Table ronde 4

La médiatisation du politique. Regards croisés, regards comparés

Responsables scientifiques :
Olivier Baisnée (Laboratoire des sciences sociales du politique/LaSSP, IEP de Toulouse) obaisnee@club-internet.fr
Eric Darras (Laboratoire des sciences sociales du politique/LaSSP, IEP de Toulouse) eric.darras@univ-tlse1.fr

 

L’ambition de cette table-ronde reste d’organiser le dialogue des spécialistes du journalisme de la discipline et des domaines connexes (sociologie, information et communication) avec les chercheurs concernés par la médiatisation de leurs objets (comportements politiques, mouvements sociaux, activités de gouvernement, action publique, relations internationales, etc. ). En d’autres termes, il s’agirait d’inviter les spécialistes du journalisme à inscrire leurs recherches dans les problématiques plus générales de la science politique et, réciproquement, d’inviter les chercheurs spécialistes d’objets traditionnels de l’étude du politique, à interroger leurs propres travaux à la lumière de ce questionnement, tant dans l’espace français que dans celui de la comparaison internationale.

Les spécialistes s’accordent sur le constat que les interactions entre le champ politique et le champ journalistique évoluent profondément, qu’il s’agisse de la place accordée au politique et à la politique, des manières d’en rendre compte au sein des différents médias, ou encore de la sociographie des journalistes politiques. La table ronde sera donc l’occasion d’évaluer les effets de ces transformations tant sur le journalisme politique que sur le métier, les acteurs et les processus politiques. Ceux-ci modifient plus largement le cadre dans lequel se déroulent la compétition politique, la production de sens politique, la construction des problèmes publics, les stratégies militantes, etc.

Seules des études de cas pertinentes peuvent permettre de constituer des terrains fructueux de confrontation des expériences et des résultats de recherche. Les propositions de communication s’appuyant sur des travaux et des analyses comparées sont également privilégiées même si les objets et les terrains analysés sont tout aussi bien locaux, nationaux, européens ou internationaux. Cette problématique générale sera déclinée en trois dimensions complémentaires.

Session 1 : L’inscription démocratique des journalismes politiques

Depuis les travaux fondateurs aux Etats-Unis, nombre de recherches sont désormais disponibles dans les pays anglo-saxons et scandinaves et depuis peu en France. Ces recherches permettent désormais de porter un regard historiquement informé sur les modes de structuration de la profession et des liens, bien sûr évolutifs, qui l’unissent aux "valeurs" démocratiques, au personnel et aux institutions politiques. Peut-on lire dans ces processus les prémisses de ce que seront les rapports entretenus par les journalistes politiques avec les responsables politiques ? Le regard historique permet-il, en cela, de dépasser les raccourcis culturalistes (un journalisme anglo-saxon fait de rigueur et de sobriété s’opposant à des modèles plus latins, complaisants ou littéraires) ? Permet-il d’en finir avec les grilles de lecture fonctionnalistes distinguant des rôles démocratiques des journalistes variables selon les gouvernements représentatifs ?

Viennent ensuite les transformations plus contemporaines du journalisme politique. Il s’agirait alors d’appréhender les mutations intimidantes du journalisme politique qui affectent l’ensemble des secteurs et au-delà puisque les frontières du champ journalistique s’avèrent toujours plus poreuses (TIC dont les blogs, animateurs ne pouvant faire valoir la carte de presse…). Il faut en effet rendre raison des importantes transformations technologiques et économiques en cours (nouveaux médias, concentration, dérégulation, internationalisation, affinement des indicateurs d’audiences, effets dans les rédaction de la prime à la shareholder value), de l’évolution de la morphologie de la profession (triplement des effectifs, féminisation, élévation du niveau de recrutement,…), ou encore de celle de la formation des journalistes où la science politique tient un rôle croissant.

Enfin, la question démocratique du journalisme politique se pose ainsi dans les termes d’une montée en généralité démocratique ou d’une philosophie politique qui renouvelle largement Habermas. Les contributions, dans ce cadre, pourraient donc apporter leur pierre à la discussion théorique internationale en cours, à un moment où la "french theory" parfois résumée à la "field theory" connaît dans ce domaine un succès inattendu mais non sans malentendus (Erik Neveu).

Session 2 : La construction politique et médiatique des enjeux

Cette session offre l’opportunité d’une réévaluation de la contribution du journalisme aux dynamiques de (dé-)politisation des enjeux et à s’interroger sur les effets symboliques et pratiques de ces processus de redéfinition des catégories journalistiques d’entendement du politique.

La problématique de la politisation des causes, donc des groupes qui les portent, peut trouver à s’actualiser sur maints sujets selon qu’ils font ou non l’agenda, "l’opinion" (insécurité, santé, immigration, économie, emploi, etc.) voire le comportement politique. La définition de ce qui est politique (donc de ce qui ne l’est pas) demeurant elle-même un enjeu majeur de cette lutte symbolique (Bourdieu), il s’agirait de tenir compte des acteurs et institutions hors champ politique, des périodes électorales mais aussi des temps plus "ordinaires". En ce sens, la question du rôle des médias et des journalistes dans la construction des problèmes publics permet d’opérer une intersection des problématiques ayant trait à l’étude des mouvements sociaux, à l’analyse de l’action publique et au journalisme.

Cette session aura donc particulièrement vocation à accueillir les travaux portant sur les stratégies militantes de médiatisation, la définition d’enjeux et de problèmes de politiques publiques particulièrement médiatisées, l’émergence de "paniques morales" et de "démons populaires" etc. L’intérêt (et, inversement, le désintérêt) journalistique pour un certain nombre de causes et d’entrepreneurs de cause pèsent-ils sur la définition des problèmes publics, influent-ils sur leur prise en charge (et les modalités de celle-ci) par les autorités publiques ?

Session 3 : Des manières de faire et d’être en politique sous contrainte de médiatisation

Les transformations du journalisme politique ne peuvent s’analyser sans mesurer ce qu’elles doivent aux évolutions des manières de faire et d’être en politique (modifications de la sociographie du personnel politique, des carrières et des trajectoires politiques, etc.). Il convient dans le même temps de s’interroger sur ce que l’évolution du traitement journalistique de la politique modifie dans les pratiques politiques. Pour prendre des exemples concrets, l’on peut se demander comment les professionnels politiques anticipent, via le spin control, la contrainte croissante des breaking news, dont les interventions militaires, la gestion politique du terrorisme, de la santé publique ou encore si la moindre importance donnée au suivi médiatique des activités parlementaires en France a eu une influence sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale. Autrement dit, la médiatisation anticipée du politique a-t-elle des effets dans la formulation des politiques, la sélection des candidats (et plus largement la compétition interne aux partis) ou les carrières militantes.

En quoi l’effacement de la politique au sein des rédactions modifie les conditions d’exercice des fonctions électives et gouvernementales ? Par ailleurs, l’apparition de nouveaux espaces spécialisés (chaînes d’information en continu, chaînes parlementaires, etc.) aux publics restreints mais décisifs (journalistes et personnel politique) n’a-t-elle pas, au contraire, permis une redistribution des cartes médiatiques ? De la même manière, la multiplication prochaine des chaînes de télévisions locales ne bouleversera-t-elle pas, à court ou moyen terme, les manières d’être et les règles du jeu au sein des espaces politiques locaux ?

Reste enfin à éclairer le rôle des sondeurs et les conseillers en communication, tant auprès des acteurs et institutions politiques qu’administratives.

 

Round table 4 : Media coverage of politics

Scholars agree on the fact that interactions between the political and the journalistic field have deeply changed in terms of : the time and space devoted to politics, the kind of coverage applied to politics in the different kind of media or in the political journalists profiles. This round table will be the occasion to assess the effects of these ongoing transformations on political journalism as such but also on political actors and political processes. This new context, which will have to be evaluated in the different national configurations, influences way beyond the sole journalistic milieu. More broadly, it influences the rules of the political competition, the "making sense of politics" process, public problems’ construction, agenda setting processes, protest strategies, etc. This round table should be the occasion for sharing views and, thus, stay away from two intellectual misleading ideas : the overestimation of the influence of media on political processes (mediacentrism), and, conversely, its underestimation. Relevant case studies can only give a ground for such an intellectual exchange and the confrontation of experiences and of research results. Though proposals will have to be both empirically grounded and new to have a chance to be selected. Moreover, communication’s proposals which will provide comparative data and analysis will receive great attention. Finally, this call for papers encourages and welcomes papers focused on various analytical levels : research objects or field studies could be local, national, European or international.

This round table will be organised along three different sessions :

Session 1 : Political journalism and Democracy : historical and comparative views on the relationships between the political and journalistic fields.

Session 2 : The political and journalistic construction of stakes.

Session 3 : Way of doing and way of behaving in politics under media pressure.