Table ronde 6

Les violences symboliques dans les relations internationales
Symbolic violence in international relations

Responsables scientifiques :
Thomas Lindemann (SPIRIT / Université Montesquieu-Bordeaux IV) lindemannt@yahoo.com
Dario Battistella (SPIRIT / IEP de Bordeaux) d.battistella@sciencespobordeaux.fr

 

Résumés / Abstracts

Présentation préalable
BRAUD Philippe (IEP Paris)
Retour sur la notion de violences symboliques


LINDEMANN Thomas (Université Montesquieu Bordeaux-IV)

Hypothèses sur les violences symboliques dans les relations internationales

Notre contribution se propose de formuler quelques hypothèses sur les origines des violences symboliques et leurs effets dans la politique internationale. Nous partons de l’hypothèse que de nombreux conflits sur la scène internationale sont dus aux atteintes portées à l’intégrité morale et identitaire des acteurs et aux réactions provoquées par ces atteintes. Nous proposons d’engager la réflexion sur une multitude de terrains empiriques, allant de l’effet identitaire des inégalités structurelles (par exemple les inégalités socio-économiques ont à la fois des conséquences sur le niveau de vie et sur l’estime que les nations et les personnes ont d’elles-mêmes) aux pratiques discursives (par exemple quel est l’effet des discours de stigmatisation " politique " sur la scène internationale ?) en passant par le protocole diplomatique ( par exemple quelles sont les " conséquences " du manque de tact diplomatique?).

Hypothesis on symbolic violence in international relations

We propose several hypothesis on the origins and effects of symbolic violence in international relations. Our main idea is that a great number of conflicts in the international scene are best explained by injure to the moral integrity and the self conception of actors and the reaction provoked by theses injures. Our investigation touches many empirical fields from the identity impact of structural inequalities (for example the social-economical inequalities have not only consequences for the standard of living but also for the self esteem of the nations and their individuals) to the rhetorical practices (for example what is the effect of discourses which stigmatise politically so called "rogue states"?) via the analysis of the diplomatic protocol (for example what are the "consequences" of the lack of diplomatic tact?)

 

JOUIN Céline (Rennes I, Centre Marc Bloch, Berlin)

Violence de l’universalisme ? Les apories du droit international moderne au miroir de la pensée schmittienne

Carl Schmitt, un des juristes internationalistes les plus importants et les plus controversés du siècle est connu pour avoir montré que l’interdiction et la criminalisation de la guerre d’agression, pilier du droit international du XXe siècle depuis le pacte Briand-Kellogg, étaient un recul et non un progrès par rapport à la " guerre limitée " du droit international classique européocentrique issu des traités de Westphalie. La juridicisation de la politique internationale suscite selon lui de nouvelles formes de violences " indirectes " d’autant plus insidieuses qu’elles prennent la forme du droit. Le retour de l’idée de guerre juste que Carl Schmitt pronostique dès 1938 apparaît comme une résultante du nouveau système de droit international tel qu’il s’est mis en place dès le tournant du Traité de Versailles et de la SDN. La forme-institution et la forme-procès, c’est-à-dire au fond la " légalité pure ", deviennent ainsi constitutives de la légitimité dans les relations internationales. Nous montrerons à propos de problèmes précis (le statut du terroriste dans les conventions de Genève de 1949, la confrontation de l’universalisme onusien et de l’universalisme américain, etc.) que cette légitimité couvre mal les logiques de puissance et les intérêts impériaux traditionnels, qu’elle devient un facteur de transformation des guerres et non de leur suppression.

The violence of universalism: The contradictions of the modern international law reflected in Carl Schmitt’s theory.

Carl Schmitt is one of the most important international jurists and one of the most controversial of the 20ieth century. He has shown that the interdiction and the criminalisation of the war of aggression, one of the bases of the international law since the Kellogg-Briand Pact, was a regression and not a progress compared to the limited war of the classical Eurocentric international law, born from the Peace of Westphalia. According to Schmitt, the juridicisation of international politics induces new forms of "indirect" violence that become all the more perfidious as they take the form of law. The comeback of the idea of the just war foreseen by Carl Schmitt in 1938, appears like an effect of the new system of international law as it has been set up since the turning point of the Treaty of Versailles and the League of Nations. The form "institution" and the form "process", in other words the pure legality, become the main components of legitimacy within international relations. I am going to illustrate on the basis of precise examples (i.e. the statute of the terrorist according to the Geneva Conventions of 1949, the confrontation of UN’s universalism with US' universalism, etc.) that this legitimacy hides badly the logic of power and traditional imperial interests and that it is furthermore becoming a factor of transformation and not of suppression of wars.


MESZAROS Thomas (Université Jean Moulin Lyon 3)

Les violences symboliques au travers du prisme du formalisme européen

La présente communication entend proposer une lecture des violences symboliques dans les relations internationales à partir de la théorie du formalisme social. Il sera question de souligner l’intérêt de l’utilisation du formalisme social pour illustrer l’importance que possède le concept de violence symbolique dans la compréhension de la conflictualité internationale, notamment au travers du cas de figure de la société internationale européenne et de son formalisme. Il s’agira ainsi de tester la pertinence heuristique du concept de violence symbolique à partir de trois axes théoriques principaux, l’approche de Pierre Bourdieu de la théorie de la production de la croyance, celle de Joan Galtung de la " violence structurelle " et celle objectiviste-psychologique de Philippe Braud. Il conviendra par là même de souligner la complémentarité de chacune de ces approches et de mettre en lumière le rôle qu’eurent les violences symboliques dans la création d’un ordre européen homogène mais aussi dans les ruptures, hétérogènes, qui survinrent. En définitive, la question des violences symboliques dans les relations internationales permettra de formuler des remarques sur les processus de conservation et de transformation des différents ordres internationaux qui impliquent la réalisation de l’homogénéité ou l’hétérogénéité des sociétés internationales.

Symbolic Violence through the Lens of Social Formalism

The aim of this presentation is to propose an interpretation of symbolic violence in International Relations based on the theory of Social Formalism. The issue will be to underline the interest of Social Formalism to illustrate the importance of symbolic violence in international disputes, in particular through the example of the European international society and its formalism. Thus, it will be the occasion to test the heuristically pertinence of the concept of symbolic violence from three theoretical views, Pierre Bourdieu’s approach of the theory of the production of belief, those of Joan Galtung of "structural violence" and the objectivist psychological approach of Philippe Braud. By the way, it will be the occasion to underline the complementary aspects of each of these approaches and to enlighten the importance of symbolic violence in the genesis of a homogeneous European order and in the heterogeneous breaks-up that also arose. Finally, the issue of symbolic violence in International Relations will enable us to comment the process of conservation and transformation of various international orders which imply the realisation of homogeneity or heterogeneity of International Societies.


CORNUT Jérémie (UQAM, Québec)

La violence symbolique saisie par le droit international : les excuses comme une obligation pour réparer le dommage moral et politique ?

Cette présentation se propose de voir dans quelle mesure la doctrine juridique aide à la compréhension de la violence symbolique et de ses conséquences.
La violence symbolique est conçue par le droit international en terme de dommage moral, qui regroupe le dommage politique (l’insulte) et le dommage juridique (l’atteinte à la sphère juridique). Tout fait illicite est donc susceptible de causer un dommage moral. La pratique des Etats permet de préciser la notion : sont considérés comme des violences symboliques par les Etats les attentats de toute nature contre leurs représentants, l’insulte à un drapeau ou à un autre symbole, la violation de l’immunité d’un siège diplomatique et la pénétration non autorisée sur le territoire.
Pour la doctrine juridique, la violence symbolique étant un dommage, elle doit être réparée : c’est la fonction spécifique de la satisfaction, et plus particulièrement des excuses. Mais la réparation du dommage moral ne peut être une obligation puisque ce qui est une offense à l’honneur, et la réparation qui peut satisfaire un Etat après une telle offense, sont subjectifs. C’est pourquoi aucun tribunal international n’a jamais demandé à un Etat de s’excuser et les différents projets de codification de la satisfaction se sont soldés par des échecs.
Le droit international, grâce à la notion de dommage moral, permet de mieux cerner ce qui constitue une violence symbolique, mais sa conception rigide en terme de droit et de devoir se révèle trop éloignée de la réalité.

Symbolic Violence and International Law. Apologies as a Repair for Moral Damage?

This paper wants to explore how jurists can help understand symbolic violence and its consequences.
In international law, symbolic violence is seen as a moral damage. It may consist of a political damage (insults) or a juridical damage (injury to legal sphere). Therefore every internationally wrongful act may be considered a moral damage. States’ practice allows to be more specific: are considered symbolic violence by States attacks against representatives, insults at symbols such as the national flag, violation of the premises of embassies or consulates and unauthorised infringement of a border.
For the jurists, as symbolic violence is a damage, it has to be repaired: this is the specific function of satisfaction, and more particularly of apologies. But reparation of a moral damage cannot be an obligation, because what may offend a State’s honour and what may repair this offence are subjective. That is why no international tribunal has ever asked a State to apologize and no attempt to codify satisfaction has been successful.
Thanks to the notion of moral damage, international law can help understand what may constitute a symbolic violence, but its narrow conception in terms of rights and duties is far from realities.


LOPES Paulo-Serge (Lille II CERAPS)

Le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie et l’opération Force Alliée

L’opération Force Alliée menée au printemps 1999 par l’OTAN contre la Serbie Monténégro afin d’arrêter les crimes de masse commis contre les populations du Kosovo fut l’objet de questionnements relatifs à sa légalité. Parallèlement cette intervention armée a produit des interrogations attenant à la légitimité des décisions du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
La décision de cette institution pénale internationale de ne pas enquêter sur les éventuelles atteintes au droit des conflits armés commises par les forces de l’OTAN entama sa légitimité auprès des acteurs non étatiques comme le Comité international de la Croix Rouge et Amnesty International qui sont de traditionnels soutiens de la justice pénale internationale.
L’impartialité des actions du TPIY constitue une des principales ressources lui permettant de faire valider ses décisions tant auprès des acteurs étatiques concernés que de l’opinion publique internationale dont les soutiens respectifs lui furent nécessaires.
Cette étude entend montrer que le droit international public - et ici le droit des conflits armés - est un élément incontournable des tentatives de légitimation et de délègitimation des actions des acteurs internationaux (Etats, institutions internationales ou organisation non gouvernementales). Une revendication crédible de légitimité constitue une ressource précieuse d’influence dans les relations internationales.

The International criminal Tribunal for the former Yugoslavia and the operation Allied Force

The Operation Allied Force unfold during the spring of 1999 by NATO against the Federal Republic of Yugoslavia in order to stop the ethnic cleansing of Kosovar Albanians was matter of questionings about its legality. Parallel to this armed intervention reflections were produced relative to the legitimacy of the decisions of the International criminal Tribunal for the former Yugoslavia (ICTY).
The decision of this international criminal tribunal not to investigate the possible offences of the laws of war caused by the NATO forces started its legitimacy in the eyes of the non-state actors like the International Committee of the Red Cross and Amnesty International which are usual supports of the international criminal justice.
The impartiality of the actions of the ICTY is one of its main resources to legitimate its decisions among the states and the international public opinion whose respective supports were necessary for it.
This study intends to demonstrate that international law - and particularly laws of war - is a deciding factor for States, international institutions or nongovernmental organizations in order to legitimate or depreciate their actions. A credible claim of legitimacy is a valuable resource of influence in international relations.


EL MASLOUHI Abderrahim (Université Mohamed V Rabat, Maroc)

Surveiller et punir les ‘territoires voyous’. Les politiques de puissance à l’épreuve dans les relations internationales

La communication a pour objet de saisir les usages de la territorialité comme support de violence symbolique dans les relations internationales. La mondialisation, loin de " banaliser " les territoires, n’a fait qu’amplifier leur sensibilité en tant qu’agents " crisogènes " mettant en scène des convoitises et des résistances, des mortifications quotidiennes et des réactions combattantes. Prenant le contre-pied des théories de la " déterritorialisation " et de la " gouvernance territoriale " censées inspirer l’idée d’" indifférence politique des territoires ", notre perspective d’analyse se propose de renouer avec l’usage foucaldien de la territorialité comprise comme gouvernementalisation des processus interétatiques et transnationaux. L’espace physique est alors le lieu où se déploient des technologies disciplinaires qui, relevant du biopouvoir, se soldent par un " pacte de sécurité " asymétrique entre des puissances mondiales et des territoires déstructurés. Mais, comme le souligne Foucaut, la  sécurité n’est pas tant celle du territoire que celle ayant pour visée la population elle-même. Dans cette optique, le contrôle digitalisé des espaces (des satellites de détection spatiale aux identifiants biométriques) a pour fonction moins d’augmenter la lisibilité des territoires que de servir à discipliner des populations. La politique américaine de puissance semble mieux illustrer cette évolution. Surveiller et punir les populations suspectes via le contrôle de leurs territoires passe aujourd’hui pour être une spécialité de l’impérialisme américain.

Discipline and Punish ‘Rogue’ Territories.

The paper aims to seize the uses of territoriality as support of symbolic violence in international relations. Globalization, instead of "suppressing" territories, has only amplified its sensitivity as a crisis factor performing everyday mortifications and resistant reactions. Contrary to the theories of "deterritorialization" and "territorial governance" which suggest the idea of the "political indifference of territories", the communication proposes to rehabilitate the Foucault’s use of territoriality understood as a "governementalization" process of interstate and transnational relations. Spaces are then understood to give rise to the biopower technologies through an asymmetric "security pact" between world powers and vulnerable territories. But, as Foucault underlines it, the security’s target is less the territory than the population itself. Accordingly, digitalized control-space (of the space satellites to the biometric systems) is aimed less at increasing territories’ legibility than at disciplining populations. US power politics better illustrates this evolution. Discipline and punish "suspect" populations by controlling their territories seems now to be an area of expertise of the US imperialism.

 

SAURETTE Paul (Université d’Ottawa, Canada)

You Dissin Me? Humiliation and Post 9/11 Global Politics

Despite a growing awareness about the importance of emotions to global politics, the discipline of International Relations is still working towards adequate theorizations and investigations of their role. This is particularly noticeable in the fact that there has been little sustained, scholarly examination of the effects of various emotions on the shape and orientation of the US foreign policy reaction to 9/11. This essay seeks to begin to address both of these gaps by examining the role that dynamics of humiliation and counter-humiliation have played in contemporary global politics. In particular, it develops a theoretical understanding of humiliation and then applies this framework to explain how dynamics of humiliation have impacted post 9/11 American global policy. It concludes that we cannot fully understand the sources, and the effects, of post 9/11 contemporary politics (especially US global policy) without taking into account the dynamics of humiliation.


LEFRANC Sandrine (LASP -CNRS)

Résoudre - en reconduisant ? - le conflit. Les politiques internationales de construction de la paix

Cette communication porte sur la construction de la paix " par le bas ", c’est-à-dire un ensemble peu unifié de pratiques humbles, microsociales, qui s’attachent à " réconcilier " des sociétés qui " sortent " d’un conflit politique violent, au " Sud " le plus souvent. Ces programmes menés par des organisations agissant à l’échelle internationale (gouvernements, OIG, ONG…) entendent restaurer une communication brisée ou grevée par des préjugés et des malentendus entre des groupes sociaux souvent qualifiés par des attributs culturels. Elles incluent notamment des programmes organisant des dialogues élargis au grand nombre (formation à la résolution des conflits, sessions de dialogue en petits groupes, " recherche participative ", diplomatie " parallèle " et " citoyenne "),  des activités conjointes de développement (petits projets agricoles ou entreprises de services " inter-ethniques "), et des activités artistiques et sportives.
Les programmes de construction de la paix " par le bas ", en expansion depuis la fin de la Guerre froide, incarnent des normes présumées nouvelles  de construction de la paix qui concurrencent et complètent les opérations de maintien de la paix classiques. À l’élitisme des négociations diplomatiques est opposée une prise en compte revendiquée de la " base " ; à l’universalisme des " kits " mise en place par les opérations de maintien de la paix (élections, Etat de droit, économie de marché), la valorisation des solutions locales ; à une paix " négative " (simple silence des armes, au moyen notamment de l’interposition militaire), l’horizon d’une paix " positive " ou " durable " (supposant un accord sur la coexistence, sinon sur les principes de la communauté politique). On s’interrogera sur la capacité de ces pratiques à résoudre les conflits au " Sud ", mais aussi à exporter les controverses et affrontements qui, dans les pays du " Nord ", les ont fait naître (mobilisations politiques contre la politique étrangère de gouvernements des Etats-Unis, pratiques de réforme de la justice, tentatives de consolidation de groupes religieux protestants).

International Peacebuilding Operations. Conflict Resolution or Conflict Renewal?

This communication deals with " grassroots peacebuilding ": diverse low profile, micro-social practices, that aim at " reconciling " countries (often developing countries) that are trying to recover from a violent political conflict. International organizations (IGOs, NGOs, governments) that are implementing these programs intend restoring a dialogue broken or hindered by prejudices and misunderstandings, between groups presented as cultural ones. They organize dialogues that are not limited to the elites (conflict resolution training, small groups exchanges, participative research, second-track diplomacy), joint development activities (" inter-ethnic " small agricultural projects or third sector companies) and programs in arts and sports.
Grassroots peacebuilding programs are more and more considered, since the end of the Cold War, as new peacebuilding norms that complement and compete with usual peacekeeping operations. Grassroots participation is opposed to elitist diplomatic negotiations, peacekeeping operations universal packages (democratic elections, rule of law, marketization) are differentiated from indigenous solutions, " positive " or " sustainable " peace (when most of the people agree on coexistence, or even on common principles) is preferred to a negative one (truce, sometimes by military intervention). I will analyze the way these programs can resolve conflicts in the South, but also export the controversies and disputes that, in the North, gave birth to them (political mobilizations against US foreign policies, attempts to reform the judiciary system, protestant denominations empowerment, etc.).


ARGOUNES Fabrice (IEP Bordeaux)

L’arrogance australienne au miroir de son voisinage immédiat

L’inégalité existant dans le rapport de force interne au Pacifique Sud entre une multitude de micro états et une puissance dominante -l’Australie - a entraîné dans les quinze dernières années une dénonciation de l’action du gouvernement australien comme symbole de l’arrogance d’une grande puissance occidentale. Cette arrogance revient régulièrement dans les discours de certains dirigeants au sujet de l’interventionnisme australien dans la région, vu comme une humiliation par un grand nombre de micro états du pacifique qui perçoivent un comportement néocolonial latent de la part du grand voisin. L’Australie ne pose pas seulement problème au sein de certains des plus petits états de la planète, mais également dans une partie de l’Asie du sud-est, comme lors de l’évocation de frappes préventives anti-terroristes dans la région qui avait entraîné une avalanche de critiques contre ces formes supposés d’arrogance sur modèle américain.
Notre intervention cherche d’abord à percevoir cette violence symbolique, réelle ou supposée, de la présence australienne dans la région au travers de la reprise des thèmes de domination et de mépris dans les discours des acteurs s’estimant exclus ou dominés, mais également dans les réponses des responsables australiens. Elle reprend également la dénonciation de l’Australie comme Etat étranger, différent, occidental et donc arrogant, dans son environnement propre. L’arrogance australienne semble alors porteuse de tous les maux ?

Australian arrogance in its neighbourhood

The radical inequality that exists in the South Pacific between a mass of microstates and a paramount power — Australia — drags along during the last fifteen years a denunciation of Australian government action, like a symbol of western great power arrogance. This arrogance regularly comes back in some leaders' speeches about Australian interventionism in the area, with perception of humiliation by south Pacific microstates and of latent neo-colonialism from Canberra. Australia not only sets problem in South Pacific but also in part of South-east Asia with criticism on American model arrogance, like Howard’s pre-emptive strikes proposition against terrorism.
This intervention would like to seize this symbolic violence, true or supposed, about Australian presence in the area through topics of domination and contempt in "subaltern" actors' speeches, but equally in Australian answers. Our intervention also uses denunciation of Australia as a foreign, different and western state, and so, arrogant, in his own neighbourhood. Does Australian arrogance appear like a danger?


CHILLAUD Matthieu (Bordeaux IV)

On ne sait pas de quoi hier sera fait’. La mémoire dans les relations russo-baltes comme avatar de la violence symbolique

L’objectif de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie depuis qu’elles ont reconquis leur indépendance en 1991 est d’affirmer leur indépendance en l’ancrant à l’Ouest, tout en s’éloignant le plus possible de l’orbite russe. Or, c’est au travers de la mémoire collective que les trois pays Baltes ont structuré leur renaissance nationale. La Russie, de son côté, qui peine encore à admettre son histoire et surtout sa filiation avec l’Union soviétique, refuse d’admettre la vision historique défendue par les pays Baltes, comme celle qui voit sa responsabilité dans leur annexion en 1945 ou celle de mettre sur un pied d’égalité les occupations nazies et communistes. A couteaux tirés, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, d’une part, et la Russie, d’autre part, ont fait de la mémoire et de son interprétation la clef de voûte de l’affirmation de leur stratégie, les premières pour garantir la légitimité de leur intégration dans l’OTAN et l’UE, la seconde pour la leur contester. Lorsque que l’on sait que les différentes formes de domination qui constituent les bases de la violence symbolique doivent être reconnues comme légitimes pour durer, l’‘appropriation’ de la mémoire pour mobiliser des références positives dans l’histoire s’est révélée d’une grande efficacité pour que les pays Baltes puissent affirmer leur identité nationale par complémentarité avec l’Ouest et par opposition à l’Est. La Russie, en définitive, bien qu’elle n’ait pas réussi à contrecarrer la stratégie européenne et atlantiste des pays Baltes, n’a pas renoncé à décrier la vision historique des pays Baltes, tout en continuant à appeler ‘son’ histoire à la rescousse pour justifier sa politique du moment.

Memories as a Vehicle of Symbolic Violence. The Case of Russia and the Baltic States.

The aim of Estonia, Latvia and Lithuania, since they got back their independence in 1991 is to assert their independence: fixing it firmly within West while moving away the most possible from the Russian orbit. It is through the collective memory that the three Baltic States have structured their independence. Russia, on its side, which admits reluctantly its history and above all its filiations with the Soviet Union, does not want to accept the historic vision defended by the Baltic States, like the one which sees its responsibility in their annexation in 1945 or the one which puts on an equal footing the Nazis and communists occupations. At daggers drawn Estonia, Latvia and Lithuania, on the first hand, and Russia, on the other hand, have made of memory and its interpretation the linchpin of their strategy, the first ones in order to guarantee the legitimacy of their integration to NATO and the EU, the latter in order to contest precisely the Baltic strategy. As the different shapes of dominance which constitute the bases of the symbolic violence have to be acknowledged as legitimate in order to perpetuate, the ‘appropriation’ of memory for mobilizing some positive references in history turned out to be very efficient: the Baltic States have indeed asserted their national identity by complementarity to the West and by opposition to the East. Russia, finally, even though it failed to thwart the Atlantist and European strategy, has not given up to disparage the historical vision of the Baltic States while continuing to call ‘its’ history for help in order to justify its current policy.


GUESLIN Julien (Paris I)

La violence symbolique est-elle un champ efficace pour structurer les relations entre une grande puissance et un petit Etat " rebelle ? La France, la Société des Nations et le " moustique " lituanien dans la seconde moitié des années vingt

En mars 1923, les grandes puissances décidèrent (en traçant les frontières du nouvel Etat polonais) de s’incliner devant le coup de force polonais de 1920 sur la capitale lituanienne Vilna. La Lituanie refusa tout type de relations avec sa voisine. Elle exploita tous les incidents frontaliers et empêcha toute stabilisation de la région, en jouant des antagonismes entre puissances. La Lituanie est vue par beaucoup comme une nouvelle " Serbie du Nord ", prête à jeter une étincelle dans le brasier européen.
À l’automne 1927, suite à de nouveaux incidents, la SDN fut saisie du conflit. Mais face à la détermination d’un Briand, bien décidé à prouver le bien-fondé de sa politique et la montée en puissance de la SDN se dressait l’homme fort du régime autoritaire lituanien Voldemaras, bien décidé à dénoncer la Realpolitik des grandes puissances et la violation présumée du droit des peuples
La présente contribution voudrait donc étudier les discours et la pratique des puissances présentes lors de ces sessions du Conseil en 1927 et 1928. On peut discerner une période initiale d’optimisme où la Lituanie est isolée face aux puissances. Briand sait jouer avec brio de la volonté lituanienne de n’être plus un " outsider " de la société internationale. Dans un second temps, le blocage des négociations due à l’habileté du leader lituanien à utiliser toutes les failles du système genevois déchaîne la colère de l’opinion publique française, qui stigmatise violemment le comportement du leader lituanien.

Is symbolic violence an effective means for structuring relations between a great power and a small " rebel " state? France, the League of Nations and the Lithuanian " mosquito " during the second half of the twenties

In March 1923, the great powers decided when tracing borders of the new polish state to bow to the Polish " coup de force " in 1920 over Vilna, the Lithuanian capital. As a consequence Lithuania refused to develop relations with its neighbour. Taking advantage of border incidents, it prevented all attempts to stabilize the region, by playing off differences between the great powers. Lithuania appeared then to many as something of a " Northern Serbia ", ready to make sparks fly in the European tinderbox.
In the autumn of 1927, following new incidents, the conflict was referred to the League of Nations. Briand, on one side, was determined to justify the empowerment of the League of Nations to his national audience; opposing him stood Voldemaras, the strong man of an authoritarian Lithuanian regime, determined to denounce the Realpolitik implemented by the great powers which he saw as violating the rights of peoples.
This contribution examines the policy discourse and the policy practices of the powers taking part in the sessions of Council in 1927 and 1928. One may identify an initial optimistic period where Lithuania was isolated from powers. Briand then manipulated with brio the Lithuanian desire to cease being an " outsider " of the international society. A second period saw negotiations coming to a halt, due to the skills of the Lithuanian leader to use every weakness of the Geneva system and causing thus the anger of the French public opinion, which violently stigmatized the behaviour of the Lithuanian leader.


HUMMEL Alexandre (Université Jean Moulin Lyon 3)

L'Iran et les ambiguïtés de la non-proliferation, un cas d'instrumentalisation de la violence symbolique ?

La pratique de la non-prolifération nucléaire par les trois Etats occidentaux dotés est fragilisée par de nombreuses tensions non résolues, la principale étant la contradiction avec le maintien d'une doctrine de dissuasion. Ces trois Etats éludent donc le débat de fond sur la non-prolifération pour pratiquer une politique " relativiste " (Peter Lavoy) qui accentue l'aspect discriminatoire du régime déjà existant. Le principal exemple de ce relativisme est le renforcement actuel des mécanismes de contrôle aux exportations. Cette attitude peut être interprétée comme porteuse de violence symbolique puisqu'elle restreint la liberté d'action de certains Etats en vertu de critères souvent perçus comme arbitraires. Un tel biais permet à l'Iran de se poser en victime, position qui peut susciter des sympathies d'Etats tiers ainsi que dans l'opinion mondiale. Téhéran a ainsi pu mettre en avant le soi-disant " droit à l'enrichissment ", concept qui n'existe pas en droit international mais a néanmoins été repris par de très nombreux acteurs, y compris au sein des Etats occidentaux dotés. Il s'agit là du cas inédit d'un proliférateur soupçonné ayant recours à un discours de contestation basé sur une interprétation divergente de la norme internationale et non sur son simple rejet. Etre reconnu comme souffrant de violence symbolique peut en fait consister un atout précieux dans les interactions diplomatiques, notamment si l'on considère leur dimension inter-subjective à la façon d'Erving Goffman.

Iran and the ambiguities of non-proliferation, a case of symbolic violence instrumentalization?

The practice of nuclear non-proliferation by western Nuclear Weapon States is plagued by numerous underlying inconsistencies, the main one being the contradiction with the upholding of a doctrine based on deterrence. Consequently, these three NWS seek to avoid the theoretical debate on non-proliferation. They resort to a ''relativist'' (Peter Lavoy) policy which accentuates the discriminatory nature of the already existing regime. The main example of relativism is the current reinforcement of export control mechanisms. This stance can be interpreted as carrying symbolic violence because it constrains some states' freedom of action based on criteria that are often perceived as arbitrary. Such a bias allows Iran to present itself as a victim, a position that can arouse sympathy from other states or inside world opinion. Tehran has thus been able to proclaim its so-called ''nuclear enrichment right'', a concept that does not exist in international law but has nevertheless been taken up by many actors, especially inside the western NWS. We are faced with the peculiar case of a suspected proliferator responding with a dissenting interpretation of the international norm as opposed to a pure rebuff. Being recognized as a victim of symbolic violence can therefore be an asset in diplomatic interactions, especially if we consider the inter-subjective dimension using the micro-sociology of Erving Goffman.


MALLARD Grégoire (Princeton University)

La diffusion européenne de la stratégie nucléaire américaine, 1954-1968 : Violences symboliques, ruses et détournements des discours par les médiateurs européens

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un nouveau champ de savoir s’est constitué, d’abord aux Etats-Unis, puis dans une moindre mesure, dans certains pays européens, qui s’est donné pour tâche de penser les conditions rationnelles de production du nucléaire — de la recherche et développement, à la fabrication et aux usages des bombes nucléaires. Cette communication présente les effets réciproques de la circulation transatlantique des savoirs constitués dans ce champ, au croisement du droit, de la science politique et des disciplines scientifiques et techniques. Même si ces nouveaux savoirs ont prétendu au statut de science, leurs promoteurs ont cherché à justifier des buts précis de l’action diplomatique américaine et européenne. Souvent réduite par la littérature sur le sujet aux seuls débats de stratégie des usages des bombes nucléaires, et présentée comme un moyen pour les stratèges américains de stabiliser l'incertitude stratégique vis-à-vis de leur ennemi soviétique, la constitution de ce nouveau champ de savoir a néanmoins aussi offert un espace de débat sur les formes politiques de l'alliance atlantique, entre alignement des amis de l’Amérique sur les choix de celle-ci en matière nucléaire, et recherche d'autonomie créatrice européenne. D'un côté, en se parant des habits de la science, des stratèges américains ont ainsi contribué à masquer, ou, comme le disait Pierre Bourdieu, à euphémiser les effets pratiques de ces discours, et ont cherché dans l’universalité de leur message un surcroît de crédibilité et d’efficacité à l’action diplomatique de leur pays. D'un autre côté, cette communication montrera qu’à la théorie de la domination symbolique de Pierre Bourdieu, qui suppose que les récepteurs de ces discours à vocation universelle en méconnaissent les visées pratiques et spécifiques, devant lesquelles ils ne pourraient de toute façon que s’incliner, il faut substituer une théorie plus souple de la culture et de l’influence des discours sur l’action. Cette communication explore les ruses par lesquelles les médiateurs européens de ces discours se les sont appropriés afin de suivre leurs buts propres, dont les producteurs de discours n’avaient bien souvent pas conscience.

The European Diffusion of American Nuclear Strategic Discourse (1954-1968): On Ruse in International Relations

Since the Second World War, a new field emerged in the United States and in Europe, in which theorists debated the rational planning of nuclear research and development, production and uses of nuclear weapons. This paper studies the effects of such transatlantic circulation of knowledge, situated at the intersection of law, political science and natural sciences. Even if strategic thinkers pretended to speak on behalf of science, their intellectual production sought to justify specific diplomatic goals in American and European foreign policy. Previous scholars have studied how strategic debates about the uses of nuclear weapons reduced the strategic uncertainty vis-à-vis the Soviet Union during the Cold War. In contrast, this paper shows how the circulation of this new knowledge offered a space of discussion about the political nature of the transatlantic alliance, between European alignment on American goals and European search for autonomy. On the one hand, American strategic thinkers used the reference to science to hide — rather, to euphemize, as Pierre Bourdieu would have it — the practical effects of their discourse. They sought to gain added credibility and diplomatic efficacy thanks to the presumed universality of their discourse. On the other hand, as this paper shows, European mediators appropriated these discourses in order to follow their own specific political goals. This paper therefore shows the limits of Pierre Bourdieu's theory of symbolic domination, which, if applied to the study of international relations, would assume that receptors of such discourses would be unaware of their practical goals, before which they could only bow in the first place.


LA BRANCHE Stéphane (IEP Grenoble)

Violence identitaire et développement durable : Le cas du Ghana

Dans une recherche portant sur la dimension symbolique de l’occidentalisation, nous avons entrepris en 1999, une recherche de terrain au Ghana. Il s’agissait d’analyser les effets des Programmes d’ajustements structurels de la Banque mondiale, critiqués comme étant une force d’érosion identitaire, culturelle et symbolique chez les non-occidentaux. Pour leur part, les projets dits durables et appropriés ont été proposés et le sont toujours comme une réponse à ces problèmes. Qu’en est-il? Peut-on présumer que les projets s’inscrivant dans une démarche de développement durable n’ont pas d’impact sur les valeurs et les identités des communautés dans lesquelles ils sont mis en oeuvre ? Après avoir mener une analyse des discours de la Banque mondiale — notamment les justifications sous-tendant sa notion de " bonne gouvernance " et les pratiques qui en découlent - et d’une ONG de développement, Vision mondiale, nous avons ensuite effectué une recherche de terrain dans trois communautés ghanéenne, qui suggère que même les projets durables et participatifs peuvent avoir un impact direct sur l’identité et les valeurs des individus à moins grande échelle mais à plus courte échéance que les programmes de la Banque mondiale. Plus intéressant, nous avons repéré des effets mais aussi un processus de violence identitaire et symbolique communs entre ces programmes d’ajustements et les projets durables d’apport en eau potable, pourtant simple.
Nous reprendrons dans un premier temps ces arguments — déjà publiés - pour ensuite élaborer à partir de récentes recherches, présentées dans le Journal of Peace Research, et qui théorise la notion de violence à partir des réflexions développées dans nos terrains. Un des points majeurs à mettre de l’avant est que le récepteur — c'est-à-dire, l’Africain dans sa communauté au quotidien — est loin d’être un sujet passif : il accepte, adopte, revendique, critique, rejette tout à la fois ce processus d’imposition de changement culturel. Qu’est-ce que ces actions impliquent pour la notion et le processus concret de violence identitaire et culturel ?

Identity Violence and Sustainable Development. The Case of Ghana

In a research on the symbolic aspects of westernisation, we undertook in 1999 a field research in Ghana, that aimed at understanding the impact on culture, values and identity of Asante communities of large-scale development projects, managed by the World Bank and the State. We then compared those with the impact of sustainable development projects - clean water supply — on these communities. To our surprise, these small-scale, community based, culturally sensitive and appropriate projects were found to have a smaller-scale but in depth impact on the communities’ members’ values, power relations and identity.
We will first present our field research results in order, then, to develop some ideas regarding the notions of violence. In particular, we have noted that individual actors take on a very complex role in the process of ‘cultural violence’, at once participating in it, resisting to it, and adapting it.

 

BIALLY Mattern Janice (Lehigh University)

Representational Force Meets ‘Real’ Force: Some Thoughts on the Relationship between Linguistic and Material Forms of Coercion

How does language express power? And how does ‘language-power’ matter for world politics? In pursuit of some insight on these questions I have focused on representational force–one particular form of language-power that bears quite significantly on the contours of world politics and international order. But important dimensions of representational force remain under-theorized. For instance, what is the relationship between representational force and more realist or traditional views of force?
In what follows I take up this question. I offer what I understand to be a realist conception of force, and then, after characterizing representational force, I draw out three key dimensions oft heir relationship. Ultimately I argue that these are continuous rather than dichotomous forms of force. However, I also argue that representational force nonetheless merits independent attention.


LAROCHE Josepha (Université Paris 1)

Politique française de diversité culturelle vs. Soft Power américain

Par politique française, il faut entendre aussi bien l’ensemble des interactions complexes résultant des positions adoptées par l’État que par les firmes, les ONG ou bien encore les corporations professionnelles.
Cette politique en faveur de la diversité culturelle se pose en chef de file mondial en s'opposant aux États-Unis. Dans le contexte de la mondialisation et de la réaffirmation des identités culturelles, le Soft Power américain joue en effet comme violence symbolique en se retrouvant au cœur d’un dispositif d’hégémonie culturelle.
Pour les besoins de l’analyse, nous reviendrons sur les dispositifs mis en place par la France pour protéger la création cinématographique face aux majors américaines. De même, nous aborderons l'opposition française à la bibliothèque numérique Google et la promotion par la France du contre-projet européen. Enfin, nous consacrerons une part substantielle de la contribution au combat de la France en faveur de la Convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle adoptée en 2005. En étudiant son opposition — notamment linguistique — à toutes les formes de standardisation et de normalisation anglo-saxonne mondialisée, nous serons ainsi conduits à reconsidérer le Soft Power américain.

French Policy of cultural diversity versus American Soft Power

By French Policy, we intend to include all the global complex interactions adopted by the State as well as those defended by firms, NGOs or professional corporations.
This policy dedicated to the cultural diversity tries to take the global leadership and aims to speak in the name of the international community against the United States. In the frame of the globalisation process and the reaffirmation of cultural identities, the American Soft Power looks like a symbolic violence, located in the very heart of a cultural hegemonic device.
For the needs of analysis, we shall have to reconsider a plurality of proceedings introduced by French public authorities and French private actors in order to protect creation in the French film industry facing American majors. In the same logic, we will have to deal with French opposition to the Google digital library and the promotion of the European alternative counter-project. At last, we shall spend a substantial part of our research to the French fight in favour of the Convention on the Protection and Promotion of the Diversity of Cultural Expressions adopted in 2005. So that, we will scrutinize its resistance - notably linguistic — in front of all kind of Anglo-Saxon cultural standardization and normalization extended to all societies among the world. In doing such a contribution, we shall be thereof leaded up to reconsider American Soft Power.


BOURMAUD Daniel (Université de Pau)

La Corée du Nord et la violence symbolique

La Corée du Nord apparaît souvent comme une énigme. Ses atermoiements, ses manœuvres dilatoires, dans la négociation internationale, notamment pour ce qui concerne la détention de l’arme nucléaire, sont le plus souvent analysés comme l’expression du caractère totalitaire du régime et de la personnalisation du pouvoir. Pourtant, il est frappant de constater combien, dans sa relation avec l’extérieur, la Corée du Nord se situe dans un registre symbolique. S’estimant victime d’un ostracisme illégitime et d’un traitement humiliant, elle déploie ainsi une stratégie le plus souvent incomprise, notamment de la part des Etats-Unis. La ‘crise’ nord-coréenne illustre ainsi à sa façon le poids des représentations dans l’analyse des relations internationales.

North Korea and symbolic violence

North Korea is commonly described as an enigma. Most analysts consider that its behaviour in negociating, made of procrastination and delaying tactic, arises from its internal totalitarianism and personal rule. However, one is struck by the prevailing symbolic repertory of its foreign policy. North Korea views itsel as a victim. Facing an illegitimate ostracism and a humiliating treatment, especially form the United States, its displays a strategy, often misunderstood. The north korean crisis illustrates the key role of symbolic representations in the analysis of international relations.


RAGARU Nadège (CNRS (ISP), CERI)

Violence symbolique et territoires de l'identité : les controverses autour de la statue de Skanderberg à Skopje (Macédoine)

On observe, depuis la signature des accords d'Ohrid qui ont mis un terme aux affrontements entre guérilla albanaise et forces de l'ordre en Macédoine, un redéploiement de la violence dans un registre symbolique, qui prend notamment la forme de controverses autour des interprétations du conflit de 2001, des identités nationales et de leurs inscriptions territoriales. Les politiques mémoriales fournissent un des sites d'observation les plus intéressants de ces entreprises identitaires, alors que se multiplient les momunents dédiés aux victimes slaves et albanaises de la crise. Dans le cadre de la présente intervention, nous avons choisi de nous arrêter sur le projet de construction, au coeur de la capitale macédonienne, Skopje, d'une statue dédiée à Skanderbeg (1405-1468), figure construite comme un héros national par l'idéologie nationale albanaise. L'analyse des controverses ayant entouré la réalisation de la statue en 2005-2006 nous fournira l'opportunité de réfléchir aux interactions entre violence physique et violence symbolique, mais aussi aux enjeux de pouvoir entourant les nouvelles territorialisations des identités selon des jeux d'échelle variables. En effet, troisième monument dédié au héros, après ceux de Tirana et de Pristina, le statue de Skopje apparaît comme participant de la rédéfinition non seulement des rapports entre majorité slave et minorité albanaise en Macédoine, mais aussi des relations symboliques entre communautés albanaises de Macédoine, du Kosovo et d'Albanie et des concurrences intra-albanaises en Macédoine même.

Symbolic Violence and the Territories of Identity : The Controversy over Skanderbeg's Statute in Skopje (Macedonia)

Following the signature of the Ohrid Agreements that put an end to the infighting between an Albanian guerilla and the Macedonian military, violent confrontation has been superseded by a more subtle but no less intense symbolic struggle, as illustrated by the emerging controversies over the interpretation of the 2001 conflict, of national identities and of their territorial roots. At a time when more and more monuments commemorating the Macedonian and Albanian victims of the crisis are being built, memorial policies provide a fruitful field of research to those who wish to study identity entreprises. Our presentation will more specifically address the debates that surrounded the building - in the center of Skopje, Macedonia's capital - of a statute dedicated to Skanderbeg (1405-1468), a personality constructed as a national hero by Albanian national ideology. Thereby we shall examine the interactions between physical and symbolic violence in the Macedonian context. The power games involved in (re)territorializing national identities along competing geographic scales will also be investigated. In effect, the third of her kind in the Balkans - there is already one statute of Skanderbeg in Tirana and one in Pristina -, Skopje's new monument got caught not only in the redefinitions of the relations between the Slav majority and the Albanian minority in Macedonia, but also in the process of reshaping the symbolic ties that bind the Albanian communities in Macedonia to those of Kosovo and Albania. At yet another level, the project will be seen as pertaining to intra-albanian political and symbolical competitions within Macedonia.


HECKER Marc (CRPS Université Paris-1)

Les résonances du conflit israélo-palestinien en France : de l’exportation de la violence physique à l’importation de la violence symbolique ?

Au moment de la deuxième Intifada, la montée des tensions communautaires en France, marquée notamment par une hausse des actes antisémites, a encouragé certains commentateurs à analyser la situation en termes d’ " importation du conflit israélo-palestinien ". Si cette expression est contestable — le niveau de violence, en France, est incomparable à celui du Proche-Orient —, il n’en reste pas moins que les résonances du conflit israélo-palestinien se font effectivement sentir sur le territoire national. Constater que cette guerre lointaine a des répercussions en France n’est pas, en soi, une nouveauté. Les groupes armés palestiniens optèrent pour une stratégie d’exportation du conflit dès la fin des années 1960 qui se traduisit par plusieurs attaques sur le sol français. De leurs côtés, les Israéliens menèrent des opérations ciblées sur le territoire national, à l’instar de l’assassinat de Mahmoud Hamchari en 1972. Les modalités de résonance semblent néanmoins avoir changé. Les tensions actuelles ne résultent pas de l’intrusion en France de combattants étrangers mais de la confrontation d’acteurs français ou établis de longue date sur le territoire national. En outre, ces tensions n’ont pas, à de rares exceptions près, franchi le cap de la violence symbolique ou de la violence physique de très basse intensité. En d’autres termes, on serait passé d’une configuration d’exportation de la violence physique à une forme d’importation de la violence symbolique. La difficulté est de savoir si cette violence symbolique ne risque pas, à son tour, de se transformer en violence physique.

The repercussions of the Israeli-Palestinian conflict in France: from the export of physical violence to the import of symbolic violence?

At the time of the second Intifada, the rise of tensions between communities in France, characterised for instance by an increase of anti-Semitic acts, has led some commentators to refer to the ‘import’ of the Israeli-Palestinian conflict. Although this expression is disputable, since the level of violence in France is in no way comparable to that in the Middle-East, the Israeli-Palestinian conflict clearly has repercussions in France. To acknowledge this is not new. Palestinian armed groups, for example, attempted to export the conflict by committing several terrorist attacks on French soil in the 1970s and 1980s. On the other hand, Israelis led targeted operations in France, such as the assassination of Mahmoud Hamchari in 1972.
However, the nature of these repercussions seems to have changed. Indeed, the current tensions are not the result of foreign fighters acting in France, but of the confrontation between French actors or groups that have been long established in France. Furthermore, these tensions have not yet gone beyond the level of symbolic violence or very low-intensity physical violence, except on some rare occasions. Therefore, we can wonder if we have evolved from a situation characterised by the ‘export’ of physical violence, to one defined by an ‘import’ of physical violence.
A further question is to determine whether this symbolic violence may not, in turn, evolve into physical violence.


RYFMAN Philippe (Paris I)

L’action des ONG humanitaires. Vecteur d’évolution des normes et des comportements ou instrument de stigmatisation ?

La notoriété de l’action humanitaire, particulièrement non gouvernementale, est telle aujourd’hui qu’il peut paraître incongru de s’interroger sur le degré de violence symbolique qu’elle serait susceptible de véhiculer. Quoi de plus impartial en effet que le geste du secouriste à l’égard des authentiques victimes (essentiellement les populations civiles) de la violence, bien réelle, des conflits armés ?
La recherche ne saurait pour autant éluder ce questionnement. En croisant, pour l’introduire deux approches : les perceptions différenciées des acteurs locaux et le degré de violence intrinsèque à certaines pratiques opérationnelles des organisations humanitaires.
La communication s’attachera d’abord à rappeler que les représentations de l’aide humanitaire sont multiples, jusqu’à celles assimilant à une violence faite à une société, une culture, une idéologie, une religion.... Puis à déterminer la charge symbolique qu’incluent, même de façon inconsciente, des actions d’assistance, du type campagnes de vaccination massives ou modalités de lutte contre certaines nouvelles maladies contagieuses (Ebola, par exemple). Voire les statuts différenciés des personnels nationaux et internationaux ou le poids croissant des contraintes de sécurité. Ce qui permettra de mieux appréhender alors les signifiants du discours et des pratiques de certaines ONG, alternant désir(s) et production de normativité (à prétention universaliste), avec stigmatisation d’auteurs d’atrocités, mais aussi de supposés comportement déviants.

Humanitarian NGO’s Action: Tool for the evolution of standards and Behaviours or Instrument of Stigmatization?

Humanitarian aid fame, above all in her nongovernmental part, is so high today that it may seem surprising to question the symbolical violence degree open to be found in it. What’s more impartial indeed that the humanitarian worker gesture towards truly victims (mainly civilians) of real violence in armed conflicts?
Research shouldn’t yet ignore this question, by crossing two approaches by way of introduction: differentiate perceptions of local actors and proper violence degree of some operational practices of humanitarian organizations. The paper will first remind that aid representations are numerous, containing those that assimilate it to a violence done to a community, a culture, an ideology, a religion.... Then, it will try to determine the symbolical load including (even subconsciously) by help projects, like massive vaccination campaigns or struggle ways against new contagious diseases (Ebola, for example).
Or even differentiate status between national and international aid workers, or the growing weigh of security constraints. That would allow us to better understand, then, the meanings of some NGOs language and practices, alternating norms desire and production (with a universalist claim) with also stigmatization of atrocities authors, as but supposed diverting behaviours.


PUIG Emanuel (I.E.P. de Bordeaux)

Le point de vue scolastique comme forme de domination symbolique. Généalogie de l’appréhension de la menace chinoise dans la discipline américaine des Relations internationales : Mahan, Spykman, Mearsheimer

Un survol rapide de la littérature contemporaine en RI suffit pour s’en apercevoir : la question de l’avènement de la puissance chinoise est devenue un tropisme disciplinaire. Depuis la fin de la guerre froide, la question de l’avenir de la Chine est abordée par différentes approches, mais elle constitue surtout une priorité pour l’agenda réaliste. Ces approches réalistes appréhendent la question chinoise selon deux angles : le premier met l’accent sur l’équilibre des puissances, le second sur les cycles hégémoniques. A travers ces deux axes, l’horizon logique demeure le même : la montée en puissance de la Chine menace l’ordre international contemporain.
Depuis sa formulation moderne dans les années 1920, le réalisme a progressivement constitué sa matrice logique sur une épistémologie rationaliste et positiviste. Les discours savants qui appréhendent la Chine selon le principe de l’équilibre des puissances instituent ainsi la théorie en norme universelle de la pratique et développent une représentation objectivement menaçante de la Chine. En d’autres termes, ces auteurs ont systématisé une forme d’antagonisme entre les Etats, et plus particulièrement entre la Chine et les Etats-Unis.
L’ambition de cette communication est d’effectuer une généalogie de l’appréhension de la Chine par trois générations d’internationalistes étasuniens, afin de démontrer la mobilité et les mutations progressives de l’appréhension de la " menace chinoise " à travers le prisme de l’équilibre des puissances. Inscrite dans le prolongement d’une expérience sociale, (l’expansionnisme étasunien pour Mahan, la seconde guerre mondiale pour Spykman et la fin de la guerre froide pour Mearsheimer), la représentation de la Chine comme " contre balancier " a toujours véhiculé un rapport de domination symbolique que la scolastique réaliste a progressivement naturalisé. Que cet équilibre des puissances s’établisse entre races et civilisations chez Mahan, entre entités géostratégiques chez Spykman ou entre puissances étatiques chez Mearsheimer, ces systématisations ont toujours correspondu à une logique d’ascendance politique à l’encontre de la Chine.
Aussi, en procédant à la généalogie de ce point de vue scolastique qui se pense comme universel et anhistorique, nous démontrerons comment les discours réalistes contemporains légitiment et perpétuent une forme de domination symbolique envers la Chine.

Scholastic View as Symbolic Domination. Genealogy of the China Threat in the American Discipline of International Relations: Mahan, Spykman, Mearsheimer

Since the early 1990’s, there is a kind of "China-mania" (A. Goldstein) among American scholars in International Relations (IR). The rise of China has stimulated many debates, and especially among the realists. According to them, there are two ways of dealing with this rising power: the first is coherent with the "Balance of power" theory, the second with the "hegemonic cycles". But in the two cases, the logic remains the same: China is threatening the international order.
Since its early conceptualizations in the 1920’s, realism is bases on a rationalistic epistemology. Dealing with reality as an ‘out there’ upon which the social scientists can draw universal laws, realists, and especially neorealists, believe that the logic of the anarchic system is inescapable. Logically, the anarchy will thwart projects of reform and changes as in the past. Anarchy is a fact, self-help is the law. Thus, China and the United States are doomed to compete (at least) or to fight a war (at worst).
The aim of this paper is to draw a genealogy of the "China threat" idea through three generations of American scholars in IR. In showing how they articulated their own visions according to a sociopolitical context, I will try to demonstrate how they perceived and systemized the vision and the logic of this threat. In doing so, I’ll try to outline the political aspects of these visions which tended to naturalize the political domination of the U.S. toward China.
In showing how the contemporary discourses of the "China threat" (and more specifically John Mearsheimer’s views) are deeply entrenched in a sociopolitical history, I’ll try to redefine some aspects of the realist views as symbolic domination forms.