Table ronde 4

La médiatisation du politique. Regards croisés, regards comparés
Media coverage of politics

Responsables scientifiques :
Olivier Baisnée (Laboratoire des sciences sociales du politique/LaSSP, IEP de Toulouse) obaisnee@club-internet.fr
Eric Darras (Laboratoire des sciences sociales du politique/LaSSP, IEP de Toulouse) eric.darras@univ-tlse1.fr

 

Résumés / Abstracts

KACIAF Nicolas (UVSQ)

L'impact des transformations politiques sur les productions journalistiques. Le cas de la France des années 1960 et 1970

Cette communication vise à inverser les termes d’une problématique récurrente dans l’analyse des médias. Alors que de nombreux auteurs cherchent à saisir l’incidence des métamorphoses médiatiques sur les pratiques politiques, nous souhaitons interroger l’impact des transformations politiques sur les productions journalistiques. Pour cela, nous nous appuyons sur le cas de la France des années 1960 et 1970. Au cours de ces deux décennies, le contenu des pages Politique des quotidiens et hebdomadaires nationaux s’est profondément modifié. Le journalisme parlementaire propre aux journaux des IIIe et IVe République s’est progressivement estompé, laissant la place à des traitements plus stratégiques et personnalisés de l’actualité politique. Dans quelle mesure cette évolution des pratiques journalistiques a-t-elle été directement conditionnée par la dynamique de " présidentialisation " du jeu politique qui s’amorce à la fin des années 1950 ? On distingue alors trois processus qui affectent le travail et l’écriture des journalistes : modification de l’actualité politique digne d’être rapportée ; bouleversement des logiques de communication des acteurs politiques ; transformation des rôles journalistiques légitimes. Au-delà du seul journalisme politique français, il s’agit plus généralement d’appréhender la relation entre structuration des univers sociaux médiatisés, économie du travail journalistique et cadrages privilégiés par les rédacteurs.

The Impact of Political Transformations on Journalistic Productions. The French Case during the 1960s and the 1970s

The purpose of this communication is to reverse the words of a traditional issue in media analysis. While many authors trie to find out the effects of the media transformations on political practices, we want to examine the impact of the political changes on journalistic productions. This work is based on the French case in the 1960s and the 1970s. During these two decades, the "politics" section of the national daylies and weeklies have been deeply modified. The parlementary journalism, which was characteristic of the Third and Forth Republic, progressively vanished and was replaced by more strategic and personnalized treatments of the political news. To what extent was this journalistic practices evolution directly governed by the thrust of "presidentialization" of the political game which began at the end of the 1950s ? We identify three processes which influence the work and the writing of the journalists : modification of the political newsworthiness ; transformations of the political communication ways of doing ; subversion of the legitimate journalistic roles. Beyond the case of French political journalism, the communication highlights the relationship between the structure of social spaces, the journalistic work economy and the usual media framings.


SAÏTTA Eugénie (IEP de Rennes)

Le journalisme politique et l’enjeu de l’autonomie face aux sources. Une comparaison France-Italie

Cette proposition de communication interroge le processus d’autonomisation du journalisme politique à l’égard du personnel et des institutions politiques en France et en Italie depuis les années 1980. Plus précisément, elle cherche à comprendre comment et dans quelle mesure l’autonomie et la mise à distance des journalistes politiques à l’égard de leurs sources deviennent un enjeu professionnel dominant. Ce travail de comparaison s’appuie sur environ 80 entretiens auprès de journalistes politiques de la presse quotidienne nationale (PQN) française et italienne et de communicants politiques, sur deux périodes d’observation directe dans les services politiques du Monde et du Corriere della Sera, et sur des analyses qualitatives de corpus entre les années 1980 et 2000.
La comparaison des transformations dans les relations entre les journalistes politiques de la PQN et leurs sources depuis les années 1980 en France et en Italie met en évidence des divergences fortes entre les deux pays. Ces divergences s’expriment notamment dans la place qu’occupe l’autonomie à l’égard des sources dans la définition de l’excellence professionnelle. Plus généralement, la comparaison remet en question l’idée d’un processus convergent de dépolitisation du journalisme en Europe. Ces évolutions contrastées pourront être examinées à différents niveaux : celui des interdépendances entre les champs journalistique et politique et ceux des représentations politiques et des pratiques des journalistes politiques.

Political journalism and the stakes of autonomy towards sources. A comparison between France and Italy

This paper questions the autonomisation process of political journalism towards political institutions and representatives in France and Italy since the 80s. More precisely, it aims at understanding to what extent autonomy and distance of political journalists towards their sources are becoming dominant professional stakes. This comparison relies on about sixty interviews with French and Italian political journalists and political communication staff, on direct observations in political news departments of the reference newspapers Le Monde and Corriere della Sera, and on a content analysis.
The comparison of the transformations of the relationships between political journalists and their sources sheds light on strong divergences in France and Italy. Indeed, the importance given to autonomy in the definition of professional excellence is very different in both countries. More generally, this comparison calls into question the idea of a convergent process of depolitisation of journalism in Europe. These contrasting evolutions will be analysed at three level : the first one deals with interdependences between the journalistic field and the political field; the second one with political journalists’ representations of politics; the third one with political journalists’ practices.


GATIEN Emmanuelle (IEP de Toulouse)

Les enjeux politiques du traitement médiatique des conflits

A la lisière de l’humanitaire et du journalisme, la délimitation du travail de correspondant de guerre peut paraître problématique. Cette ambiguïté tient sans doute au flou qui entoure la définition du statut social du journaliste : simple rapporteur des faits ou journaliste engagé ? Le correspondant semble parfois autorisé à déroger à la neutralité pour prendre les instances politiques à partie du fait qu’il parle " au nom de " l’opinion. La conversion de l’événement en terme d’enjeux politiques participe aussi de son ennoblissement : cela permet sans doute de l’élever à la place attribuée aux événements politiques dans la hiérarchisation journalistique des rubriques. Quel est donc le rôle des correspondants de guerre dans la constitution d’un événement militaire comme problème public ?
Dans la mesure où la définition de l’événement ne dépend pas que des correspondants de guerre, il s’agit aussi d’en voir la co-construction par le journaliste et le militaire. Quels sont les mécanismes de coordination qui leur permettent d’aboutir à un consensus sur l’événement à partir d’une évaluation initiale de la situation pourtant différente  (l’armée peut avoir à contrôler l’information sur les opérations en cours ; les correspondants de guerre sont tributaires des informations que leur délivre l’armée) ? L’analyse porte donc aussi sur les contraintes générées par ce rapport aux sources et les relations avec les militaires.

Politics at stake in war coverage

Humanitarian work or journalism? Which is relevant to define war correspondency? The ambiguity may be due to the vague definition of the journalist’s social status : should he be a mere reporter of facts or a commited journalist ? The war correspondent sometimes allows himself to break the neutrality to call upon the authorities simply because he is talking "on the public’s behalf". Thus converted into political stakes, the event is magnified, taking up the room usually given to political news in the journalistic range of headings. Which role do war correspondents play in the constitution of a military event as a public problem?
Besides the event is not only framed by the war correspondent but is also co-constructed by the journalist and the army. How do they achieve a consensus on an event initially so differently understood by each other (the army can be led to control the information on current operations whereas war correspondents are dependent on the information delivered by the army) ? Therefore the paper also analyses the relationship with the army and points out the limits set by the relation to the sources.


FRISQUE Cégolène (Université de Nantes)

La contribution des journalistes à la construction de l’espace politique local

Il s’agit de s’interroger sur le rôle de la presse régionale et de ses journalistes dans la structuration de l’espace politique local et dans la construction des problèmes publics locaux.
Dans un premier temps, sont étudiés les modes de traitement de l’information locale — non seulement politique mais aussi économique, culturelle, faits-divers — dans la presse écrite en Vendée, entre 1994 et 2002, en soulignant à la fois les disparités entre les titres et les évolutions propres à chacun d’entre eux. L’image ainsi produite tend à induire des représentations spécifiques de l’information et de l’espace politique, laissant s’exercer de manière plus ou moins forte selon les titres — mais souvent croissante — les tendances à la restriction de l’information, à la clôture de l’espace politique et à la naturalisation des institutions.
Sont ensuite analysés les types de relations entre les rédactions et les pouvoirs locaux. Ces rapports institutionnels peuvent être marqués par des niveaux de conflictualité hétérogènes, selon le rapport de forces relatif entre les deux institutions et la stratégie locale de la rédaction. Les premiers facteurs explicatifs renvoient aux stratégies des entreprises de presse et aux configurations de l’espace politique local, ces éléments n’épuisant cependant pas l’explication, car des écarts considérables peuvent être observés dans des contextes médiatiques et politiques analogues.
Seule une analyse des dynamiques relationnelles et des positionnements individuels des journalistes permet de rendre compte de ces disparités, en dégageant différentes " postures journalistiques ". En effet, l’utilisation différentielle des tactiques possibles de récupération d’une marge de jeu vis-à-vis des sources d’information et des pouvoirs locaux, et le rapport de légitimation ou de contestation entretenu vis-à-vis des règles du jeu journalistique, dessinent les contours des différentes postures typiques (nommées institutionnelle, ambitieuse, critique et désengagée), qui conditionnent l’activité quotidienne des acteurs. La compréhension des postures des journalistes locaux permet alors de mieux saisir les configurations relationnelles observées et les modalités de traitement de l’information.

The contribution of journalists to the construction of the local political sphere

This paper aims to question the role of the regional press and of its journalists in the structuring of the local political space (scene?) and in the construction of local public issues.
At first, I study the differents ways the local news — about politics but also economics, culture and short news items) is presented in the written press, in the department of Vendée between 1994 and 2002. This leads to stress the differences amongst newspapers and the evolutions of all them. The picture that is so created, induces specific representations of news and of political space (scene?), that let more or less work the propensities to restrict the field of information, to close the political space and to naturalise institutions.
Then, I analyse the different kinds of relationships between editorial staffs and local powers. This institutionnal relations can be characterized by varying conflict levels, according to the balance of powers and the local strategy of the newspaper staff. , that can be more or less cooperative or conflictual. Explanations can be found in the global strategies of press firms, and in the general shape of the local political space. But these explanations are not sufficient, for significant differencies in the relations can be observed in similar media and politics contexts.
Only an analysis of the relations dynamics and of the individual positioning of journalists, can give an account of this disparity, while identifying different "journalistic postures". Actually, the differential use of tactics to recover some leeway towards news sources and local powers, and the legitimating or contesting regard to the journalistic rules, shape different kinds of postures (nammed institutionnal, ambitious, critic and discommited), that condition the running activities of the person. Understanding the postures of local journalists then helps to comprehend the general shape of relations, and the terms and conditions of the presentation of news.

 

BASTIN Gilles (IEP de Grenoble)

Médiatisation(s) et codage de l’événement en régime d’élection. Premiers résultats d’une enquête empirique sur les espaces de médiatisation de la campagne présidentielle de 2007

Dans le cadre de cette communication, je me propose d’interroger la notion même de " médiatisation " à partir de trois points de vue. Le premier consistera à poser la question sous-jacente au dispositif même de l’enquête : peut-on parler de médiatisation au singulier ou faut-il introduire, avec ce que d’aucuns appellent (au singulier) la " fin de la télévision " , l’idée de médiatisations au pluriel ? Le second est celui de la mise sur agenda et de l’hypothèse de " substitution des produits " : les espaces de médiatisation sont-ils adjacents ou peut-on aller jusqu’à observer une relation dialectique entre eux ? Le troisième est influencé par les écrits de Max Weber sur la médiatisation du politique et son lien avec l’économie capitaliste moderne : pour Weber cette dynamique est fondamentalement une dynamique " d’anonymisation " de la parole publique. Peut-on observer dans les corpus médiatiques constitués pour cette enquête semblable logique à l’œuvre ?


LEFEBVRE Rémi (Université Lille 2)

Traitements et cadrages par la presse de la campagne présidentielle de Ségolène Royal

La communication prend pour objet le traitement par la presse écrite de la campagne de la candidate socialiste lors de l'élection présidentielle de 2007. On s'appuie sur un corpus constitué des articles parus entre la désignation de la candidate par les militants socialistes et le deuxième tour du scrutin dans trois hebdomadaires (Le Nouvel Observateur, Le point, L'express) et trois quotidiens (Le Monde, Libération, le Figaro). Ségolène Royal a mis en scène pendant la campagne une identité relativement distinctive qui ne tient pas seulement à son caractère sexuée : nouvelle manière de faire de la politique, distance à l'organisation politique qui l'a investie, "démocratie participative", pragmatisme affichée... On analysera la manière dont la presse, en interaction avec d'autres médias et l'état de l'offre politique, contribue au cadrage (framing) et à la mise en forme de cette identité publique, à sa disqualification (mise en cause de la "compétence" de la candidate) et l'évolution de cette identité dans la dynamique de la campagne (mise en intrigue de cette identité).

Media framing of Segolene Royal's presidential campaign

The communication deals with how the press reported the campaign of the socialist candidate during the presidential election of 2007. Our work is based on a set of articles published  between the appointment of the candidate by the members of the party and the second ballot in three weekly magazines and three daily newspapers. Segolene Royal has staged a characteristic identity which is not only due to her femininity: a new way of doing politics, keeping the political organization which appointed her at a distance, "participative democracy", displayed pragmatism. We will analyse the way the press interacting with other media and the political offer plays a part in the framing and the setting of this public identity ,in the questioning of the candidate's ability and in the development of this identity in the dynamics of the campaign.


RIUTORT Philippe et LEROUX Pierre (Université de Paris X & Université Catholique de l’Ouest)

Les contraintes d’exposition du métier politique dans les talk-shows télévisés

Le traitement télévisé de l’information politique a connu de substantielles mutations en France au cours de la dernière décennie. Le passage d’un modèle télévisé de monopole public à un régime mixte à dominante privé a très largement contribué à l’évolution de la place de la politique dans les programmes. L’avènement de ce nouveau régime télévisé a coïncidé avec la promotion d’une catégorie de professionnels —les animateurs producteurs de télévision- qui étaient jusqu’alors largement cantonnés au divertissement tandis que les journalistes politiques disposaient d’un monopole de fait dans l’invitation et l’interview des professionnels de la politique.
Cette communication est centrée sur la multiplication des talk-shows au sein desquels les professionnels de la politique constituent des invités parmi d’autres (et non principaux) des animateurs de télévision et plus précisément sur le type de parole politique qui y circule. Les contraintes tenant aux caractéristiques du programme, notamment le primat du divertissement sur l’information dans son organisation, concourent à régir l’espace du dicible politique en partie renouvelé, réductible le plus souvent à des propos consacrés au " jeu politique " ( relevant de la " horse race ") ainsi qu’à la " personnalité de l’invité ". La multiplication de ces programmes représente une autre innovation remarquable : les invités politiques les plus nombreux de ces émissions évoluent sur le " second marché " politique et tendent ainsi à acquérir une visibilité et une notoriété médiatique susceptible d’être convertie —sous conditions- en capitaux politiques.

High Risk Television ? Politicians in TV Talk-show

Television coverage of politics in France has gone through major transformations over the last decade. The switch from a state monopoly to a competitive regime has widely contributed to the change in the mechanisms used to stage politics on television. This new televisual regime has resulted in the boom in new audiovisual professionals — television presenters — who have been tearing apart the monopoly previously held by political journalists as the legitimate interviewers of political professionals. This communication is devoted to an increasing number of talk-shows — where the politician are not the main guests (with Thierry Ardisson, Stéphane Bern, Marc-Olivier Fogiel, Laurent Ruquier…) — which played a major part in the coming of a new era for televised politic. Actually, the professional necessities of show-making make very little contribution to an understanding of the political game. But, it underlines that the political guests in this programs comes mainly from a " second market " of political field. So this kind of guests can have an advantage of visibility and celebrity, convertible - to a certain extent — in political benefits.


LAGNEAU Eric (IEP de Paris)

Mettre Matignon en dépêches. Le travail de distanciation des journalistes de l’AFP mis à l’épreuve

Cette communication propose, à travers quelques cas concrets de controverses, une analyse historique et sociologique des efforts de distanciation des journalistes de l’AFP dans leur traitement du pouvoir politique, et en particulier du chef du gouvernement et de son administration (Matignon), de leurs succès mais aussi des obstacles qu’ils ont rencontré et rencontrent encore dans cette entreprise. En matière de couverture de l’actualité politique, l’AFP joue un rôle important en fournissant une grande partie des données " factuelles " sur lesquelles s’appuient nombre de leurs confrères et, dans l’ensemble, elle jouit d’une image positive de professionnalisme et de rigueur. Mais cela n’empêche pas à l’occasion les mises en cause de la capacité de l’AFP, volontiers présentée comme une agence " semi-officielle ", à échapper totalement à l’influence gouvernementale. Les arguments juridiques (statut de l’AFP), économiques (part de l’Etat dans son budget) et historiques ne manquent pas pour étayer les accusations de liens privilégiés entre l’agence et le pouvoir politique. Cette communication privilégie plutôt une analyse détaillée de plusieurs controverses, anciennes (années 50 et 70) et récentes, au cours desquelles cette capacité de distanciation des journalistes de l’AFP a été publiquement mise à l’épreuve pour prendre la mesure du chemin parcouru. Tout en échappant au récit idéalisé d’une émancipation linéaire et définitive, elle met en évidence les ressources nouvelles dont les journalistes de l’AFP disposent aujourd’hui pour se défendre contre certaines pressions du pouvoir politique, notamment la publicisation de celles-ci. Elle montre aussi les effets ambivalents de la montée en puissance, à l’AFP comme dans les autres médias, d’un réalisme économique qui peut tout à la fois servir de point d’appui pour justifier une meilleure distanciation et à l’inverse rendre plus coûteuse encore les ruptures de coopération avec une source aussi incontournable que Matignon.

Covering Matignon for the French news agency. When the " independence " of the AFP journalists is questioned

This communication offers, by the way of the study of some concrete controversies an historical and sociological analysis of the efforts of the journalists of the French international news agency, l’Agence France Presse (AFP), to respect professionnal rules of distanciation when they cover the French political power, and specially the Prime minister and his administration at Matignon. It underlines both the success and the difficulties they are confronted to in this struggle for professionnal independence. AFP plays a central role in furnishing all the media with factual news and has a good reputation of professionnalism. But the agency is sometimes confronted to accusations of being a semi-official agency, i.e. not really independent of the French government and they are juridical, economical and historical arguments to support this thesis. By the way of a precise analysis of a few past (in the fifties and the seventies) and present controversies about the coverage of Matignon by AFP journalists, this communication shows a clear and positive evolution in the way they are able to manifest a better respect of the rules of distanciation with their political sources, even if the processus is neither linear nor uniform nor definitive. The studies also puts the stress on the ambivalent role of the growing economical realism in the agency as far as this question of the independence from politial power is concerned.


BRUNEAU Ivan (Inra Dijon)

Les militants de la Confédération Paysanne face au miroir médiatique : bénéfices identitaires et cristallisation des divergences (2000-2004)

En août 1999, le " démontage " du Mc Donald’s de Millau et ses prolongements judiciaires sont fortement médiatisés. Depuis sa création en 1987, jamais la Confédération Paysanne (CP) n’avait acquis une telle visibilité publique. Cette " seconde naissance " se prolonge par une série d’événements qui inscrivent la CP au cœur du mouvement altermondialiste. Cette communication propose d’analyser les mécanismes de réception - d’appropriation et/ou de mise à distance - du faisceau d’images diffusées au cours de cette période. Dans un premier temps, jusqu’aux élections professionnelles de janvier 2001, la nouvelle visibilité du syndicat engendre un sentiment d’appartenance " euphorique " au(x) collectif(s) militant(s). Dans un second temps, un groupe d’anciens responsables nationaux provoque un débat sur la stratégie de positionnement à l’égard du monde agricole. Ces critiques et ces interrogations formulées au niveau national sont ensuite discutées et " traduites " au sein des collectifs départementaux. Elles donnent lieu à des tentatives d’actualisation des positions antérieurement établies. Les désaccords ont essentiellement pour enjeu la manière dont il convient de " parler ", par médias interposés, aux paysans. En croisant les échelles d’analyse (national/départements), j’essaierai de montrer que la contrainte de publicisation confronte les militants à leurs propres systèmes de représentation (aux deux sens du terme) de la profession agricole.

The Confédération Paysanne militants facing the mirror of the media :Identity benefits and crystallization of disagreement (2000-2004)

In August 1999, the dismantling of Millau’s Mc Donald’s and its judicial developments are given large media coverage. Since its creation in 1987, never the Confédération Paysanne (CP) has had before such a notoriety. This second birth is followed by a streak of events which put the CP at the heart of the anti-globalization movement. This presentation analyses the reception mechanisms — appropriation or detachment — of the bunch of images broadcasted during this period. Initially, until the trade-union election of January 2001, the brand new notoriety of the organization generates a feeling of "exhilarated" belonging to the group(s) of militants. Then, a group of former national leaders stirs a debate about the strategy towards the agricultural world. These critics and questions formulated at the national level were then discussed and "translated" within the local groups. They give rise to attempts to update previously taken positions. Disagreement bears mainly upon the appropriate way of talking to the peasants via the media. By crossing the scales of analysis (national / local level), I will try to demonstrate that the pressure of notoriety brings face to face the militants and their own representation (in both senses) systems of the agricultural profession.

 

NOLLET Jérémie (Université de Lille 2)

La médiatisation de l’action publique. Pour une analyse structurale des influences du journalisme sur la fabrication des politiques publiques

L’analyse sociologique de l’influence des médias sur les politiques publiques a beaucoup progressé en détaillant les logiques de la construction sociale des problèmes publics. Pourtant, il reste dans ces analyses un présupposé gênant (que l’on retrouve dans les concepts d’agenda, de cadrage et d’amorçage) : tout se passe comme si les problèmes publics, une fois produits collectivement et médiatisés, s’imposaient mécaniquement à l’action publique. Pour éclairer cet angle mort de l’analyse, il faut comprendre comment les acteurs des politiques publiques agissent en fonction d’enjeux médiatiques, qui inspirent leurs calculs et leurs coups. La dépendance au champ journalistique, à ses logiques de fonctionnement, et à sa façon de construire les problèmes sociaux est inscrite dans les structures des espaces sociaux impliqués dans l’action publique. En quoi et dans quelle mesure les capitaux efficients, les hiérarchies internes, les rapports de force, les principes de division du travail, les enjeux saillants sont-ils liés aux processus de médiatisation ? La présente communication donnera à voir ces transformations structurelles, à partir de l’étude de la production des politiques publiques françaises de sécurité sanitaire des aliments. Nous présenterons successivement l’ajustement aux contraintes médiatiques des champs politique, bureaucratique et scientifique, dont les agents interviennent au cours du processus de production des politiques publiques.

Mediatization of public action. For a structural analysis of the influences of journalism on the manufacture of the public policies

Explaining the logics of the social construction of the public problems improved the sociological analysis of the influence of the media on the public policies. But, these analyses are based one a problematic presupposition (that one finds in the concepts of agenda setting, framing and priming): the public problems, once collectively produced and mediatized, would mechanically determine public action. To clarify this blind spot, we need to understand how the actors of public policies behave following media issues. The dependence on the journalistic field (its logics of operation and its way of building the social problems) is enboddied in the structures of the social spaces implied in the public action. The present communication will analyse these structural transformations, in the case of the French food safety public policies production process. We will present successively the adjustment at the media logics of the political, bureaucratic and scientific fields.


GARCIA Guillaume (CEVIPOF)

Politisations et dépolitisations médiatiques des mobilisations émergentes. Les causes des "sans" à l’épreuve du JT

Les années 1990 voient l’émergence d’une nouvelle configuration d’interdépendance mettant aux prises d’une part des acteurs sociaux politiquement radicaux et média-activistes, les " sans " (sans-logis, sans-papiers, sans-emploi) et d’autre part les journalistes et les rédactions des grandes chaînes de télévision. Leurs interactions ont alors pour effet de provoquer des ajustements mutuels qui touchent aussi bien au travail journalistique qu’aux modalités d’intervention dans l’espace public caractérisant ces groupes protestataires, ces derniers pouvant plus facilement agir sur les manières de problématiser leurs causes. L’ouverture de l’espace médiatique se traduit pour eux par la possibilité d’agir sur la définition de la situation, une opportunité symbolique étant offerte au cadre d’action collective organisé autour de la référence aux droits sociaux.
On observe cependant une " fragmentation " de ces mobilisations, à travers la dilution de l’acteur collectif " sans ", ainsi qu’une homogénéisation dans le cadrage de ces causes. Ces tendances sont opérationnalisables à travers la mise en lumière d’invariants de traitement qui  convergent vers la dépolitisation tendancielle des répertoires de représentation de la " nouvelle question sociale", autour notamment de la référence au registre de " l’exclusion ". Ce résultat doit au-delà être rapproché d’une évolution tendancielle de l’espace public médiatique qui apparaît comme le " triomphe " de l’émotion ou de l’humanitaire.

The 1990’s are the theatre of the emergence of a new configuration of interdependence putting at the catches on the one hand politically radical and media-activist social actors, the "sans" (homeless, illegals, unemployed) and on the other hand the journalists of the main TV networks. Their interactions produce mutual adjustments which concerns as well journalistic work as the methods of intervention in public space that these protesting groups use. The "sans" can in this perspective more easily impact on the ways of publicizing their messages. The opening of media space allows them to act more efficiently on the definition of the situation, an symbolic opportunity being offered to the collective action frame based on the reference to the social rights register.
One however can observe a "fragmentation" of these mobilizations, through the dilution of the collective actor "sans", as well as a homogenisation in the framing of these causes. These tendencies can be observed through invariants of treatment which converge towards a form of depoliticization of the set of representation of the "new social question", for the benefice of the "social exclusion" register. This result must be related to a trend evolution of the public space which concerns the "triumph" of the emotion or the humanitarian cause.


ROUSSEL Violaine (Paris 10)

La mobilisation de la notoriété artistique contre la guerre en Irak : logiques artistiques, médiatiques et politiques dans les " arènes d’intervention publiques "

Cette contribution analyse la manière dont des artistes américains appartenant à différents mondes de l’art ont mobilisé leur " capital de notoriété " pour s’opposer, à travers leurs œuvres ou par des prises de position indépendantes de leur production artistique, à la guerre en Irak. Les formes possibles de politisation et les modes d’exposition publique des positionnements sont, tout d’abord, structurés par les règles et contraintes propres aux espaces artistiques considérés. La célébrité de certains artistes leur ouvre, de plus, l’accès aux medias de masse. Ils en font des usages stratégiques, endossant un nouveau rôle de " célébrités citoyennes " qu’ils veulent séparé de leur exercice ordinaire du métier. On examine ensuite les arènes spécifiques dans lesquelles ils font face à des hommes politiques et à d’autres soutiens de la guerre, revendiquant une légitimité de porte-parole populaires concurrente de celle tirée du suffrage universel, reposant sur l’affirmation d’une relation directe à de vastes publics. Ces " arènes d’intervention publique " n’appartiennent pas en propre au champ médiatique ; elles sont le cadre d’une combinaison de logiques (artistiques, politiques, médiatiques) d’acteurs en confrontation, avec pour enjeu la redéfinition de l’autorité pour représenter.

Mobilizing artistic notoriety against the Iraq War: Artistic, journalistic and political logics in the "arenas of public intervention"

This presentation analyzes how American artists belonging to various art worlds have mobilized their "capital of notoriety" to oppose the Iraq War, through their artwork or through public statements independent from their artistic creations. I first study the way those professionals deal with the rules and constraints of their artistic games: the specific logics of such spaces structure the forms of politicization and the modes of public positioning opened to artists. Some of them are in a position to make a strategic use of their celebrity, granting them access to mass media: they attribute to themselves a new role as "public citizens", keeping it separated from their usual professional activity. Second, I explore the specific arenas in which they oppose political actors and other supporters of the war, claiming to get from their direct relationship with wide audiences a particular legitimacy to speak for the people, competing with electoral legitimacy. These "arenas of public intervention" do not belong exclusively to the media field; they are the place of a combination between heterogeneous social logics (artistic, political, journalistic) of actors in conflict, resulting in the redefinition of the authority to represent.


GROSSETÊTE Matthieu & COMBY Jean-Baptiste (IEP de Toulouse, Université de Paris II)

Des fondements sociaux aux effets symboliques de la dépolitisation des problèmes publics. Le cas de la sécurité routière et du changement climatique

Les schèmes non sociologiques au principe de la construction médiatique et politique des enjeux liés à la sécurité routière et au changement climatique contribuent à psychologiser la définition légitime de ces deux problèmes publics. L’emprise de la communication - et de ses logiques économiques - sur la construction politique des enjeux inscrit ces problèmes dans la sphère privée des comportements individuels plutôt que dans celle des choix collectifs ; laissant dans l’ombre les inégalités sociales de mortalité routière ou les responsabilités sociétales à l’origine du changement climatique.
Loin de contester la définition légitime des enjeux, les journalistes (des rédactions de TF1 et France2) concourent à cette psychologisation du monde social. Saisie à travers le seul prisme des cadrages anecdotiques, individualisant, la couverture journalistique de ces deux problèmes publics reproduit les mécanismes favorables à la consécration de l’ordre politique qui tient les classes populaires à distance de la construction des enjeux.
Plurielles mais pas illimitées, les réceptions restent ainsi cadrées par l’offre politique et médiatique d’opinions et gardent ainsi la marque d’une vision psychologisante.
Toutefois, dés lors que l’on rattache le schème psychologisant aux caractéristiques sociales, il faut constater qu’au delà des effets de cadrage ou d’information, ce sont avant tout les usages sociaux et donc les rapports pratiques à l’objet qui structurent les lectures politiques.

From public problem depoliticization’s social roots to its symbolic effects Case studies about Road Safety and Climate Change

Unsociological ways of thinking which drive road safety and climate change stakes’ political and mediatical construction contribute to psychologize these two public problems’ legitimate definition. Communication rules — and its economical logics — controll over stakes’ political construction locates these problems in individual behaviors’ private sphere rather than in the collective choice one ; it hides road mortality social inequalities or societal responsabilities causing climate change.
Far from questionning stakes’ legitimate definition, journalists (from the two main French TV channels) take part to this social world psychologization. Focusing on anecdotic stories, the journalistic covering of these two public problems back mechanisms consecrating the political order which keeps popular classes aloof from stakes building.
Plural but never unlimited, receptions remain framed through the opinions’ political and mediatical offer and so are still impregnated with a psychologizing vision. However, once we link the psychologizing frame to social features, we observe that beyond information effects, these are rather social uses and so practical relationships to stakes which organize political readings.