligopolistique, et entre des établissements
défavorisés, peu tournés vers la compétition externe.
Nous mobiliserons pour ce faire une analyse en termes de " réseaux daction
publique " et solliciterons les travaux sociologiques qui se sont
penchés sur larticulation entre les organisations et leur environnement.
Since
2000 elite higher education institutions in France and England have developed
policies aiming at increasing social participation and ethnic diversity under
pressures from various economic and social interest groups. On one hand, the
English Public schools have promoted "outreach policies" ; on the
other hand, several prestigious Grandes Ecoles in France are testing different
formulas of "social opening". In this presentation, we are interested
not so much in the changes brought by these new policies inside educational
institutions or in the social system as a whole, but in how they modify the
national and local institutional linkages between secondary and elite higher
education institutions.
Actually, prestigious schools in both countries have traditionally developed
privileged relationships with a limited number of state and private schools
competed with each other for earning more places for their students in elite
institutions within established oligopolistic educational quasi-markets. Has
the "positive action" altered the current system of institutional
linkages in significant ways ?
The presentation will be based on two on-going research projects in France and
England including detailed studies of several higher education institutions
and secondary schools in both countries. From a theoretical point of view, it
will rely on notions developed by political scientists working on " policy
networks " and by sociologist who have worked on the relationship
between organizations and their environments.
CARTER Caitriona
(University of Edinburgh) & SMITH Andy (SPIRIT Sciences Po Bordeaux)
Sectoral Diversity, Territory and Public Authorithy : Scottish Fisheries and Whisky Compared
Ce
papier examine le pluralisme politique sous langle de lautonomie
respective des secteurs industriels dans un seul Etat membre de lUE: le
Royaume-Uni. Dans tous les secteurs de la société britannique,
lintégration européenne et la devolution ont changé
la manière dont se façonnent les politiques publiques. Mais la
redistribution du pouvoir de fabriquer les politiques varie considérablement,
ainsi créant une patchwork dautorité que la
recherche peine toujours à cerner. Ce papier développe une grille
danalyse pour interpréter cette diversité sectorielle et
pour souligner le rôle que joue le territoire dans la détermination
de lattribution politique (political assignment) de la légitimité
décisionnelle.
Tout dabord,
nous développerons une approche de la diversité sectorielle qui
place les usages politiques du territoire au cur de lanalyse. On
proposera 1) que linstitutionnalisation dun secteur est indissociable
de sa légitimation et 2) que, au sein de chaque secteur, le territoire
joue un rôle légitimant dans la détermination des frontières
géographiques des instruments daction publique, de léligibilité
des acteurs et dans les symboles utilisés pour politiser les enjeux de
politique publique.
Ensuite,
le papier appliquera cette approche institutionnaliste territoriale
à lanalyse de deux des industries les plus importantes en Ecosse :
la pêche et le whisky. Cette section abordera les causes des différences
ou des similitudes sectorielles et ce quelles nous enseignent sur le pluralisme
au sein de lespace politique écossais-britannique-UE contemporain.
Ce faisant, nous proposerons une démarche de recherche qui se veut généralisable
à la comparaison du pluralisme politique dans dautres parties de
lespace politique européen.
This
paper examines political pluralism from the angle of the respective
autonomy of industrial sectors within one EU member state: the UK. European
integration and devolution have changed the way public policies are made in
every sector of British society. Yet, redistribution of power to make policy
varies considerably, creating a patchwork of assignment which research
struggles to grasp. This paper develops an analytical grid to interpret such
sectoral diversity and to underline the role of territory in determining the
political assignment of decision-making authority.
First, we develop an approach to sectoral diversity which places political usages
of territory at the heart of analysis. It will be argued that 1) the institutionalization
of a sector is indissociable from its legitimization and 2) within each sector,
territory plays three essential legitimizing roles: setting geographical boundaries
on policy instruments, defining the eligibility of actors and providing symbols
for the politicization of policy issues.
Second, the paper applies this territorial institutonalist approach
to two of Scotlands most important industries: fisheries and whisky. This
section tackles the causes of inter-sectoral difference or similarity and what
these tell us about pluralism within the contemporary Scottish-UK-EU polity.
In so doing, we propose a generalizable research design for comparing the sectoral
dimension of political pluralism within other parts of the EUs polity.
FOUROT Aude-Claire
(Université de Montréal)
Pluralisme religieux, gestion politique de lintégration et gouvernance urbaine
Notre
communication analyse le traitement municipal des demandes religieuses des immigrants
à travers une comparaison de deux villes de la région métropolitaine
de recensement (RMR) de Montréal, soit Montréal et Laval. Elle
se concentre sur le cas des immigrants de confession musulmane et létablissement
de mosquées compte tenu de laccroissement rapide de cette religion
au Canada et particulièrement au Québec et des polémiques
récentes que certaines de ces demandes ont suscitées.
Lintégration
des immigrants se fait dans un contexte urbain qui a beaucoup changé
du point de vue des relations verticales entre les ordres de gouvernement et
des relations horizontales entre les acteurs de la ville. Ainsi, comment les
mutations institutionnelles et politiques au sein des villes façonnent-elles
le traitement des demandes à caractère religieux des immigrants
de confession musulmane ?
Nous montrons
que les traitements municipaux des demandes religieuses des immigrants de confession
musulmane sont influencés par quatre types de facteurs : les relations
intergouvernementales ; les relations entre les acteurs locaux, notamment
entre les élus et les fonctionnaires ; les types de médiations
entre les municipalités et les associations religieuses ; et enfin
le rôle des discours sur laccommodation des demandes à caractère
religieux.
Our
proposed study examines the municipal management of immigrants religious
demands via a comparison of Montreal and Laval, two cities that form part of
the Census Metropolitan Area (CMA) of Montreal. This study focuses on Muslim
immigrants and the establishment of mosques, due to the fast growth of
this religion in Canada, particularly in Quebec, and recent disputes that some
demands have provoked.
The integration of immigrants is evolving in an urban context where the vertical
relations between the levels of governement and the horizontal relations between
local actors have changed. This study will examine how institutional and political
variations in cities shape the responses of religious demands made by Muslim
immigrants.
We show that the municipal responses to the religious demands of Muslim immigrants
are influenced by four main factors: intergovernmental relations; relations
between local actors, in particular politicians and administrators; the different
types of mediation between local governments and religious associations; and
finally the role of discourses concerning the accommodation of religious demands.
JACQUOT Sophie
(Centre d'Etudes Européennes/Sciences Po)
L'Union européenne et l'émergence de la "diversité": évolution de l'action publique communautaire en matière de lutte contre les discriminations
Cette
communication retrace le processus de changement de laction publique communautaire
en matière de lutte contre les discriminations. Alors que la politique
qui se met en place à partir du milieu des années 1970 se concentre
sur les inégalités fondées sur le sexe, la figure de la
diversité et la prise en compte dautres motifs de discrimination
émerge à partir de la fin des années 1990 et tend à
devenir le mode exclusif de traitement politique des inégalités.
Dans une
première séquence, cette politique se caractérise par un
" modèle de lexception " dans lequel la différence
des sexes bénéficie dun primat sur les autres différences
et laction publique destinée à lutter contre les inégalités
que subissent les femmes dune légitimité spécifique.
La deuxième séquence voit lémergence dun " modèle
de la diversité " de portée générale.
Laction publique de lutte contre les inégalités est profondément
bouleversée : le mode de traitement privilégié est celui
de la soft law, il est transversal à lensemble des domaines daction
de lUnion et sappuie sur des acteurs et des structures multiples
et fragmentés.
Ce changement
de politique sappuie sur un renversement cognitif qui fait des discriminations
non plus un avantage concurrentiel potentiel pour les entreprises mais une irrationalité
économique qui fonde la rhétorique de la diversité comme
facteur de compétitivité. La légitimité de la norme
dégalité passe par sa compatibilité avec la norme
de marché.
This
paper traces the process of change of the European anti-discrimination policy.
The policy which emerges in the mid-1970s only takes into account sex-based
inequalities, while, since the mid-1990s, the notion of diversity and the focus
on other grounds of discrimination tend to become the main mode of inequalities
treatment.
In a first sequence, this policy could be characterized as an exception
model within which women were considered as a special category and gender equality
policy enjoyed a specific legitimacy. With the second sequence, a new integrated
diversity model has emerged. European anti-discrimination policy
has been undergoing a profound change. Public policy is based primarily on soft
law and cuts across the whole spectrum of EU policy, involving multiple and
fragmented actors and institutions.
This policy change is supported by a cognitive reversal : discriminations are
no longer seen as a potential competition benefit for the firms but as an economic
irrationality based on diversity as a factor of competitiveness. The legitimacy
of the equality principle is dependent on its compatibility with the market.
KEYHANI Narguesse
(ENS Cachan)
Lémergence de la Cité nationale de lhistoire de limmigration : naissance dun établissement public sous légide du ministère de la Culture pour un traitement mémoriel de la diversité
Les
États européens marqués à des degrés divers
par limmigration doivent répondre à un impératif
de gestion de la diversité de la population. Comme en témoigne
lorganisation en octobre 2006 par lUNESCO et lOrganisation
Internationale pour les Migrations, dune rencontre dexperts sur
les musées des migrations pour oeuvrer à une " inclusion,
intégration et droit à la différence ", le musée
dhistoire est une voie possible pour le traitement de cette diversité.
En France, la CNHI, lieu de reconnaissance de la contribution des populations
issues de limmigration au fait national français, sinscrit
dans cette tendance.
Lémergence
dun corps de spécialistes de limmigration ainsi que la multiplication
dinitiatives mémorielles par les associations ont été
deux vecteurs de publicisation de cette exigence de reconnaissance depuis les
années 1980. Ces acteurs ont participé au début des années
2000 à la préfiguration de la CNHI avec de nouveaux acteurs issus
du monde de la Culture conséquemment au rôle central donné
au ministère de la Culture. La définition du programme scientifique
et culturel ne va pas sans heurts car il existe une tension entre la volonté
politique de construire une " mémoire partagée "
dune part et le souci de diffuser des savoirs sur lhistoire de limmigration
et les demandes de reconnaissance mémorielles dautre part. La thématique
de la culture ne résout pas cette tension. Objet dinterprétations
différentes, elle donne à voir toute lambiguïté
de cette entreprise. Il sagit dassurer la cohésion nationale
en réhabilitant lidée de diversité culturelle. Mais
certains acteurs plus ou moins impliqués dans le projet voient dans cette
thématique une diversion par rapport aux demandes potentiellement conflictuelles
de reconnaissance.
The
European States on which immigration has left its mark have to answer to the
needs of a diverse society. As demonstrated by the expert meeting on Migration
museums, organized in October 2006 by UNESCO and the International Organization
for Migration in order to foster inclusion, integration and the right
to difference, history museums can be a means to address this diversity.
In France, the CNHI a site of recognition of the contribution of immigrants
and their descendants to the construction of France, can be seen as part of
this trend.
The emergence of a body of immigration specialists together with the increase
in memorial initiatives by not-for-profit organizations since the 1980s have
both contributed to publicizing the need for recognition. Since the early 2000s
these actors have participated in the planning process for the CNHI, in collaboration
with new actors from the cultural sector as a consequence of the central role
being played by the Ministry of Culture. The definition of the scientific and
cultural programme has had its ups and downs, as a consequence of tensions between
the political desire to construct a common memory on the one hand
and that of disseminating knowledge of immigration history and memory-based
demands for recognition on the other. The cultural approach does not solve the
problem because culture too is subject to different interpretations and hence
further highlights the ambiguities of the undertaking. The issue is one of maintaining
national cohesion at the same time as reinstating the idea of cultural diversity.
But some actors, involved to a greater or lesser extent in the project, consider
the question of culture as a diversion from potentially conflicting demands
for recognition.
LEFRANC Sandrine
(Institut des Sciences sociales du Politique Paris X)
Gérer une diversité belligène. La constitution de prescriptions internationales en matière de pacification des rapports entre groupes culturels
La
communication porte sur certains modes contemporains de gestion, par des organisations
agissant à léchelle internationale (gouvernements, OIG,
ONG...), dune diversité culturelle perçue comme belligène,
dans le contexte de la " sortie " dun conflit politique
intraétatique violent, dans les pays du " Sud " le
plus souvent. Ces dispositifs prétendent construire des liens inter-groupes
au moyen dactivités économiques, dactivités
sportives et culturelles communes, mais aussi de processus de dialogue aux formes
diverses (" recherche participative ", sessions de dialogue
entre " gens ordinaires ", ateliers de formation à
la régulation des conflits, etc.), qui tous associent des membres des
différents groupes.
Cette ingénierie
de pacification et de démocratisation, en expansion depuis les années
1980, met au jour un certain nombre de caractéristiques des prescriptions
en matière de gestion de la diversité dans les démocraties
occidentales. Elle consacre le " fait " de la diversité
et la nécessité de son institutionnalisation politique, tout en
promouvant la " connexion " sous toutes ses formes, en misant
notamment sur laptitude de chaque individu à se défaire
de ses préjugés dans le dialogue. Le pluralisme identitaire est
donc dans le même temps consacré et réintégré
dans un discours libéral classique reflet dune ambivalence
plus générale des dispositifs dinstitutionnalisation de
la diversité.
Ces pratiques
internationales ne constituent cependant pas la traduction " hors
les murs " dune convergence des pays industrialisés,
dans la mesure où elles ne peuvent pas être rapportées à
une origine unique. Elles sont en effet le prolongement des controverses développées,
à différentes échelles, dans certains des pays occidentaux
confrontés à la question du pluralisme (mobilisations " pour
la paix " composites, gestion para-judiciaire de la conflictualité
sociale, gestion des relations raciales, etc.).
This
communication deals with policies that intend to manage a cultural diversity
considered as a cause of war. The programs implemented by international organizations
(governments, IGOs, NGOs) in post-conflict countries, aim at building inter-groups
links resorting to activities in the fields of development, sport and art, or
to different kinds of dialogue (" participative research ",
dialogues between " ordinary people ", conflict resolution
training, etc.), that all gather members of belligerent groups together.
This pacification and democratization engineering which has grown since the
1980s, reflects the norms that are supposed to manage diversity in western democracies.
It considers diversity, and its political institutionalization, as a " fact ",
while systematically promoting " connection ": everybody
is supposed to get out of her prejudices in the dialogue. The plurality of cultural
identities is at the same time normalized and reintegrated within liberal norms
a tension that mirrors the ambivalence of policies managing diversity.
International peacebuilding programs however do not reflect a convergence of
industrialized countries. They stem from diverse controversies occurred in western
countries confronted with plurality (complex peace movements, social conflicts
and racial relations management, etc.).
SABBAGH Daniel
(CERI-Sciences Po/CNRS)
Les politiques d"Affirmative Actions" : une perspective comparative
Dans son acception la plus large, la discrimination positive désigne lensemble des politiques de répartition des biens et autres ressources sociales emplois, promotions internes, marchés publics, admissions dans les établissements denseignement supérieur sélectifs, prêts aux entreprises, droits de propriété foncière effectuée sur la base de lappartenance à un groupe désigné pour remédier à la sous-représentation des membres de ce groupe dans la population de référence, dans un contexte où cette sous-représentation est issue au moins pour partie dune discrimination passée et/ou présente. Les politiques en question peuvent être distinguées les unes des autres selon lidentité de leurs bénéficiaires présumés ; leur forme plus ou moins contraignante ; la position dans la hiérarchie des normes des textes juridiques qui les fondent ; leur domaine dapplication ; enfin, leur finalité telle quinférée de lobservation de leurs modalités comme des justifications formulées à leur propos. On entend ici jeter les bases dune comparaison des programmes de discrimination positive en vigueur aux États-Unis, en Inde, en Malaisie et en Afrique du Sud, en examinant notamment les modalités dinteraction des différents paramètres susmentionnés. Lanalyse portera à la fois sur les résultats intentionnels de ces politiques et sur leurs effets dérivés, ainsi que sur le rapport entre ces différents types de conséquences et les justifications formulées à lappui des programmes considérés dans différents secteurs de lespace public.
Broadly defined, affirmative action encompasses any measure that allocates goods such as admission into universities, jobs, promotions, public contracts, business loans, and rights to buy and sell land on the basis of membership in a designated group, for the purpose of increasing the proportion of members of that group in the relevant labor force, entrepreneurial class, or university student population, where they are currently underrepresented as a result of past or present discrimination. The programs involved vary substantially across countries, regarding the identification of their intended beneficiaries (ethnic, national, or racial groups held to be economically or socially disadvantaged, aboriginal peoples, women, people with disabilities, war veterans ), the form of the programs involved (quota/non-quota), the level of the legal norms from which they derive (constitutional, legislative, administrative), and their domain of implementation (whether restricted to the public sector or not). The paper will provide elements for comparing affirmative action programs in the United States, India, Malaysia and South Africa, considering each of these four parameters and the relations between them. It will focus both on the intended results and on the different side effects of the policies, as well as on the connection between those different types of consequences and the justifications advanced on behalf of affirmative action.
SALA PALA Valérie
(Unité Migrations internationales et minorités Paris)
Comment laction publique (re-)produit la "différence culturelle". Repenser la "diversité" au prisme du concept de racisme institutionnel
Le point de départ de cette communication réside dans lémergence, en France, de discours et de politiques de " reconnaissance de la diversité " qui paraissent neufs dans le cadre universaliste républicain à la française. Dans ce contexte, nous proposons danalyser un point aveugle de ces discours et politiques, à savoir le fait que cette " diversité " nest pas une réalité extérieure à laction des institutions, mais quelle est aussi le produit des institutions et de laction publique elles-mêmes, dans les divers champs de la vie sociale (logement, école, emploi, police, etc.). Peu mobilisé en France, le concept de racisme institutionnel, issu des sciences sociales anglo-saxonnes, permet de penser la " différence culturelle " comme le produit de rapports sociaux de domination, que laction publique (re-)produit à travers des mécanismes de discrimination et de ségrégation. Il permet ainsi de construire des lectures originales de laction publique, attentives à la façon dont celle-ci (re-)produit des inégalités sociales. Dans cette communication, nous discuterons dabord les intérêts et limites de ce concept en vue darticuler la sociologie du racisme et la sociologie de laction publique. Cest à partir de là que nous nous interrogerons sur les implicites des discours et politiques de " reconnaissance de la diversité " et sur leur capacité à éradiquer les mécanismes institutionnels de discrimination et de ségrégation.
The starting point of that communication lies in the emergence, in France, of discourses and policies related to the "recognition of diversity" that seem new within the French republican universalist framework. Within that context, we propose to analyse a blind spot of those discourses and policies, i.e. the fact that this "diversity", far from being a reality exterior to public policies, is also the product of institutions and public policies themselves, in all social fields (housing, education, employment, police, etc.). Rarely used in France, the concept of institutional racism, stemming from the anglo-saxon social sciences, makes it possible to think "cultural difference" as the product of social relations of domination that public policy (re-)produces through discrimination and segregation mechanisms. It thus allows the construction of original readings of public policy which are careful to the way in which the latter (re-)produces social inequalities. In this communication, we will first discuss the interests and limits of that concept when trying to articulate the sociology of racism and the sociology of public policy. We will then question the implicits of the discourses and policies related to the "recognition of diversity" and their ability to eradicate institutional mechanisms of discrimination and segregation.
BUSEKIST (von)
Astrid (Sciences-Po Paris)
Démocratie et accommodation de la diversité linguistique
Ma contribution réfléchit à la démocratie et la justice linguistiques autour de trois paradigmes et tente de comprendre larticulation entre une théorie politique de la diversité linguistique et les politiques de la langue effectivement adoptées : le paradigme identitaire, le paradigme économique et le paradigme délibératif. Ces paradigmes comportent un volet normatif daccommodation de la diversité linguistique, et chacun dentre eux dessine une conception spécifique de la justice linguistique. Le premier repose sur une conception de la justice restauratrice : après des siècles de nation building et de glossophagie, de normalisation et de rationalisation linguistiques, comment ajuster les revendications de diversité sans mettre en danger le " nous " politique ? Le paradigme économique repose sur une version compensatrice de la justice et comprend un volet utilitariste: quels sont les coûts et les bénéfices attachés à lapprentissage et/ou la propagation dune lingua franca ? ; réaliste: il existe une lingua franca, cest un fait, et cest langlais. Comment à la fois accompagner ce fait social tout en préservant lautonomie des choix linguistiques des locuteurs ainsi que leurs chances de mobilité sociale ?; redistributif enfin : par quels moyens compenser justement larbitraire moral qui échoit aux locuteurs de langlais vis-à-vis de ceux qui doivent fournir leffort dapprendre la langue universelle ? Le paradigme délibératif enfin repose sur une conception procédurale de la justice qui, contrairement aux deux types précédents, nest pas déterminée par un résultat désiré en matière de choix linguistique.
Normative literature on language issues in recent years focuses on three different ways of linking political theory and language policies : it is either identity, economy or fair procedure that are at the core of normative discussions on the way to accommodate linguistic diversity and linguistic justice. The identity model argues for restorative justice after centuries of nation building and linguistic rationalization: the claim for diversity is morally relevant, but must not endanger the political communitys unity. The economy model asks three questions: (1) what are the costs and benefits of learning/spreading a lingua franca ? (2) if we assume that English is such a common language, are there means to maintain speakers individual language choices and their chances of social mobility ? (3) how should we compensate the Anglophones blessing of the mother tongue vis-à-vis those who have to learn a foreign language ? The procedural model is not outcome oriented and argues that citizens have to fairly discuss about the common language of their Polity.
DARVICHE Saïd
(CEPEL - CNRS/UM1)
La multiplicité des identifications et le concept de "State Nation"
Reprenant à leur compte la réflexion dOtto Bauer, Juan Linz et Alfred Stepan proposent de penser lavenir de lÉtat démocratique en la débarrassant de lidéologie statonationale avec laquelle il se trouve en affinité depuis les débuts de lère moderne. Dans sa perspective, la " State nation " serait la réponse pragmatique la moins insatisfaisante à la fois aux impératifs de la démocratisation des systèmes politiques et de pacification des relations " internationales ". De fait, le monde actuel serait sous la pression dun niveau si important de revendications de particularismes " nationaux " que la seule manière de les gérer serait de les intégrer dans larchitecture même de la mécanique étatique. Il sagirait dès lors de redéfinir lÉtat comme une unité de la diversité. Cette séduisante assertion, Linz et Stepan larticulent sur deux idées qui peuvent être contestées : tout dabord, sur une conception de lÉtat très marquée par une approche institutionnelle mettant entre parenthèse sa dimension symbolique ; ensuite, sur la capacité des citoyens modernes à gérer des identités nationales multiples.
Juan Linz and Alfred Stepan revisit and reconsider the thought of Otto Bauer in order to reflect on the future of the democratic state. Their purpose is to free it from the ideology of the nation-state, with which it has been burdened since the dawn of the modern era. In this way of thinking, the notion of the " state-nation " would be the least unsatisfactory pragmatic answer at once to the imperatives of democratization of political systems and to the pacification of " international " relations. The contemporary world, in their view, is under such pressure from a variety of national particularistic claims that the only way to manage these would be to integrate them into the very architecture of the state mechanism. This would involve a redefinition of the state as a form of unity in diversity. Linz and Stepan articulate this appealing assertion around two ideas, each of which is open to criticism. The first is a conception of the state strongly marked by an institutional approach that brackets its symbolic dimension. The second is a strong, but perhaps unwarranted, faith in modern citizens to manage multiple national identities.
LEPINARD Eléonore
(ISP / ENS Cachan)
Féminisme vs. Multiculturalisme ? Une comparaison Canada/France
Un des débats les plus vifs suscité par les théories du multiculturalisme a trait à leur compatibilité avec le respect de l'égalité des sexes et des droits des femmes désormais acquis, du moins formellement, dans les Etats démocratiques. L'enjeu théorique du bien-fondé d'une tolérance des "pratiques illibérales" au sein des groupes minoritaires a ainsi été particulièrement soulevé à propos des pratiques qui porteraient atteinte aux droits des femmes. Après avoir rappelé les termes théoriques du débat qui s'est déroulé aux Etats-Unis et au Canada entre les tenantes du féminisme telles que Susan Moller Okin et les défenseurs du multiculturalismes tels que Will Kymlicka, on s'intéressera dans un deuxième temps aux manifestations concrètes de ces tensions à propos d'un enjeu politique récent qui a émergé dans la patrie du multiculturalisme qu'est le Canada, et plus particulièrement en Ontario. En effet, suite à un important débat public sur le bien fondé du multiculturalisme et son incompatibilité supposée avec le respect de l'égalité des sexes, la possibilité d'arbitrer des disputes familiales de façon privée en suivant des principes religieux a été abolie en Ontario par le législateur. Cette décision a fait suite à une campagne très énergique d'associations ontariennes et canadiennes militant au nom des droits des femmes. Ce cas d'étude permettra de montrer comment les pratiques et les théories de divers courants féministes conditionnent leur interprétation de la tension entre féminisme et multiculturalisme et la réponse politique qu'ils proposent.
The question of the compatibility between multiculturalism and women's rights or gender equality (a principle now recognized by democratic states) is probably one of the most vivid debate launched by theories of multiculturalism and differentiated citizenship. The tolerance of "illiberal practices" amongst minority groups has encouraged women's rights activists to denounce the practices that might harm women's rights in the name of multiculturalism. This communication will first expose the theoretical debate which has taken place in the US and Canada and which has opposed tenets of feminism, such as Susan Moller Okin, and advocates of multiculturalism such as Will Kymlicka. Then, a case study will be analysed in order to show how this tension has recently been played out concretely in multiculturalism's homeland, Canada. Indeed, following an intense public debate, the Ontarian legislator has abolished the Arbitration Act which allowed the private arbitration of family dispute following religious principles. Feminist organizations and the vast campaign they launched were key in this decision. This case study will shed light on how various feminist theories and practices determine how feminist activists interpret the tension between feminism and multiculturalism and the political solutions they promote
MERRILL Roberto
(CREUM, Université de Montréal)
Pluralisme et justification libérale : la loi sur le port du voile comme exemple de communautarisme ?
1.
Je commence par exposer schématiquement le " paradoxe de la
justification libérale ", ainsi que trois réponses libérales
à ce paradoxe : le libéralisme moniste (Dworkin), le libéralisme
politique (Rawls), et le pluralisme libéral (Berlin). Jexpose les
raisons pour lesquelles ces trois modèles impliquent trois manières
différentes dinterpréter le fait du pluralisme.
2. Jargumente
que le modèle de justification du pluralisme libéral est le plus
apte des trois à résoudre le paradoxe de la justification libérale
car contrairement au modèle moniste libéral, il ne rejette
pas lextension du pluralisme aux domaines de léthique, et
contrairement au modèle libéral politique, il se fonde sur une
stratégie de continuité entre éthique et politique.
3. Jillustre
mon propos en comparant les réponses possibles de ces trois modèles
aux justifications de la loi sur le port des signes religieux dans les établissements
scolaires publics en France. Même si cette loi semble incompatible avec
ces trois modèles, cest cependant le modèle pluraliste libéral
qui présente la meilleure justification de cette incompatibilité,
car il est le plus apte à éviter lassociation trop fréquente
entre multiculturalisme et communautarisme. Je défends ce point en accord
avec la variante pluraliste libérale de George Crowder qui donne une
priorité à lautonomie individuelle, et contre celle de William
Galston.
1.
I begin with an outline of what has been called "the paradox of liberal justification",
and I briefly expose the three liberal answers to this paradox: monistic liberalism
(Dworkin), political liberalism (Rawls), and liberal pluralism (Berlin). I expose
the reasons for which these three models imply three different interpretations
of the fact of pluralism.
2. I argue that the liberal pluralist model of justification is the most capable
in resolving the paradox of liberal justification. This is because, contrary
to the liberal monistic model, it does not reject the extension of pluralism
to the domain of ethics, and contrary to the political liberal model, it is
based on a strategy of continuity between ethics and politics.
3. I then illustrate my point by comparing the possible answers of these three
models to the justifications given regarding the law on the wearing of religious
signs in public schools in France. Even if this law seems incompatible with
these three models, it is however the liberal pluralistic model which presents
the best justification of this incompatibility. This is because it is the most
capable in avoiding the too frequent association between multiculturalism and
communitarianism. I justify this point in accordance with George Crowder's version
of liberal pluralism, which gives a priority to the value of individual autonomy,
and against William Galston's version.
PÉLABAY
Janie (Centre de Théorie Politique, Université Libre de Bruxelles)
Le multiculturalisme est-il un communautarisme ? Divergences à propos du pluralisme
En France, aussi bien dans les discours publics que dans les prises de position académiques, la " pensée communautarienne " et le " multiculturalisme " sont couramment associés lun à lautre, pareillement suspectés quils sont dencourager la fragmentation de la communauté politique. Il convient pourtant dinterroger de manière critique leur équivalence théorique et pratique, notamment au regard de la " gestion de la diversité ". Dabord, un retour aux débats philosophiques montre que ces deux courants, sils ont pu converger autour dune critique de la vision libérale dun moi désengagé et atomistique, divergent puissamment autour du statut accordé, de part et dautre, au pluralisme. Ensuite, les arguments avancés par les tenants du multiculturalisme relèvent davantage dune critique sociologique, et non pas dune attaque frontale des idéaux de la citoyenneté démocratique : lorsquils dénoncent les effets discriminants de la " politique libérale de la neutralité ", cest pour demander que les pratiques soient mises en conformité avec les principes égalitaristes. Enfin, à partir du débat entre Charles Taylor et Jürgen Habermas qui permet de souligner les risques de réification et dhomogénéisation identitaires sensuivant de loption des " droits collectifs ", il apparaît que la garantie dun pluralisme intra-communautaire et dune liberté dappartenance (à travers un " exit right ") représente la condition de possibilité dun " multiculturalisme non communautarien ".
In France, in public discourses as well as in views expressed in academic circles, "communitarianism" and "multiculturalism" are often intermingled. Both are equally suspicious of fostering fragmentation of the political community. This paper proposes a critical analysis of both the theoretical and practical equivalence of "communitarianism" and "multiculturalism", particularly with respect to the accommodation of diversity. Based on philosophical arguments, I first investigate the two currents of thinking, and I show that they agree when it comes to criticizing the liberal view of a disengaged and atomistic self, but strongly diverge on the value each of them attributes to pluralism. Then, I argue that the multiculturalist claims are mainly of sociological nature, and not a blunt attack on the ideals of democratic citizenship. In that sense, the criticism of the discriminating effects of liberal "politics of neutrality" aims at compelling practices to comply with egalitarian principles. Last, I refer to the debate between Charles Taylor and Jürgen Habermas to emphasize some risks in terms of identity reification and homogenization which ensue from the "group rights" option. I conclude from that debate that the respect of internal pluralism and freedom of belonging (through an "exit right") is the practical condition under which an "uncommunitarian" multiculturalism becomes thinkable.
RUCHET Olivier
(CEVIPOF, Sciences Po)
Situations de la culture dans lEtat de droit : autour des fondements épistémologiques du multiculturalisme
Cet article explore un paradoxe persistant dans les débats actuels sur le multiculturalisme et les politiques de lidentité : si un " tournant culturel " est indéniablement à luvre en science politique, et si les notions de culture et de reconnaissance se sont imposées dans les analyses du pluralisme et de ses transpositions institutionnelles, le concept de culture en lui-même semble encore entouré dun certain flou épistémologique, et peu de recherches se penchent sur ses relations aux identités, aux normes de conduite, ou aux institutions. Or, comment peut-on concevoir le multiculturalisme sans définir la culture ? Larticle interroge ce remarquable manque de dialogue entre les théoriciens politiques qui écrivent sur ces thèmes et les chercheurs situés dans dautres domaines des sciences sociales. Afin doffrir quelques éléments permettant de clarifier lambivalence du nud culture/politique, larticle pointe les limites de cette absence dinterdisciplinarité pour la théorie politique, malgré une forte demande sociale pour de tels travaux. Ces limites sont ensuite mises en lumière par une critique épistémologique du paradigme post-libéral " culturaliste " dominant la pensée multiculturelle contemporaine. A lencontre de ce modèle tendant à naturaliser les attaches culturelles, larticle suggère une conception alternative de la culture et de son utilisation politique, inspirée de la recherche récente en anthropologie sociale.
This paper tackles the paradoxical situation of contemporary debates on multiculturalism and the politics of identity: while political science has undeniably undergone a profound "cultural turn", and while the notions of culture and recognition have become prevalent in recent analyses of pluralism and its institutional rendition, very few authors actually grapple with the concept of culture and its meaning in relation to identities, the crafting of institutions, and norms of conduct. But how can one conceive of multiculturalism without defining culture? The paper interrogates the consistent lack of dialogue between the political theorists who write on culture and the scholars working on the same concept in other fields of political science, and in other disciplines. In order to clarify the culture/politics nexus, the paper demonstrates the limits of the self-imposed lack of interdisciplinarity on the production of works of political theory dealing with cultures and identity today, despite a high level of social need for such works. These limits are best observed through a critical epistemological analysis of the dominant, post-liberal, cultural model found in political theory today. The paper suggests alternative conceptions of culture, drawn from contemporary research in critical anthropology, that can help to refine and improve the uses of the concept and its incorporation in political theory.